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12/04/2019 | FRANCE | N°17MA00962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre - formation à 3, 12 avril 2019, 17MA00962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) La Martine a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre de recette n° 2015001284 émis par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 6 juillet 2015 pour le reversement d'une somme de 20 052,75 euros au titre de la récupération des aides " plans de campagne " versées entre les années 1998 et 2002, jugées incompatibles avec le droit communautaire, ensemble la décision implicite rejet

ant son recours gracieux du 22 juillet 2015 et de condamner l'établissement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée (EARL) La Martine a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler le titre de recette n° 2015001284 émis par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 6 juillet 2015 pour le reversement d'une somme de 20 052,75 euros au titre de la récupération des aides " plans de campagne " versées entre les années 1998 et 2002, jugées incompatibles avec le droit communautaire, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 22 juillet 2015 et de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506110 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mars 2017 et le 5 décembre 2018, l'EARL La Martine, représentée par la SCP Parrat-Llati-Slatkin, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1506110 du 19 janvier 2017 ;

2°) d'annuler le titre de recette émis le 6 juillet 2015 par l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) ;

3°) de condamner l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient que :

- la créance est prescrite ;

- FranceAgriMer ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait perçu de la part d'organismes producteurs le montant de l'aide litigieuse ;

- il n'est pas établi que la détermination du montant de l'aide d'Etat illégale ait été effectuée selon les modalités de calcul définies au paragraphe 85 de la décision de la Commission du 28 janvier 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2018, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me A...conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par l'EARL La Martine ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, devenue communauté européenne ;

- le règlement n° 659/1999 du Conseil de l'Union européenne du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE ;

- le règlement du Conseil n° 784/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement CE n° 659/1999 du Conseil ;

- la décision n° C 29/05 de la Commission des Communautés européennes du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plan de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France ;

- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne n° T-139/09, T-328/09 et T-243/09 du 27 septembre 2012 ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne C-37/14 du 12 février 2015 ;

- l'ordonnance n° 2009-325 du 25 mars 2009 relative à la création de l'Agence de services et de paiement et de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Maury,

- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL La Martine demande au tribunal d'annuler le titre de recette n° 2015001284 émis par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer le 6 juillet 2015 sollicitant le remboursement de la somme de 20 052,75 euros qui lui a été versée dans le cadre de " plans de campagne " entre 1998 et 2002. Par le jugement n° 1506110 du 19 janvier 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. C'est ce jugement dont la requérante relève appel.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 : " 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. / 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un Etat membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. / 3. Toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputé être une aide existante. ".

3. Le régime de récupération des aides d'Etat est entièrement régi par les dispositions du règlement (CE) n° 659/99, notamment en matière de fixation des délais de prescription. Le moyen tiré de ce que la créance détenue par FranceAgriMer serait prescrite en application de l'article 2224 du code civil est donc inopérant.

4. Dans sa décision n° C 29/05 du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plans de campagne " mises à exécution par la France, la Commission européenne a indiqué en ses points 64 et 81 que 1a première action de la Commission ayant eu lieu le 31 juillet 2002 la date limite à laquelle elle pouvait remonter pour récupérer les aides étatiques illégalement accordées s'étalait, compte tenu du délai de prescription fixé à l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999, à partir du 31 juillet 1992. Il résulte de l'instruction que les aides d'Etat illégales de " plans de campagne " ont été accordées de 1999 à 2002. Le délai de prescription a été interrompu par la lettre qu'a adressée la Commission aux autorités françaises le 31 juillet 2002 à la suite de la plainte dont elle a été saisie contre les aides dans le secteur des fruits et légumes versées par la France. Cette première mesure a valablement interrompu le délai de prescription de dix ans dans les conditions définies par le point 2 de l'article 15 précité du règlement (CE) n° 65/1999 du Conseil du 22 mars 1999. La décision de la Commission a fait l'objet d'une procédure devant le Tribunal de l'Union européenne, et, par trois arrêts rendus le 27 septembre 2012 dans les affaires France / Commission (T-139/09), Fedecom / Commission (T-243/09) et Producteurs de légumes de France / Commission (T-328/09), le Tribunal de l'Union européenne a rejeté les recours dirigés contre la décision de la Commission qualifiant d'aides d'Etat interdites " les plans de campagne " français versés au secteur des fruits et légumes de 1992 à 2002. Ainsi, l'E.A.R.L. La Martine n'est pas fondée à soutenir que la somme mise à sa charge par le titre de recette du 6 juillet 2015 serait prescrite à défaut d'avoir été récupérée dans le délai de dix ans à compter de la date à laquelle elle lui a été accordée.

