Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A...B...a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler d'une part, l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet du Var a ordonné son transfert aux autorités italiennes et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel le préfet du Var l'a assigné à résidence dans le département du Var pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 1704844 du 30 décembre 2017, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2018, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 décembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'annuler les arrêtés du 28 novembre 2017 du préfet du Var ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var de procéder à l'examen de sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- il n'a pas bénéficié d'un entretien répondant aux exigences de l'article 5 du règlement n° 604/2013 ;
- il n'est pas démontré, qu'en l'absence d'interprète, il aurait été nécessaire de recourir à un interprète par voie de télécommunication ;
- le nom et les coordonnées de l'interprète n'ont pas été indiqués ;
- l'entretien n'a pas été mené par une personne qualifiée, dans des conditions confidentielles, et le compte rendu ne mentionne pas l'identité de l'agent ;
- la confidentialité de l'entretien n'est pas établie ;
- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale ;
- il n'a pas été informé de son droit d'être assisté ;
- les autorités italiennes ne sont plus en mesure de traiter les demandes d'asile ;
- la décision d'assignation à résidence doit être annulée par voie de conséquence.
La requête a été communiquée au préfet du Var, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par courrier du 20 juin 2018, Me C...s'est constituée en lieu et place de MeD....
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme Paix, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Mosser, présidente de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Haïli.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant de nationalité soudanaise né le 1er janvier 1990, est entré sur le territoire français, selon ses déclarations, le 22 avril 2017, et y a sollicité le bénéfice de l'asile le 28 juillet 2017. L'intéressé relève appel du jugement du 30 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande à fin d'annulation des arrêtés du 28 novembre 2017 par lesquels le préfet du Var a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département du Var pour une durée de quarante-cinq jours.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ".
3. M. A... B...a été reçu en entretien individuel, le 23 octobre 2017 par un agent de la préfecture, au cours duquel il a été mis à même de formuler des observations. Dès lors, l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du 5 de l'article 5 du règlement du 28 juillet 2017. Si M. A... B...fait valoir que l'identité de cet agent devait lui être communiquée, le règlement européen du 26 juin 2013 précité et les dispositions nationales, législatives et réglementaires, qui le mettent en application, régissent de manière complète la procédure de transfert d'un demandeur d'asile vers l'État responsable de sa demande. Il ne résulte ainsi d'aucune de ces dispositions que l'identité ou la qualité exacte de l'agent chargé de mener l'entretien prévu à l'article 5 de ce règlement devrait être portée à la connaissance du demandeur ou de tiers. Les dispositions prescrites par l'article 5 du règlement n° 604/2013 n'ont pas été méconnues.
4. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions inscrites dans le compte-rendu d'entretien individuel par l'agent de préfecture en charge de celui-ci, que l'entretien dont s'agit s'est déroulé, ainsi que le permettent les dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, avec l'assistance d'un interprète en langue arabe mandaté par l'association " ISM interprétariat " qui bénéficie d'un agrément ministériel aux fins d'interprétariat et de traduction et présente ainsi des garanties suffisantes. M. A... B...ne conteste pas comprendre la langue arabe. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national ou dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. La circonstance qu'il n'a pas été justifié de la nécessité d'utiliser un service d'interprétariat par téléphone est sans influence sur la légalité de la décision en litige dès lors que le requérant n'a été privé d'aucune garantie. Dans ces conditions, A...B...n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.
5. En deuxième lieu, l'article 26 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. Si la personne concernée est représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres peuvent choisir de notifier la décision à ce conseil juridique ou à cet autre conseiller plutôt qu'à la personne concernée et, le cas échéant, de communiquer la décision à la personne concernée. / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. / Les États membres veillent à ce que des informations sur les personnes ou entités susceptibles de fournir une assistance juridique à la personne concernée soient communiquées à la personne concernée avec la décision visée au paragraphe 1, si ces informations ne lui ont pas encore été communiquées. / 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. ".
6. Le moyen selon lequel la décision contestée méconnaît les dispositions précitées de l'article 26 du règlement UE du 26 juin 2013, en ce qu'il n'a pas été informé du droit d'être assisté au sens de cet article, qui concerne les " modalités de notification de la décision de transfert ", qui sont postérieures à l'édiction de la décision attaquée est inopérant. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu une information complète sur ses droits, par écrit dans une langue qu'il comprend, conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.
7. En troisième lieu, si M. A... B...qui déclare être entré en France le 22 avril 2017 fait valoir que son oncle réside sur le territoire français dans la ville d'Appoigny, de telles circonstances ne sauraient démontrer l'intensité et la centralité de ses intérêts personnels et familiaux en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Var a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par décision de transfert en litige.
8. Enfin, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, les craintes dont un demandeur d'asile peut faire état quant au défaut de protection, dans l'un de ces Etats doivent, en principe, être présumées non fondées sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. Qu'en se bornant à des considérations d'ordre général sur les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, Etat membre de l'Union européenne, M. A... B...ne peut être regardé comme établissant que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que sa réadmission dans ce pays serait donc, par elle-même, illégale car constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile.
9. La décision de remise aux autorités italiennes n'étant pas entachée des illégalités invoquées, la décision d'assignation à résidence n'est, par suite, pas dépourvue de fondement.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2019, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Haïli, premier conseiller,
- Mme Courbon, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 avril 2019.
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N° 18MA00402