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11/12/2018 | FRANCE | N°18MA00643

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18MA00643


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 5 octobre 2016 du directeur du centre hospitalier d'Ajaccio portant suspension de ses activités cliniques et thérapeutiques dans le service de gynécologie obstétrique.

Par un jugement nos 1601194 et 1601195 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 5 octobre 2016 du directeur du centre hospitalier d'Ajaccio portant suspension de ses activités cliniques et thérapeutiques dans le service de gynécologie obstétrique.

Par un jugement nos 1601194 et 1601195 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 décembre 2017 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 5 octobre 2016 ;

2°) d'annuler la décision du 5 octobre 2016 du directeur du centre hospitalier d'Ajaccio portant suspension de ses activités cliniques et thérapeutiques dans le service de gynécologie obstétrique ;

3°) de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation de son préjudice professionnel ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

* c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les manquements qui lui étaient reprochés étaient établis ;

* la décision en litige ne pouvait légalement intervenir alors qu'il se trouvait placé en congé de maladie.

Par un mémoire, enregistré le 8 août 2018, le centre hospitalier d'Ajaccio, représenté par la SCP d'avocats Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

* les conclusions indemnitaires sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont pas été précédées d'une demande préalable ; elles présentent également le caractère de conclusions nouvelles en appel et sont irrecevables pour cet autre motif.

* les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 16 octobre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 novembre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

* le code de la santé publique ;

* le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

* le rapport de Mme Tahiri,

* et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., praticien hospitalier en gynécologie et obstétrique au centre hospitalier d'Ajaccio, a été suspendu, à titre conservatoire, par une décision du 5 octobre 2016 du directeur de ce centre hospitalier. Il fait appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté son recours tendant à l'annulation de cette décision. Il demande, en outre, à la Cour de condamner le centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation de son préjudice professionnel.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Si M. A... sollicite désormais la condamnation du centre hospitalier d'Ajaccio à lui verser la somme de 75 000 euros en réparation de son préjudice professionnel, ces conclusions indemnitaires, qui n'ont par ailleurs fait l'objet d'aucune réclamation préalable, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables, ainsi que l'oppose le centre hospitalier. Ces conclusions ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. En premier lieu, le directeur d'un centre hospitalier qui, aux termes de l'article L. 6143-7 du code de la santé publique, exerce son autorité sur l'ensemble du personnel de son établissement, peut légalement, dans des circonstances exceptionnelles où sont mises en péril la continuité du service et la sécurité des patients, décider de suspendre les activités cliniques et thérapeutiques d'un praticien hospitalier au sein du centre, sous le contrôle du juge et à condition d'en référer immédiatement aux autorités compétentes pour prononcer la nomination du praticien concerné.

4. La décision en litige est motivée, d'une part, par le comportement inadapté de M. A... avec le personnel soignant et son incapacité à travailler en équipe, d'autre part, par des manquements répétés pendants ses gardes et, enfin, par de nombreux incidents retracés dans le cadre de la procédure dite des événements indésirables et mettant en cause son comportement ainsi que ses pratiques professionnelles.

5. Pour apprécier, dans le cadre de l'appel formé par M. A..., la légalité de cette décision, il incombe au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les questions en litige au vu des échanges contradictoires entre les parties et des éléments versés au dossier.

