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08/11/2018 | FRANCE | N°16MA03563

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2018, 16MA03563


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400704 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 septembre 2016 et le 24 mars 2017, Mme D..., représentée

par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...épouse D...a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1400704 du 30 juin 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 septembre 2016 et le 24 mars 2017, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 juin 2016 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Var de prononcer le dégrèvement des impositions en litige dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le délai de reprise de l'administration était expiré dès lors que le non-respect des engagements prévus à l'article 199 undecies A du code général des impôts est intervenu dès 2006 ;

- la vacance de son logement donné en location est imputable à des évènements indépendants de sa volonté ;

- elle a accompli toutes les diligences pour louer son logement et peut prétendre à la réduction d'impôt comme le prévoit la documentation administrative 5 B 3372 et l'instruction administrative référencée 5 B-1-06.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 février 2017, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Par lettre du 2 octobre 2018, la Cour a informé les parties qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la décision était susceptible de relever d'office un moyen tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte en l'absence de litige né et actuel.

Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2018, le ministre des finances et des comptes publics a répondu à cette notification.

Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2018, Mme D... a répondu à cette notification.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Paix,

- les conclusions de M. Ouillon, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... relève appel du jugement du 30 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 à la suite du contrôle sur pièces dont elle a fait l'objet.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer (...) / 2. La réduction d'impôt s'applique : / (...) b) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale ; (...) / 6. La réduction d'impôt est effectuée, pour les investissements mentionnés au a du 2, pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure, et des neuf années suivantes. Pour les investissements visés aux b, c, d, f, g et h du 2, elle est effectuée pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année d'achèvement de l'immeuble ou de son acquisition si elle est postérieure (...) et des quatre années suivantes (...) Chaque année, la base de la réduction est égale (...) pour les investissements visés aux b, c, d, e, f, g et h du 2, à 20 % des sommes effectivement payées au 31 décembre de l'année au cours de laquelle le droit à réduction d'impôt est né (...) / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6 (...) la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités (...) ". Et l'article L. 169 du même code prévoit que : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ".

3. Il résulte de ces dispositions que, dans l'hypothèse d'une rupture de l'engagement avant l'échéance légale, les réductions d'impôt sur le revenu dont a bénéficié le contribuable l'année au cours de laquelle l'engagement a été rompu et, le cas échéant, les années antérieures, font l'objet d'une reprise globale au titre de l'année de rupture. En revanche celles pratiquées au titre des années postérieures font l'objet d'une reprise annuelle au titre de chacune des années concernées. De plus, la méconnaissance des engagements initialement contractés par le contribuable en application du 2 de ce même article constitue le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause du droit à réduction d'impôt, à hauteur des déductions d'ores et déjà pratiquées sur l'impôt brut dû par celui-ci. Par suite, le délai de reprise prévu à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales court à compter de l'année où survient la méconnaissance de ces engagements.

4. Il est constant que Mme D... a pris l'engagement de louer le bien immobilier qu'elle a acquis le 26 mai 2005 en l'état futur d'achèvement et a bénéficié d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre des années 2005 à 2008 sur le fondement de l'article 199 undecies A du code général des impôts. Cet immeuble, achevé le 9 décembre 2005 n'a été loué qu'à compter du 1er juin 2007, après l'expiration du délai de six mois mentionné par les dispositions précitées, qui est intervenue le 9 juin 2006. Par suite, et dans la mesure où la condition de location dans le délai de six mois suivant l'achèvement subordonne l'application de la réduction d'impôt pour l'ensemble des cinq années mentionnées au 6 de l'article 199 undecies A, Mme D... a rompu l'engagement auquel elle était tenue dès l'année 2006, évènement qui constitue le fait générateur de l'imposition résultant de la remise en cause du droit à réduction d'impôt pratiqué par Mme D..., alors même, qu'au titre des années postérieures, elle n'aurait pas non plus respecté son engagement de location de son logement pendant cinq ans. Si l'administration fait valoir qu'elle n'a pu constater avant l'année 2009 que Mme D... avait rompu les engagements auxquels elle était tenue dès lors que cette dernière avait porté à tort sur sa déclaration de revenus de l'année 2006 dans la rubrique " loyers bruts encaissés " des indemnités d'assurance garantissant le paiement de loyer, ne permettant pas à la lecture de cette déclaration de déceler que le logement en cause n'était pas alors loué dans le délai de six mois de son achèvement, elle n'établit en tout état de cause pas qu'elle n'aurait pas été en mesure de s'assurer, avant l'année 2009, notamment par la mise en oeuvre des procédures d'investigations dont elle dispose, du respect par Mme D... de ses engagements lui permettant de bénéficier de la réduction d'impôt en cause. Par ailleurs, le dispositif de l'article undecies A du code général des impôts instaurant une réduction d'impôt unique, même si son imputation est ventilée sur cinq ans, l'année de reprise ne peut qu'être celle où l'engagement prévu par ces dispositions a été rompu qui entraîne à lui seul la déchéance du régime de faveur en litige. Dans ces conditions, Mme D... est fondée à soutenir que le droit de reprise de l'administration était prescrit lorsqu'elle lui a adressé le 12 juillet 2012 une proposition de rectification aux fins de remettre en cause la déduction de la fraction des réductions d'impôt qu'elle a utilisée pour le calcul de l'impôt dû des années 2005 à 2008 . En revanche et s'agissant de l'année 2009, la prescription a été interrompue par la proposition de rectification du 12 juillet 2012.

