Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision notifiée le 25 mai 2011 du ministre de l'écologie le plaçant en disponibilité d'office ainsi que la décision implicite confirmative prise sur son recours gracieux et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 51 709,29 euros au titre d'un rappel de traitement.
Par un jugement n° 1201399 du 3 octobre 2014, le tribunal administratif de Toulon a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de placer M. B... en disponibilité d'office et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour avant renvoi :
Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2014, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 octobre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du ministre de l'écologie le mettant en disponibilité d'office, notifiée le 25 mai 2011 et la décision implicite confirmative prise sur recours gracieux ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 51 709,29 euros au titre du rappel de rémunération ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du 21 août 2012 ne visant pas la décision du 25 mai 2011 et ne lui ayant pas en tout état de cause été notifiée n'a pas rendu sans objet sa demande d'annulation de la décision du 25 mai 2011 ;
- ses démarches en vue d'obtenir un détachement et le comportement de l'administration lors de ces demandes rendent injustifiée la décision le plaçant en disponibilité d'office ;
- l'administration étant seule responsable de l'absence de service fait d'août 2010 au 1er mai 2011, il a droit au versement des traitements se rapportant à cette période.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2016, le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un arrêt n° 14MA04772 du 13 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement en tant qu'il prononce un non lieu à statuer sur les conclusions de M. B... dirigées contre la lettre du 25 mai 2011, a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... dirigées contre cette décision et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une décision n° 407882 du 13 avril 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, sur pourvoi présenté par M. B..., a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. B... et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Marseille dans la limite de la cassation ainsi prononcée.
Procédure devant la Cour après renvoi :
Par un mémoire, enregistré le 20 juin 2018, M. B..., représenté par Me A..., conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire, enregistré le 15 janvier 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la demande indemnitaire du requérant et de sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient en outre que :
- les conclusions tendant à l'annulation de la décision mettant le requérant en disponibilité d'office notifiée le 25 mai 2011 et de la décision implicite confirmative prise sur recours gracieux dépassent les limites de la cassation prononcée par le Conseil d'Etat ;
- sur les conclusions indemnitaires, l'administration n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;
- en tout état de cause, la faute de la victime conduit à un partage de responsabilité ;
- le requérant ne peut pas demander une indemnisation pour la totalité de la période du 15 août 2010 au 30 avril 2011 ;
- l'indemnisation demandée par le requérant se fonde à tort sur le traitement qu'il percevait en outre-mer ;
- en l'absence de service fait, il ne peut pas réclamer des indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions ;
- il conviendra de renvoyer à l'administration le soin de calculer le montant qui lui est dû.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., technicien supérieur en chef du ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer, a été muté au service d'Etat de l'aviation civile des îles Wallis-et-Futuna à compter du 3 septembre 2008. Par un courrier du 20 avril 2010, il a demandé au ministre de l'écologie qu'il soit mis fin de manière anticipée à son séjour sur le territoire de Wallis-et-Futuna à compter du 14 juin 2010, ce qu'il a obtenu à compter du 15 août 2010. Il est alors demeuré sans affectation et sans traitement jusqu'au 1er mai 2011, date à laquelle il a été détaché, par arrêté du 26 avril 2011, au ministère de la défense et affecté au sein de l'établissement du service d'infrastructure de Toulon. Par décision du 25 mai 2011 du ministre de l'écologie, M. B... a été placé en disponibilité d'office du 15 août 2010 au 30 avril 2011 afin de régulariser rétroactivement sa situation administrative. Par arrêté du 21 août 2012, le ministre l'a finalement placé en position d'activité pour cette même période du 14 août 2010 au 30 avril 2011. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Toulon, par jugement du 3 octobre 2014, a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2011 et a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 51 709,29 euros au titre d'un "rappel de rémunération" pour la période allant du 15 août 2010 au 30 avril 2011. Par arrêt du 13 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement en tant qu'il avait prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2011, a décidé, après évocation, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du 25 mai 2011 et a rejeté le surplus des conclusions de M. B.... Ce dernier a formé un pourvoi devant le Conseil d'Etat contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme égale aux traitements dont il a été privé du 15 août 2010 au 30 avril 2011. Par décision n° 407882 du 13 avril 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a estimé que la cour avait méconnu la portée des conclusions du requérant en estimant que M. B... avait saisi le tribunal administratif de conclusions tendant au versement de ses traitements et non d'une action indemnitaire engagée au titre du préjudice résultant de l'absence de versement de ses traitements pendant la période en litige, a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur les conclusions indemnitaires de M. B... et a renvoyé l'affaire devant la Cour dans la limite de la cassation ainsi prononcée.
Sur l'étendue du litige :
2. Par son arrêt n° 14MA04772 du 13 décembre 2016, la Cour a estimé que M. B... ayant eu connaissance au cours de l'instance devant le tribunal administratif de l'arrêté du 21 août 2012 plaçant rétroactivement l'intéressé en position d'activité pendant la période pour laquelle il avait été placé en disponibilité par la décision du 25 mai 2011 et procédant ainsi nécessairement au retrait de cette décision, le délai raisonnable durant lequel un recours pouvait être exercé contre ce retrait était à la date de cet arrêt expiré, que l'arrêté du 21 août 2012 était donc devenu définitif et que, par suite, les conclusions dirigées contre la décision de placement en disponibilité par la décision du 25 mai 2011 n'avaient plus d'objet. Dès lors que le pourvoi de M. B... devant le Conseil d'Etat n'était dirigé contre cet arrêt qu'en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 51 709,29 euros, l'arrêt de la Cour est devenu définitif sur les conclusions du requérant tendant à l'annulation de la décision notifiée le 25 mai 2011 et la décision implicite confirmative prise sur recours gracieux. Dès lors, les conclusions de M. B..., réitérées après cassation, tendant à l'annulation de cette décision du 25 mai 2011 et de la décision implicite confirmative prise sur recours gracieux doivent être rejetées, ainsi que le soutient à bon droit le ministre.