6. Si M. A... soutient que la matérialité des faits qui ont motivé la mesure en litige n'est pas établie, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport établi le 11 mai 2015 par la mission d'inspection de l'agence régionale de santé produit par le centre hospitalier d'Ajaccio que les médecins inspecteurs ont relevé une inadéquation du comportement de M. A... au regard de l'organisation d'une unité médicale basée sur un travail d'équipe en précisant qu'une partie des personnels (sages-femmes, infirmières et cadres) ne se sentaient pas en sécurité lorsque M. A... exerçait en raison notamment des instructions qu'il s'abstenait de leur donner ou de ses absences durant les gardes. Le compte-rendu de la réunion organisée le 29 janvier 2016 par la direction des affaires médicales avec deux cadres du pôle " Femme - Enfant " et une dizaine de sages-femmes révèle que ces dernières continuaient à cette date de reprocher à M. A... de ne pas jouer véritablement sa mission de référent médical pour les équipes soignantes et de se déplacer très rarement lorsqu'il était de garde. Le centre hospitalier d'Ajaccio produit en outre deux fiches d'événements indésirables graves concernant des faits survenus au pôle " Femme - Enfant " le 10 mai 2016 et le 21 juin 2016. Le premier retrace la situation d'une patiente adressée pour suspicion de grossesse extra-utérine, renvoyée chez elle après consultation gynécologique malgré ses douleurs et ses saignements et qui le lendemain a dû être hospitalisée en urgence et réanimée dans le cadre d'une grossesse extra-utérine avec collapsus. Le second rapporte le cas d'une patiente présentant un rhésus négatif adressée pour métrorragie pour laquelle il n'a pas été procédé à une prophylaxie rhésus, qui a été mentionnée dans le dossier par le médecin de garde comme ayant un rhésus positif, qui est ressortie sans toucher vaginal ni mise au spéculum et dont la situation n'a été traitée qu'à son retour le lendemain malgré un risque d'hémorragie et de mort foetale. Si ces fiches d'événements indésirables ne sont pas nominatives, M. A... ne conteste pas qu'elles se rapportent à des patientes qu'il a effectivement pris en charge.

Le centre hospitalier d'Ajaccio verse enfin un courrier établi le 30 novembre 2016 qui lui a été adressé, et qui a également été adressé en copie à l'ordre des médecins, par une patiente dont la grossesse extra-utérine n'avait pas non plus été diagnostiquée et dans lequel elle désigne et met en cause expressément M. A... qui l'avait prise en charge le 10 mai 2016. Si l'appelant produit le rapport établi le 9 avril 2015 par un médecin expert désigné par l'agence régionale de santé à la demande du centre national de gestion, en vue de sa titularisation en tant que praticien hospitalier, mentionnant notamment que la cadre sage-femme auditionnée a fait état d'une participation normale de l'intéressé à l'activité quotidienne du service et que la conduite de M. A... n'a jamais fait courir de risques pour la patientèle, cette seule pièce ne suffit pas à remettre en cause les documents sus-analysés qui sont concordants quant à l'existence d'un comportement de M. A... susceptible de compromettre de manière grave et imminente la continuité du service et de faire courir des risques à la santé des patients. Dès lors, les griefs relevés à son encontre présentaient un caractère suffisant de vraisemblance pour justifier la suspension de l'intéressé dans l'intérêt du service.

7. En second lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., la circonstance qu'un praticien hospitalier se trouve placé en congé de maladie ne fait pas obstacle à ce que soit prise, afin de prévenir une reprise d'activité, une mesure de suspension à son égard. La suspension n'entre alors en vigueur qu'à compter de la date à laquelle ce congé prend fin. Même si elle ne prévoit pas expressément une entrée en vigueur différée, la décision de suspension prise pendant un congé de maladie produit effet dans ces conditions et ne met donc pas fin au congé et au régime de rémunération afférent à celui-ci. En l'espèce, le centre hospitalier d'Ajaccio fait d'ailleurs valoir sans être contredit que la mesure de suspension prise à l'encontre de M. A... n'a pris effet qu'à l'issue de ces congés de maladie. Dès lors, le moyen sus-analysé doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Ajaccio, qui n'est pas la partie perdante, verse la somme que demande M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros à verser au centre hospitalier d'Ajaccio sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier d'Ajaccio une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au centre hospitalier d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 où siégeaient :

* M. Gonzales, président,

* M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

* Mme Tahiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

N° 18MA00643 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18MA00643
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-11-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Dispositions propres aux personnels hospitaliers. Personnel médical. Personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Samira TAHIRI
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : MARIAGGI - FAZAI

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-11;18ma00643 ?
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