5. Aux termes du point 48 de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne : " Cependant il résulte aussi des explications données par le FEDECOM et non contestées par les autorités françaises que les fonds utilisés dans le cadre des plans de campagne ont été dans un premier temps répartis par les comités économiques agricoles entre les organisations de producteurs, qui avaient adhéré à l'initiative des plans de campagne et payé les parts professionnelles, le bénéfice de ces aides étant transféré ensuite aux producteurs par les organisations professionnelles. ". Aux termes du point 84 de cette même décision : " L'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires de l'aide. Comme indiqué plus haut, les bénéficiaires finaux de l'aide sont en principe les producteurs membres des organisations professionnelles qui ont participé aux plans de campagne. Toutefois, dans des cas exceptionnels, il est possible que le bénéfice de l'aide ne leur ait pas été transféré par l'organisation de producteurs. La récupération de l'aide doit donc s'effectuer auprès des producteurs, sauf lorsque l'État membre pourra démontrer que l'aide ne leur a pas été transférée par l'organisation de producteurs, auquel cas la récupération s'effectuera auprès de cette dernière. ".

6. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 5, le producteur membre d'une organisation de producteurs ayant reçu des aides " plan de campagne " est présumé en être le bénéficiaire. L'EARL. La Martine a été sur la période de 1998 à 2002 adhérente de l'organisation de producteurs Optyma fruits et légumes et a bénéficié des aides " plans de campagne ". L'E.A.R.L. La Martine a admis dans son recours gracieux s'être acquittée des cotisations professionnelles prévues par ce régime d'aides. Le moyen tiré de ce qu'il n'est pas démontré qu'elle aurait perçu de la part de l'organisme de producteurs le montant des aides d'Etat illégales doit être écarté.

7. Selon la décision n° C 29/05 de la Commission européenne du 28 janvier 2009 relative aux aides dites " plans de campagne " mises à exécution par la France : " (85) En ce qui concerne la quantification de l'aide, il ressort de la jurisprudence que la Commission n'est pas tenue de quantifier exactement l'aide à récupérer (3). En l'espèce, il résulte de la nature même des actions entreprises dans le cadre des " plans de campagne " (voir notamment points 17 et suivants de la présente décision) qu'en substance elles consistaient à permettre aux producteurs de bénéficier d'un prix de vente (ou d'une rémunération liée à la vente) supérieur au coût réel exposé par l'acquéreur de la marchandise. Le montant à récupérer consiste donc dans la différence entre ces deux montants. Dans le cas des aides à la destruction d'une partie de la récolte, le montant à récupérer est l'intégralité des montants versés en échange de cette destruction. Dans certains cas, en particulier dans le cas spécifique des actions de stockage temporaire des produits, les actions conduites ont également pu consister à libérer les bénéficiaires de coûts qu'ils auraient normalement dû supporter (notamment les coûts de stockage). Le montant de l'aide correspond alors aux coûts dont les bénéficiaires de l'aide ont été libérés. ".

8. Au point 29 de l'arrêt qu'elle a rendu le 27 octobre 2007 dans l'affaire C-441/06 Commission contre France, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'" aucune disposition du droit communautaire n'exige que la Commission, lorsqu'elle ordonne la restitution d'une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l'aide à restituer. Il suffit que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant ". FranceAgriMer a reconstitué le montant des aides perçues à partir de la répartition des aides entre producteurs en proportion de leurs surfaces de production. L'EARL La Martine oppose qu'il s'agit d'un calcul reposant sur une superficie supposée, ce qui ne permet pas de remettre en cause cette méthode à défaut d'éléments qu'elle est seule à détenir s'agissant de sa superficie de production. Et contrairement à ce que soutient l'EARL requérante, le point 85 de la décision de la Commission ne fixe pas de règles de calcul pour déterminer le montant d'aides d'Etat illégales à recouvrer auprès des producteurs bénéficiaires auxquelles la liquidation des aides d'Etat illégales serait susceptible de porter atteinte. Ainsi, le moyen tiré de ce que la méthode de calcul retenue pour déterminer les montants des aides d'Etat illégales mises à sa charge ne serait pas conforme aux règles de calcul définies au point 85 de la décision de la Commission doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société l'EARL La Martine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence doivent être rejetées ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi qu'aux dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EARL La Martine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée La Martine et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer FranceAgriMer.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- M. Maury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 avril 2019.

2

N° 17MA00962

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17MA00962
Date de la décision : 12/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-05 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : SCP PARRAT LLATI PARRAT SLATKIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2019-04-12;17ma00962 ?
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