En ce qui concerne la réduction d'impôt de l'année 2009 :

5. En premier lieu, et dès lors que le fait générateur de la rupture d'engagement est constitué par l'absence de location à l'expiration du délai de six mois, exposée au point 5, la circonstance, invoquée par la contribuable de ce que l'interruption de location entre les mois de mars 2009 et juin 2012 aurait été indépendante de sa volonté est sans incidence sur le bien fondé des redressements pratiqués. Mme D... ne pouvait plus se prévaloir, dès la date de la rupture de l'engagement qu'elle avait pris, du dispositif prévu à l'article 199 undecies A du code général des impôts. Elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a procédé à la reprise de la réduction d'impôt dont elle a bénéficié au titre de l'année 2009.

6. En second lieu, et pour les mêmes raisons, Mme D... n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations du paragraphe 204 de l'instruction fiscale référencée 5-B-1-06 publiée au bulletin officiel des impôts du 9 janvier 2006 selon lesquelles : " En cas de vacance du logement destiné à la location, le propriétaire doit établir qu'elle n'est pas de son fait en montrant qu'il a accompli les diligences concrètes (insertion d'annonces, recours à une agence immobilière) et que les conditions mises à la location ne sont pas dissuasives ", qui ne comportent, de plus, aucune interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il est fait application. Elle n'est pas non plus fondée à se prévaloir des énonciations de la documentation administrative de base référencée 5 B 3372 du 23 juin 2000 qui se rapporte à des dispositions fiscales dont il n'a pas été fait application en l'espèce pour établir les impositions en litige.

Sur l'application de la majoration prévue par l'article 1758 A du code général des impôts :

7. Aux termes de l'article 1758 A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le retard ou le défaut de souscription des déclarations qui doivent être déposées en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu ainsi que les inexactitudes ou les omissions relevées dans ces déclarations, qui ont pour effet de minorer l'impôt dû par le contribuable ou de majorer une créance à son profit, donnent lieu au versement d'une majoration égale à 10 % des droits supplémentaires ou de la créance indue. / II. - Cette majoration n'est pas applicable : / (...) b) Ou lorsqu'il est fait application des majorations prévues par les b et c du 1 de l'article 1728, par l'article 1729 ou par le a de l'article 1732 ".

8. L'application erronée par Mme D... de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies A du code général des impôts constitue une inexactitude de déclaration qui a eu pour effet de minorer l'impôt. C'est, dès lors, à bon droit qu'une majoration de 10 % de la cotisation supplémentaire mise à la charge des contribuables au titre de l'année 2009 a été appliquée par l'administration fiscale sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal (...) les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable (...) " Il résulte de ces dispositions qu'en exécution d'une décision de justice ordonnant une décharge ou une réduction d'imposition, que la restitution des sommes déjà versées par un contribuable doit être faite par le comptable chargé du recouvrement, sans qu'il soit besoin d'adresser à cette fin une injonction à l'administration fiscale. Dans ces conditions, il ne peut être fait droit aux conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme D....

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulon ne lui a pas accordé la décharge, en droits et pénalités, de la fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 relative à la remise en cause des réductions d'impôt qu'elle a utilisées pour les années 2005 à 2008. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que Mme D... demande en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1 : Mme D... est déchargée, en droits et pénalités, de la fraction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2009 relative à la remise en cause des réductions d'impôt qu'elle a utilisées pour le calcul de l'impôt dû des années 2005 à 2008.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 30 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...épouse D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-Mer.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2018, où siégeaient :

- Mme Mosser, président,

- Mme Paix, présidente assesseure,

- M. Haïli, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 novembre 2018.

N° 16MA03563 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16MA03563
Date de la décision : 08/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Sylvain OUILLON
Rapporteur public ?: M. OUILLON
Avocat(s) : LAIR

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-11-08;16ma03563 ?
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