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20/12/2018 | FRANCE | N°17MA02307

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17MA02307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) à leur verser les sommes de 349 788,39 euros à M. B...et de 19 269,22 euros à Mme B...en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de M.B....

Par un jugement n° 1407274 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à M. B...la somme de 269 182,90 euros et à Mme B...la somme de 6 269,22

euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D...B...ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM) à leur verser les sommes de 349 788,39 euros à M. B...et de 19 269,22 euros à Mme B...en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de la prise en charge de M.B....

Par un jugement n° 1407274 du 27 mars 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'AP-HM à verser à M. B...la somme de 269 182,90 euros et à Mme B...la somme de 6 269,22 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juin 2017 et le 10 juillet 2017, l'AP-HM, représentée par MeC..., demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2017.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité ;

- le patient n'étant pas inapte, il ne subit pas de préjudice professionnel ;

- la perte de gains professionnels futurs consécutive à une demande d'admission anticipée à la retraite sans lien avec la faute n'est pas indemnisable ;

- l'indemnité de résidence ne doit pas être intégrée dans le calcul des pertes de gains professionnels ;

- la prime de technicité n'est pas due ;

- la perte de pension de retraite doit être calculée sur la pension nette après déduction des cotisations et contributions sociales ;

- les sommes allouées au titre des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent sont excessives ;

- les indemnités doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2017 et le 16 février 2018, M. et MmeB..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'AP-HM une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

3°) de mettre à la charge de l'AP-HM la somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête est irrecevable faute de comporter l'énoncé des faits et des moyens ;

- la perte de gains professionnels futurs est consécutive à la mise à la retraite par anticipation du fait des séquelles imputables à l'erreur de diagnostic ;

- l'indemnité de résidence est due ;

- les indemnités accordées au titre de la perte de pension de retraite, des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ne sont pas excessives.

Par des mémoires, enregistrés le 3 octobre 2017 et le 21 novembre 2017, l'AP-HM conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que la requête qui contient l'énoncé des faits et des moyens est recevable.

La requête a été communiquée à la MFP Services et au ministre du travail qui n'ont pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2000-1139 du 24 novembre 2000 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourjade-Mascarenhas,

- les conclusions de M. Argoud, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeB....

Une note en délibéré présentée par M. et Mme B...a été enregistrée le 6 décembre 2018.

Une note en délibéré présentée par l'AP-HM a été enregistrée le 14 décembre 2018.

Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. et MmeB... :

1. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

2. La requête de l'AP-HM, qui critique notamment la régularité du jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2017 et conteste le montant des sommes mises à sa charge, contient un exposé des faits et des moyens à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement. La circonstance que les moyens invoqués dans la requête étaient dépourvus de précision est sans incidence sur la recevabilité de celle-ci et ne faisait pas obstacle à ce que l'AP-HM puisse développer, dans un mémoire complémentaire, après l'expiration du délai d'appel, une argumentation au soutien de ces moyens. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par M. et Mme B...doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En se bornant à soutenir, dans sa requête que le jugement attaqué est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal était saisi, l'AP-HM ne permet pas à la Cour d'apprécier le bien-fondé de ce moyen. Dès lors, celui-ci ne peut être qu'écarté.

Sur le bien fondé du jugement :

4. L'AP-HM ne conteste pas que sa responsabilité est engagée en raison de l'erreur de diagnostic de la pathologie dont souffrait M. B...qui a conduit à la réalisation d'une intervention inutile.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes-Côte d'Azur, que M.B..., qui conserve un déficit fonctionnel permanent au taux de 20 %, est inapte à exercer de nouveau les fonctions de contrôleur du travail ou toute autre fonction. Il a été radié des cadres pour invalidité le 23 avril 2012. Cette radiation des cadres est sans lien avec l'état dépressif que présentait M. B... avant l'intervention fautive. L'avis critique produit par l'AP-HM n'est pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expertise selon lesquelles les incontinences dont il est atteint lui interdisent d'exercer une activité professionnelle. Il suit de là que c'est à tort que l'AP-HM, qui ne conteste pas le montant de l'indemnité de 4 000 euros que le tribunal a allouée à l'intéressé au titre de l'incidence professionnelle, soutient que la radiation des cadres est sans lien avec la faute médicale.

6. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due au titre du préjudice subi, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.

7. La perception de l'indemnité de technicité instituée par l'article 1er du décret du 24 novembre 2000 portant attribution d'une prime de technicité aux fonctionnaires du corps de l'inspection du travail, versée dans la limite des crédits disponibles, n'est pas soumise à condition. Elle n'est pas non plus destinée à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B...n'aurait pas eu pour la période en cause de chances sérieuses de ne pas l'obtenir. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis à la charge de l'AP-HM le versement à M.B..., contrôleur du travail, d'une somme de 614,15 euros à ce titre pour la période courant de la date à laquelle il aurait pu reprendre son activité professionnelle à la date de consolidation de son état de santé, le 23 avril 2012.

