Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 16 juin 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait admissible, non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas la convention Schengen, comme pays à destination duquel il pourra être reconduit et prononçant une interdiction de retour d'un an sur le territoire français.
Par un jugement n° 1802861 du 20 juin 2018, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18MA04967 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 23 novembre 2018, M. C... E..., représenté par Me H..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier du 20 juin 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aude du 16 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle et de mettre à la charge de l'État le versement de la même somme à son profit.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- le magistrat désigné du tribunal a outrepassé ses pouvoirs en allant de sa propre initiative rechercher l'arrêté DCT BCI 2017-120 du 1er novembre 2017 portant délégation de compétence ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
- l'auteur de la décision ne disposait pas d'une délégation de compétence à effet de la signer ;
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet de l'Aude a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est contraire aux articles 21 et 23 du règlement n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 et à la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;
Sur la décision portant refus de départ volontaire :
- la décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'établit pas l'existence d'un risque de fuite ;
- la décision engendre un trouble exceptionnel dès lors qu'il est privé de la possibilité de déposer une demande d'asile ;
- le préfet aurait dû l'assigner à résidence ou lui accorder un délai de départ volontaire afin qu'il puisse organiser son départ ;
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision est illégale dès lors qu'il ne représente aucune menace pour l'ordre public, que son casier judiciaire est vierge et qu'il n'a commis aucune infraction ;
- l'inscription aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen le prive d'obtenir un titre de séjour dans tout l'espace Schengen ;
Sur la décision fixant le Soudan comme pays de destination :
- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- la décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision est contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il appartient à une minorité ethnique persécutée au Soudan.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., né le 18 juillet 1990 à Sala (Soudan), relève appel du jugement du 15 juin 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aude du 16 juin 2018 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait admissible, non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas la convention Schengen, comme pays à destination duquel il pourra être reconduit et prononçant une interdiction de retour d'un an sur le territoire français.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance que le magistrat désigné du tribunal administratif a statué sur le moyen relatif à la compétence du signataire de la décision préfectorale, sans que le préfet n'ait produit la justification de la publication de la délégation de signature en cause, n'entache pas le jugement d'irrégularité dès lors que l'arrêté DCT-BCI 2017 120 du 1er novembre 2017 portant délégation de signature est accessible en ligne sur le recueil des actes administratifs de la préfecture (n° 3 spécial décembre 2017), où il peut être consulté librement. Le jugement n'est donc entaché d'aucune irrégularité à ce titre.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ".
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
4. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision serait entachée d'un défaut de motivation, de ce qu'elle aurait été signée par une autorité incompétente et de ce que M. E... aurait dû être remis aux autorités italiennes en application de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ont été présentés dans les mêmes termes devant le magistrat désigné en première instance, par adoption des motifs retenus par le magistrat désigné aux points 3 et 6 à 9 de son jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
5. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué par M. E..., qu'il aurait formulé une demande de protection internationale. Il ne peut dès lors utilement soutenir que le préfet de l'Aude aurait dû consulter le fichier Eurodac ou qu'il aurait dû faire l'objet d'une procédure de prise en charge ou de reprise en charge prévue au titre des articles 21 et 23 du règlement n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, en ce qu'il serait entré en France depuis l'Italie. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 21 et 23 précités du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que de l'article 14 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, qui protège le droit de toute personne de chercher et de bénéficier de l'asile, ne peuvent qu'être écartés.
Sur la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :
6. En premier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) ".
7. En l'espèce, l'arrêté attaqué précise que M. E... est démuni de tout document d'identité ou de voyage et ne peut justifier d'un domicile, qu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et que le risque de fuite est établi conformément à l'article L. 511-1 II 3° f) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché d'un défaut de motivation ne peut, dès lors, qu'être écarté.
8. En second lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que le préfet n'établirait pas l'existence d'un risque de fuite, de ce que la décision engendrerait pour M. E... un trouble exceptionnel, dès lors qu'elle le prive pas de la possibilité de déposer une demande de titre de séjour ou d'asile, de ce que le préfet aurait dû l'assigner à résidence ou lui accorder un délai de départ volontaire afin qu'il puisse organiser son départ, par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné aux points 10 à 12 de son jugement, l'argumentation produite par le requérant en appel n'appelant pas d'autre réponse que celle retenue par le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier en première instance.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et inscription au système d'information Schengen :
9. Il y a lieu d'écarter les moyens tirés de ce que la décision serait illégale dès lors que M. E... ne représenterait aucune menace pour l'ordre public, que son casier judiciaire serait vierge et qu'il n'aurait commis aucune infraction et que l'inscription aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen le priverait d'obtenir un titre de séjour dans tout l'espace Schengen, qui ont été présentés dans les mêmes termes devant le magistrat désigné en première instance, par adoption des motifs retenus à bon droit par ce dernier aux points 13 à 15 du jugement, le requérant ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à son appréciation.
Sur la décision fixant le pays de destination :
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...I..., signataire de l'acte attaqué, adjointe au chef du bureau de l'immigration et de la nationalité a reçu, en l'absence de M. B... F..., directeur de la légalité et de la citoyenneté, et de Mme G...D..., chef du bureau de l'immigration et de la nationalité, par arrêté DCT-BCI 2017 120 du préfet de l'Aude du 1er novembre 2017 accessible en ligne sur le recueil des actes administratifs de la préfecture (n° 3 spécial décembre 2017) où il peut être consulté librement, délégation pour signer tous actes pour les matières relevant du ministère de l'intérieur à l'exception des actes réservés à la signature du préfet mentionnés à l'article 2. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué par le requérant, que M. F... et Mme D... n'auraient pas été absents ou empêchés. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.
11. Il résulte des points 4 et 5 de la présente ordonnance que la décision portant obligation de quitter le territoire n'est pas illégale. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté.
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
13. En l'espèce, si M. E... a indiqué lors de son audition être né à Sala, zone frontière avec l'Erythrée particulièrement sinistrée à compter de 2003 et encore en 2018, et avoir perdu les liens avec sa famille en raison du conflit civil régnant dans cette région, il ne l'établit pas en appel par la seule production d'un article tiré du site internet d'Amnesty International (rapport annuel), d'un extrait de la page wikipedia relative à la frontière entre l'Erythrée et le Soudan et d'un article tiré du journal France Afrique intitulé " le Soudan ferme sa frontière avec l'Erythrée ". Pour le surplus de l'argumentation développée à l'appui du moyen tiré de ce que la décision serait contraire à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif respectivement aux points 16 et 17 de son jugement.
14. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. E..., qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... E...et à Me H....
Fait à Marseille, le 20 mars 2019.
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N° 18MA04967