Sur la responsabilité pour faute de l'administration :
3. D'une part, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.
4. D'autre part, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un fonctionnaire qui a été irrégulièrement maintenu sans affectation a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de son maintien illégal sans affectation. Pour déterminer l'étendue de la responsabilité de la personne publique, il est tenu compte des démarches qu'il appartient à l'intéressé d'entreprendre auprès de son administration, eu égard tant à son niveau dans la hiérarchie administrative que de la durée de la période pendant laquelle il a bénéficié d'un traitement sans exercer aucune fonction.
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été maintenu sans affectation ni traitement du 15 août 2010 au 30 avril 2011, soit pendant une période de huit mois et demi. Si le ministre fait valoir qu'il a subi des contraintes particulières pour affecter M. B... tenant à ce que d'une part, la commission administrative paritaire compétente des techniciens supérieurs d'études et de fabrication du ministère de la défense obligatoirement consultée a été reportée à deux reprises et qu'elle n'a finalement eu lieu que le 31 mars 2011 et, d'autre part, à la circonstance que le requérant a, pour des raisons personnelles, demandé qu'il soit mis fin de manière anticipée à son séjour sur le territoire de Wallis-et-Futuna à compter du 14 juin 2010, il ne ressort pas des pièces du dossier que le report imputable mais non expliqué par l'Etat à plusieurs reprises de la date de cette commission administrative paritaire et que la demande du requérant de mettre fin de manière anticipée à son contrat, qui a été acceptée par le ministre de l'écologie à compter du 15 août 2010 soit dans un délai permettant au requérant d'obtenir une affectation dans des délais normaux, serait de nature à prolonger le délai raisonnable dans lequel M. B... pouvait obtenir une affectation. Dans ces conditions et compte tenu du grade de technicien supérieur en chef de catégorie B détenu par M. B..., du nombre d'emplois correspondant à ce grade et de l'organisation des mutations et affectations de ce grade au sein du ministère de l'écologie, il sera fait une juste appréciation du délai raisonnable dont disposait l'administration pour proposer à M. B... une affectation correspondant à son grade à cinq mois. Par suite, l'Etat, en s'abstenant de donner à M. B..., à l'expiration de ce délai raisonnable de cinq mois, une affectation correspondant à son grade a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
6. Si le ministre soutient que M. B... a commis une faute de nature à exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité, il ressort des pièces du dossier que M. B... a présenté simultanément une candidature par la voie du détachement auprès du ministère de la défense pour une prise de poste dès le 1er septembre 2010 et trois candidatures sur des postes à pourvoir rapidement relevant du ministère de l'écologie en cas de réintégration dans ce ministère et a ainsi entrepris sans tarder des démarches auprès de son administration pour retrouver rapidement une affectation. Le ministre n'établit pas que l'évaluation négative des aptitudes professionnelles du requérant, dont la candidature a d'ailleurs été retenue sur un poste à la direction régionale du service d'infrastructures de la défense (DRSID) de Toulon, faisait obstacle à toute affectation dans ce délai raisonnable sur un poste correspondant à son grade. Dans ces conditions, la faute de l'Etat est de nature à engager sa pleine responsabilité.
Sur le préjudice :
7. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause qui débute à la date d'expiration du délai raisonnable dont disposait l'administration pour lui trouver une affectation, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.
8. La période d'indemnisation s'étend du 15 janvier 2011, date d'expiration du délai raisonnable dont disposait l'administration pour trouver une affectation à M. B... jusqu'au 1er mai 2011, date à laquelle le requérant a été affecté sur un poste et a été à nouveau rémunéré, soit pendant trois mois et demi.
9. Il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de paie de juin et juillet 2011 de M. B... affecté sur le poste de la DRSID de Toulon, qui correspond à son grade, ainsi que d'une mesure d'instruction diligentée par la Cour que M. B... aurait pu percevoir, pour cette période, un traitement net mensuel de 2 535,81 euros, y compris l'indemnité de fonction qui n'est pas lié à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, le requérant a perdu une chance sérieuse de bénéficier de ce traitement pendant la période d'indemnisation telle que fixée au point 8 du présent arrêt. Ainsi, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par M. B... pour la période du 15 janvier 2011 au 1er mai 2011, en l'évaluant à la somme totale de 8 790,81 euros. Il y a lieu de condamner l'Etat à verser à M. B... cette somme de 8 790,81 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé, dans cette seule mesure, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions indemnitaires et à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 8 790,81 euros en réparation du préjudice qu'il a subi et la réformation, dans cette mesure, de l'article 2 du jugement attaqué.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'Etat versera la somme de 8 790,81 euros à M. B... en réparation du préjudice subi.
Article 2 : L'article 2 du jugement du 3 octobre 2014 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- Mme Simon, président-assesseur,
- Mme Carassic, première conseillère.
Lu en audience publique, le 26 mars 2019.
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N° 18MA01854