Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B...a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 126 617,28 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance pour elle d'obtenir l'indemnisation consécutive à la nullité de son licenciement.
Par un jugement n° 1504829 du 21 février 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 1er mars 2017 et le 20 juin 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2017 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 133 211,93 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la faute commise par le ministre du travail en ne respectant pas le principe du contradictoire à l'occasion de l'édiction de sa décision du 11 septembre 2009 par laquelle il a annulé, sur recours hiérarchique, la décision de l'inspecteur du travail du 12 mars 2009 autorisant son licenciement pour motif économique, qui a été censurée par la juridiction administrative, a occasionné pour elle une perte de chance de gagner le procès intenté par son employeur pour obtenir l'annulation de cette décision du 11 septembre 2009 ;
- elle n'est en rien responsable de la perte de ce procès ;
- elle n'a pu obtenir indemnisation de son licenciement en raison de cette faute commise par le ministre du travail ;
- la perte de chance de gagner ce procès est certaine dans la mesure où il s'agissait d'un licenciement collectif et que ses collègues ne bénéficiant pas du statut de salarié protégé ont gagné le leur devant le juge judiciaire ;
- elle est fondée à réclamer ce à quoi elle aurait pu prétendre devant le conseil de prud'hommes en suite de la confirmation par le juge administratif du refus d'autoriser son licenciement faute de justification du motif économique ;
- son préjudice, estimé à 133 211,93 euros, est certain, né et actuel ;
- le lien de causalité entre la décision fautive du ministre du travail du 11 septembre 2009 et le préjudice qu'elle a subi est direct ;
- l'annulation par la juridiction administrative de la décision du ministre a eu pour effet de rendre définitive la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement et l'a par conséquent privée de la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes d'une contestation de la légitimité de son licenciement en raison du principe de séparation des pouvoirs ;
- la réalité de l'absence de motif économique justifiant le licenciement est établie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2018, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui exerçait depuis 1991 les fonctions de secrétaire au sein de la société Centre d'élaboration des concentrés Orangina (CECO) implantée à Signes et qui était détentrice d'un mandat de déléguée du personnel a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique le 12 mars 2009 après que l'inspecteur du travail de la 1ère section du Var a autorisé ce licenciement par décision du 6 mars 2009. Saisi par l'intéressée d'un recours hiérarchique, le ministre en charge du travail a, par une décision du 11 septembre 2009, annulé cette décision de l'inspecteur du travail et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement. Par un jugement du 7 novembre 2011, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du ministre pour méconnaissance du principe du contradictoire, jugement confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 6 décembre 2012. Par lettre du 26 février 2015, Mme B... a saisi la ministre du travail d'une demande de réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité fautive entachant cette décision du 11 septembre 2009. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par la ministre sur cette demande. Par jugement du 21 février 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 126 617,28 euros à titre d'indemnisation de la perte de chance pour elle d'obtenir l'indemnisation consécutive à la nullité de son licenciement, soit la somme de 63 308,64 euros représentant vingt-quatre mois de salaire mensuel au titre de la violation de son statut protecteur et une somme d'un montant identique en réparation de son licenciement qu'elle estime abusif. Mme B... relève appel de ce jugement et porte sa demande indemnitaire à 133 211,93 euros dont 69 903,29 euros correspondant à 26 mois et 14 jours de protection.
2. En application des dispositions du code du travail, le licenciement d'un salarié protégé ne peut intervenir que sur autorisation de l'autorité administrative. L'illégalité de la décision autorisant un tel licenciement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Par suite, et quelle que puisse être par ailleurs la responsabilité encourue par l'employeur à l'égard du salarié protégé, ce dernier est en droit d'obtenir la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice direct et certain résultant pour lui de cette décision illégale.
3. Il est constant que la décision du ministre du travail du 11 septembre 2009 précitée est entachée d'une illégalité fautive.
4. Toutefois, cette décision par laquelle le ministre, sur recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 6 mars 2009 autorisant le licenciement de Mme B... et a refusé d'autoriser ce licenciement s'est substituée à cette dernière, laquelle a par suite définitivement disparu de l'ordonnancement juridique. L'annulation ultérieure par le juge administratif de la décision du ministre ne peut en conséquence avoir eu pour effet de faire revivre la décision de l'inspecteur du travail du 6 mars 2009 et la société CECO n'est bénéficiaire d'aucune autorisation de licencier Mme B.... Dès lors, l'illégalité fautive dont est entachée la décision du 11 septembre 2009 du ministre du travail, qui n'a pu occasionner aucune perte de chance pour l'appelante d'engager une action contre son employeur, ne présente pas un lien direct avec le préjudice qu'elle estime avoir subi.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B...et à la ministre du travail.
Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 février 2019.
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N° 17MA00844
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