8. M. B...percevait avant l'intervention chirurgicale un traitement mensuel de 2 461,16 euros. Après la consolidation de son état de santé, ses revenus, constitués d'une pension d'invalidité, s'élèvent à la somme de 1 234,97 euros par mois. Le manque à gagner pour les périodes courant du 23 avril 2012 à la date de l'arrêt, le 20 décembre 2018, et du 21 décembre 2018 à la date à laquelle M. B...aurait pu prétendre à une pension de retraite au taux plein, le 27 juillet 2021, s'élève respectivement à 98 095,73 euros et à

38 011,89 euros. Contrairement à ce qui est soutenu par l'AP-HM, il n'y a pas lieu de déduire de ces sommes l'indemnité de résidence applicables aux fonctionnaires métropolitains d'un montant mensuel de 68,86 euros, dont le versement n'est pas subordonné à l'exercice effectif des fonctions, l'agent ayant d'ailleurs continué de la percevoir pendant la période où il était en congé de longue maladie puis de longue durée. Par ailleurs, l'indemnité de résidence est déterminée en fonction du lieu de la résidence administrative et non de celui du domicile personnel. Il suit de là que la circonstance que, postérieurement à sa radiation des cadres, laquelle est directement imputable à la faute commise par le service public hospitalier, l'intéressé ait transféré son domicile dans un département différent de celui de son affectation administrative, est sans incidence sur son droit à obtenir la réparation du préjudice résultant de la perte de cette indemnité. La perte de gains professionnels futurs s'élève ainsi à la somme totale de 136 107,62 euros. L'AP-HM n'est dès lors pas fondée à demander que l'indemnité mise à sa charge par les premiers juges, d'un montant de 107 067,17 euros, soit ramenée à la somme de 88 464 euros.

9. M. B...pouvait prétendre, en l'absence de faute de l'AP-HM, être admis à la retraite à taux plein le 27 juillet 2021 et percevoir une pension d'un montant mensuel brut de 1 725,05 euros soit 1 568,08 euros net après déduction des charges sociales au taux de 9,1 %. Du fait de sa mise à la retraite de manière anticipée le 23 avril 2012 pour les motifs indiqués au point 5, la pension mensuelle servie sera de 1 295,87 euros, soit une perte de revenus mensuelle de 272,21 euros. La perte de pension de retraite, calculée sur la base de l'euro de rente viagère applicable dans le cas d'un homme âgé de soixante-quatre ans à la date de la liquidation soit 17,912 selon le barème de capitalisation 2018 de la Gazette du Palais, est égale à la somme de 58 509,90 euros. Il suit de là que les premiers juges ont fait une appréciation excessive de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 74 624,84 euros.

10. M. B...a enduré des souffrances dont l'intensité a été estimée par l'expert à 4 sur une échelle de 0 à 7. Le tribunal administratif n'a pas surévalué ce préjudice en en fixant la réparation à la somme de 7 200 euros.

11. Le tribunal administratif n'a pas procédé à une évaluation exagérée du déficit fonctionnel permanent de 20 % dont demeure atteint M. B... en retenant un montant de 27 400 euros.

12. Le moyen tiré de ce que les autres indemnités allouées par les premiers juges doivent être ramenées à de plus justes proportions n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien fondé.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'AP-HM est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge la somme de 269 182,90 euros à verser à M.B.... Il y a lieu de ramener cette somme à 228 556,45 euros.

Sur les conclusions présentées par M. et Mme B...à fin de dommages et intérêts :

14. La requête de l'AP-HM ne présente pas les caractéristiques d'un recours abusif. Il suit de là que les conclusions de M. et Mme B...tendant à l'octroi de dommages et intérêts doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 269 182,90 euros que l'AP-HM a été condamnée à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2017 est ramenée à 228 556,45 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 27 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'AP-HM est rejeté.

Article 4 : Les conclusions indemnitaires de M. et Mme B...et celles qu'ils ont présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille, à M. et Mme D...B..., à la MFP Services et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2018 où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure,

- Mme Bourjade-Mascarenhas, première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

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N° 17MA02307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA02307
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel. Perte de revenus. Préjudice matériel subi par des agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Agnes BOURJADE
Rapporteur public ?: M. ARGOUD
Avocat(s) : GEORGES MAURY et ANTOINE MAURY AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2018-12-20;17ma02307 ?
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