Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Corsica Diving Center a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler l'arrêté du 7 juin 2016 par lequel le préfet de la Corse-du-Sud a refusé de lui délivrer une autorisation d'occupation du domaine public maritime pour l'exploitation d'un parc aquatique et, d'autre part, de l'indemniser de son préjudice.
Par un jugement n° 1600914 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté et rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la Cour :
Par un recours, enregistré le 12 juin 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 avril 2017 ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Corsica Diving Center présentée devant le tribunal administratif de Bastia.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de comporter l'analyse des moyens invoqués en défense par le préfet de la Corse-du-Sud ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que l'arrêté en litige était insuffisamment motivé ;
- le tribunal administratif a fait une application erronée des textes en vigueur en estimant que l'autorisation sollicitée entrait dans le champ des dispositions de l'article L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques et non pas de celles combinées de l'article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 321-9 du code de l'environnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 11 septembre 2017 et le 26 mars 2018, la SARL Corsica Diving Center, représentée en dernier lieu par Me A..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 38 000 euros en réparation de son préjudice, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Corse-du-Sud de lui délivrer l'autorisation sollicitée et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de la transition écologique et solidaire ne sont pas fondés ;
- le parc aquatique dont l'exploitation est envisagée ne présente aucun risque pour la sécurité de la navigation, ne porte pas atteinte à l'intégrité des fonds marins ni au libre accès à la mer et à sa gratuité ;
- le refus illégal qui lui a été opposé lui occasionne un manque à gagner dont elle est fondée à demander réparation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 19 juillet 1988 relatif à la liste des espèces végétales marines protégées ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Corsica Diving Center a sollicité la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime pour l'implantation au cours de la période du 1er juin au 30 septembre 2016 d'une aire de jeux aquatiques sur la plage de la Viva sur le territoire de la commune de Grosseto-Prugna (Corse-du-Sud) ; que par un arrêté du 7 juin 2016, le préfet de la Corse-du-Sud a refusé de lui accorder l'autorisation sollicitée ; que le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté ; qu'il doit être regardé comme demandant l'annulation des seuls articles 1er et 2 de ce jugement qui lui font griefs ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 7 juin 2016 :
2. Considérant que pour annuler l'arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 7 juin 2016, les premiers juges se sont fondés sur deux motifs tirés, l'un, de ce que cet arrêté n'était pas suffisamment motivé en droit, l'autre, de ce que le refus opposé à la SARL Corsica Diving Center ne pouvait être légalement fondé sur les dispositions combinées de l'article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 321-9 du code de l'environnement mais seulement sur celles de l'article L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " (...) doivent être motivées les décisions qui (...) refusent une autorisation (...) " ; que l'article L. 211-5 du même code dispose que la motivation doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ; que, la décision rejetant une demande présentée en vue d'obtenir une autorisation d'occupation du domaine public constitue un refus d'autorisation au sens de ces dispositions et doit, par suite, être motivée ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " L'accès des piétons aux plages et leur usage libre et gratuit par le public sont régis par les dispositions de l'article L. 321-9 du code de l'environnement " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 321-9 du code de l'environnement : " L'usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines " ;
5. Considérant que l'arrêté en litige énonce les trois motifs qui fondent le refus opposé à la SARL Corsica Diving Center tenant, d'une part, au risque présenté par l'activité projetée pour la sécurité de la navigation, d'autre part, à l'impact sur l'intégrité des fonds marins et aux perturbations apportées à faune et la flore sauvages et enfin à l'atteinte portée au principe du libre accès à la mer et à sa gratuité ; qu'il expose ainsi avec une précision suffisante les éléments de fait sur lesquels le préfet de la Corse-du-Sud a fondé sa décision ; que le premier motif renvoie à une considération d'ordre public ; que le second entend se référer aux dispositions de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques relatif à la préservation des ressources biologiques ; qu'enfin, le dernier motif se rattache clairement aux dispositions précitées de l'article L. 321-9 du code de l'environnement qui était expressément visé dans l'arrêté en litige ; que si l'acte contesté vise les " dispositions du code général de la propriété des personnes publiques ", sans mentionner expressément les articles applicables, il ressort des pièces du dossier et notamment des documents annexés à sa demande, que la SARL Corsica Diving Center avait une connaissance claire et précise de ces dispositions ainsi que du fait qu'elles étaient applicables à son activité ; que cette absence de précision était, dans les circonstances de l'espèce, dépourvue de toute ambiguïté sur les considérations de droit ayant fondé le refus opposé et ne privait dès lors pas la SARL Corsica Diving Center des garanties que l'exigence de motivation visait à lui apporter ; que l'arrêté en litige est ainsi suffisamment