Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 14 février 2018, la société Natixis Lease Immo, la société Natiocrédibail, la société Arkea Credit-Bail et la société Cicobail, représentées par Me A...et Me B..., demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2017 par lequel le maire de Nice a délivré au nom de l'Etat à la société Cogedim Méditerranée un permis de construire en vue de la construction d'un ensemble immobilier portant sur 6 868 m² de surface de plancher valant autorisation d'exploitation commerciale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Cogedim Méditerranée une somme de 1 000 euros à verser chacun à la société Natixis Lease Immo en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le volet architectural de la demande de permis de construire est erroné et incomplet, dès lors que l'accès automobile du garage souterrain du projet est figuré faussement comme se raccordant directement à la voie privée desservant le centre commercial Leclerc au moyen de l'emplacement réservé n° 496 et que le pétitionnaire n'a fait figurer sur aucun plan la servitude permettant de traverser le talus pour gagner cette voie, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;
- en l'absence d'indication de cette servitude, les services instructeurs ont été induits en erreur ;
- le pétitionnaire ne peut aménager l'emprise de l'emplacement réservé n° 496, dont il n'est pas propriétaire ;
- le projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il existe des risques liés à la présence à proximité d'une canalisation de gaz à haute-pression et que la mesure compensatoire proposée par la société pétitionnaire est insuffisante.
Par un mémoire enregistré le 13 avril 2018, la société Cogedim Méditerranée, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 3 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'appartient pas au juge administratif de vérifier l'existence d'un titre permettant d'utiliser une voie privée ouverte à la circulation publique ;
- la voie qui permet d'accéder au parking projeté est une voie privée ouverte à la circulation publique ;
- en outre, une telle voie est concernée par l'emplacement réservé n° 496 qui constitue une voie nouvelle reliant l'avenue Vérola au boulevard des Jardiniers ;
- la propriété assiette du projet bénéficie par ailleurs d'une servitude de passage dont les fonds servants constituent les fonds appartenant aux sociétés requérantes ;
- concernant les risques induits par la présence d'une canalisation de gaz, le gestionnaire du réseau a donné un avis favorable au projet ;
- des mesures techniques ont été prises pour protéger ce réseau ;
- les requérantes ont obtenu un permis de construire leur permettant de réaliser 879 places de stationnement supplémentaires alors qu'elle-même projette seulement la création de 150 places de stationnement.
Par un mémoire en réplique enregistré le 21 juin 2018, la société Natixis Lease Immo et autres concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens et ajoutent en outre que :
- l'arrêté du maire méconnaît l'article UE3 du plan local d'urbanisme de la commune de Nice ;
- les parkings projetés en sous-sol n'ont pas d'accès direct à la voie privée censée les desservir, les deux étant séparés par une bande engazonnée plantée d'arbres ;
- même si un élargissement de la voie est prévu dans les documents d'urbanisme, la réalisation de ces travaux est incertaine ;
- la convention de servitude dont se prévaut la société pétitionnaire ne concerne pas la parcelle cadastrée section CA n° 239 constituant l'emprise de la voie de circulation ;
- concernant les risques liés à la présence d'une canalisation de gaz, l'arrêté du maire ne contient aucune restriction, ne précise pas la nature de la mesure compensatoire prévue et la notice de sécurité ignore ce risque.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- les conclusions de M. Revert, rapporteur public,
- et les observations de Me C...substituant MeB..., représentant les sociétés requérantes.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 13 décembre 2017, le maire de Nice a délivré au nom de l'Etat à la SNC Cogedim Méditerranée un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la réalisation sur les parcelles cadastrées section CA n°s 23-179-196 d'un ensemble immobilier en R+6 sur 6 868 m² de surface de plancher comprenant 3 niveaux de garage en sous-sol, 60 logements, des bureaux et des commerces. La société Natixis Lease Immo, la société Natiocrédibail, la société Arkea Crédit-Bail et la société Cicobail, auxquelles le propriétaire du terrain voisin sur lequel se situe un centre commercial exploité sous l'enseigne Leclerc ont consenti sur celui-ci un bail à construction prorogé jusqu'en 2050, ces sociétés ayant elles-mêmes consenti un contrat de crédit-bail à la société exploitant l'hypermarché Leclerc dénommée Nikaiadis, demandent à la Cour statuant en premier et dernier ressort d'annuler ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation de construire.
Sur la légalité du permis de construire du 13 décembre 2017 en tant qu'il tient lieu d'autorisation de construire :
2. Aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article UE3 du plan local de l'urbanisme de la commune de Nice : " Le terrain doit être desservi par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance ou à la destination du bâtiment ou des aménagements envisagés ".
4. Le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.
5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans produits au soutien de la demande de permis de construire, que si une voie privée ouverte à la circulation publique jouxte la façade ouest de la parcelle cadastrée section CA n° 179, terrain d'assiette du projet, elle ne la dessert pas directement, dès lors qu'elle en est séparée par une bande de terre engazonnée appartenant au fonds de la société Nikaiadis et cadastrée section CA n° 239. Si la société Cogedim Méditerranée produit une convention de servitude du 19 décembre 1989, cet acte ne concerne pas la bande de terrain séparant la voie des parcelles lui appartenant. Le terrain n'est ainsi pas desservi par une voie de circulation, ni directement ni au moyen d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie.
6. La société Cogedim Méditerranée se prévaut par ailleurs de ce que la voie privée de desserte fait l'objet d'un emplacement réservé n° 496 destiné à la création d'une voie nouvelle reliant l'avenue Vérola au boulevard des Jardiniers et bénéficiant à la Métropole Nice Côte d'Azur. Si, pour l'application de règles relatives à la desserte des terrains, la conformité d'un immeuble aux prescriptions d'un plan local d'urbanisme s'apprécie non par rapport à l'état initial de la voie mais en tenant compte des prévisions inscrites dans le plan local d'urbanisme à l'égard de celle-ci et des circonstances de droit et de fait déterminantes pour leur réalisation, il ne ressort toutefois d'aucun élément du dossier que la réalisation des travaux correspondants devrait être regardée comme certaine à la date de délivrance du permis de construire.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le projet architectural du dossier de demande de permis de construire était incomplet dès lors que le plan de masse n'indiquait pas l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'accéder à la voie ouverte à la circulation, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, et que l'arrêté du 13 décembre 2017 a été pris en méconnaissance des exigences posées par l'article UE3 du plan local d'urbanisme de la commune.
8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun autre moyen ne paraît susceptible de fonder l'annulation de la décision de refus de permis de construire.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les sociétés requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Nice du 13 décembre 2017 accordant un permis de construire à la société Cogedim Méditerranée.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société Cogedim Méditerranée demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soit mise à la charge des sociétés requérantes, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société Cogedim Méditerranée et de l'Etat la somme demandée par la société Natixis Lease Immo en application des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : L'arrêté du maire de Nice pris au nom de l'Etat en date du 13 décembre 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Natixis Lease Immo en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Natixis Lease Immo, à la société Natiocrédibail, à la société Arkea Credit-Bail, à la société Cicobail, à la société Cogedim Méditerranée et au ministre de l'économie et des finances.
Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Délibéré après l'audience du 29 avril 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 20 mai 2019.
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N° 18MA00633