motivé ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " Des autorisations d'occupation temporaire du domaine public peuvent être accordées à des personnes publiques ou privées pour l'aménagement, l'organisation et la gestion de zones de mouillages et d'équipement léger lorsque les travaux et équipement réalisés ne sont pas de nature à entraîner l'affectation irréversible du site./ Ces autorisations sont accordées par priorité aux communes ou groupements de communes ou après leur avis si elles renoncent à leur priorité " ; que l'article R. 2124-39 du même code pris pour l'application de ces dispositions précise que : " L'occupation temporaire du domaine public maritime, en dehors des limites des ports, en vue de l'aménagement, de l'organisation et la gestion des zones de mouillages et d'équipements légers destinées à l'accueil et au stationnement des navires et bateaux de plaisance fait l'objet d'une autorisation dans les conditions fixées par les dispositions de la présente sous-section et des articles D. 341-2, R. 341-4 et R. 341-5 du code du tourisme " ; que l'article R. 2124-41 de ce code prévoit que : " La demande d'autorisation, adressée au préfet, est accompagnée (...) d'un plan de situation et d'un plan de détail de la zone faisant ressortir l'organisation des dispositifs des mouillages ainsi que des installations et des équipements légers annexes au mouillage " ;
7. Considérant que ces dispositions ont seulement pour objet de fixer les conditions dans lesquelles des autorisations d'occupation temporaire du domaine public peuvent être accordées à des personnes publiques ou privées pour l'aménagement, l'organisation et la gestion de zones de mouillages et d'équipement léger annexes à ces mouillages destinées à l'accueil et au stationnement des navires de plaisance ; qu'elles n'ont pas vocation à régir la délivrance d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public en vue de l'exploitation d'un parc aquatique tel celui de la SARL Corsica Diving Center ; que, dès lors, en estimant que la demande présentée par cette société était seulement régie par les dispositions de l'article L. 2124-5 du code général de la propriété des personnes publiques, à l'exclusion de celles du I de l'article L. 2124-4 du même code et de l'article L. 321-9 du code de l'environnement, pour en déduire que l'arrêté en litige était entaché d'une erreur de droit, le tribunal administratif de Bastia s'est mépris sur les règles applicables au présent litige ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia s'est fondé sur les motifs mentionnés au point 2 pour annuler l'arrêté du 7 juin 2016 du préfet de la Corse-du-Sud ;
9. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Corsica Diving Center devant le tribunal administratif de Bastia ;
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les décisions d'utilisation du domaine public maritime tiennent compte de la vocation des zones concernées et de celles des espaces terrestres avoisinants, ainsi que des impératifs de préservation des sites et paysages du littoral et des ressources biologiques (...) " ;
11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'emprise du projet de parc aquatique est située dans une zone de protection spéciale du réseau Natura 2000 ; qu'il ressort des photographies aériennes produites par le préfet de la Corse-du-Sud en première instance que les fonds marins situés sur le site comportent des herbiers de posidonies, espèces marines protégées en vertu de l'arrêté interministériel du 19 juillet 1988 susvisé ; qu'alors même que ces herbiers ne seraient pas particulièrement nombreux ou denses, leur présence ou la nécessité de leur reconstitution justifie le refus opposé au regard des exigences susmentionnées de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu'en tout état de cause les photographies sous-marines produites par la société, notamment en l'absence de tout élément de localisation, ne permettent pas d'estimer que ces herbiers seraient absents du site d'implantation du parc aquatique ; qu'ainsi le motif tenant au respect de l'intégrité des fonds marins et à la préservation de la faune et de la flore sauvages du littoral était de nature à justifier légalement l'arrêté en litige du 7 juin 2016 ;
12. Considérant que si le préfet de la Corse-du-Sud s'est également référé, pour refuser l'autorisation sollicitée, au risque que présentait l'activité projetée pour la sécurité de la navigation maritime ainsi qu'à l'atteinte portée au principe du libre accès à la mer et à sa gratuité et à supposer même que ces motifs soient erronés, il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur l'autre motif qui la fonde ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 7 juin 2016 du préfet de la Corse-du-Sud refusant à la SARL Corsica Diving Center l'autorisation sollicitée ;
Sur les conclusions indemnitaires et celles à fin d'injonction de la SARL Corsica Diving Center :
14. Considérant qu'en l'absence d'illégalité fautive, les conclusions indemnitaires de la SARL Corsica Diving Center tendant à ce l'Etat soit condamné à l'indemniser des conséquences dommageables du refus qui lui a été opposé doivent être rejetées ; que, dès lors que le présent arrêt rejetant les conclusions de la SARL Corsica Diving Center n'appelle aucune mesure d'exécution, les conclusions aux fins d'injonction formées par celle-ci doivent également être rejetées ;
Sur les frais liés au litige :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 avril 2017 sont annulés.
Article 2 : La demande d'annulation de l'arrêté du 7 juin 2016 du préfet de la Corse-du-Sud présentée par la SARL Corsica Diving Center devant le tribunal administratif de Bastia et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à la SARL Corsica Diving Center.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 12 octobre 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 octobre 2018.
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N° 17MA02410
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