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12/07/2019 | FRANCE | N°18MA03168

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2019, 18MA03168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 11 mai 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 14 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle sud Vaucluse a autorisé la société Pellenc SA à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1702166 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette

demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 11 mai 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 14 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle sud Vaucluse a autorisé la société Pellenc SA à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire.

Par un jugement n° 1702166 du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 11 mai 2017 de la ministre du travail ;

3°) d'ordonner sa réintégration ;

4°) de mettre à la charge de la société Pellenc SA la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est illégale dès lors que certains des griefs qui lui sont reprochés dans la demande d'autorisation de licenciement ne figurent pas dans la note d'information transmise aux membres du comité d'entreprise qui n'ont donc pu en débattre ;

- la matérialité des faits n'est pas établie ;

- plusieurs griefs évoqués par l'employeur étaient prescrits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, la société Pellenc SA, représenté par la SCP Baglio Roig C...Blanco - Axio Avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. B... a somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 31 janvier 2019, la ministre du travail renvoie à ses écritures de première instance et n'a donc pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la Cour a désigné M. Georges Guidal, président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant la société Pellenc SA.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui était employé par la société Pellenc SA en qualité de coordinateur d'activités " machines spéciales " et était détenteur d'un mandat de membre titulaire du comité d'entreprise, relève appel du jugement du 14 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mai 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision du 14 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail de l'unité de contrôle sud Vaucluse a autorisé la société Pellenc SA à procéder à son licenciement pour motif disciplinaire.

Sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 14 novembre 2016 :

2. En matière d'autorisations administratives de licenciement des salariés protégés, les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre ne se substituent pas aux décisions de l'inspecteur du travail, dès lors que ce recours ne présente pas un caractère obligatoire. Ainsi, la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision de la ministre rejetant son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement doit être regardée comme tendant également à l'annulation de cette dernière décision.

3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

4. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Le licenciement envisagé par l'employeur (...) d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant (...) est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. (...) ". Saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé auquel s'appliquent ces dispositions, il appartient à l'administration de s'assurer que la procédure de consultation du comité d'entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'autorisation demandée que si le comité d'entreprise a été mis à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. Si l'employeur ne peut invoquer à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement un motif différent de celui pour lequel la procédure de licenciement a été engagée et qui a été soumis au comité d'entreprise, et que, dès lors, l'inspecteur du travail ne peut retenir des griefs qui n'ont pas été soumis à ce comité, l'inspecteur du travail peut toutefois légalement accorder l'autorisation de licenciement demandée lorsqu'une partie seulement des griefs reprochés à l'intéressé ont été évoqués au cours de l'examen du projet de licenciement par le comité, à la condition que les griefs évoqués présentent, à eux seuls, une gravité suffisante pour justifier une telle décision.

5. Il ressort des pièces du dossier que la note d'information jointe à la convocation à la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 12 septembre 2016 au cours de laquelle a été examiné le projet de licenciement pour faute grave de M. B... mentionnait, de manière précise, plusieurs griefs reprochés à l'intéressé tenant notamment, d'une part, à son absence injustifiée au retour de ses congés annuels qui était prévu le 28 août 2016 et alors qu'il avait obtenu une autorisation dérogatoire de prendre ses congés à cette période en contrepartie d'un engagement à travailler dans un autre secteur à son retour, d'autre part, à plusieurs refus de se conformer aux directives de son encadrement, particulièrement le refus de réaliser des opérations de production les 16 août 2016, 30 août 2016, 31 août 2016 et 1er septembre 2016. La demande d'autorisation de licencier M. B... pour motif disciplinaire datée du 14 septembre 2016 adressée par la société Pellenc SA à l'inspecteur du travail comportait, outre ces griefs, plusieurs autres fautes et manquements imputés à l'intéressé dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils auraient été examinés par les membres du comité d'entreprise lors de la réunion du 12 septembre 2016. Toutefois, il n'est pas contesté que le comité s'est prononcé en toute connaissance de cause sur les griefs qui lui ont été soumis et il ne ressort pas des pièces du dossier que, s'ils avaient été informés des autres griefs reprochés à M. B... que la société Pellenc SA a mentionné dans la demande d'autorisation de licenciement, les membres de ce comité auraient rendu un avis différent de l'avis favorable qu'ils ont émis sur le projet de licenciement au regard des seuls griefs qui ont été portés à leur connaissance. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le comité a pu se prononcer dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation. La procédure de consultation du comité d'entreprise a ainsi été régulière. Si certains des griefs mentionnés par l'employeur dans la demande d'autorisation de licenciement n'ont pas été évoqués au cours de la réunion du comité d'entreprise, et si l'inspecteur du travail s'est prononcé sur ces griefs comme sur ceux qui ont été évoqués au cours de cette réunion, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à entacher d'illégalité sa décision

6. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, le comité d'entreprise n'a pas été informé de l'ensemble des griefs reprochés à M. B... figurant dans la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail. Dès lors, il y a lieu de rechercher si les griefs évoqués au cours de la réunion du comité d'entreprise et repris dans la demande d'autorisation de licenciement constituaient, à eux seuls, un comportement fautif d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement.

7. Il ressort des pièces du dossier que, dans un contexte dans lequel il a obtenu à titre dérogatoire une autorisation de prendre ses congés annuels pour la période du 4 juillet 2016 au 27 juillet 2016, M. B... ne s'est présenté à son poste de travail que le lundi 1er août 2016. Si l'intéressé expose qu'il a dû repousser sa reprise au motif que sa mère, malade, était hospitalisée, il ne conteste pas le fait qu'il n'a pas procédé aux diligences nécessaires pour avertir sa hiérarchie de ce retour différé, le message adressé à l'un de ses collègues ne pouvant tenir lieu d'une telle information. La circonstance, à la supposer même établie, selon laquelle l'appelant aurait remis à l'employeur un certificat médical d'hospitalisation le jour de son retour n'est pas davantage de nature à régulariser cette carence. En conséquence, la matérialité du grief tenant à ce que M. B... se trouvait en situation d'absence injustifiée les 28 juillet 2016 et 29 juillet 2016 est établie.

8. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B... a refusé de se conformer aux directives de sa hiérarchie lui demandant d'exécuter des tâches de production en date des 16 août 2016, 30 août 2016, 31 août 2016 et 1er septembre 2016 au motif qu'il occupait une fonction de coordinateur. Les clauses du contrat de travail de l'intéressé prévoyaient cependant que de telles tâches pouvaient lui être confiées. La matérialité des faits d'insubordination ainsi reprochés à l'intéressé est dès lors établie.

9. M. B... ne peut en tout état de cause invoquer la prescription des griefs tenant à l'absence de solde de production du 20 au 26 juin 2016, au défaut d'inventaire et au désordre se rapportant à la même semaine, à la non-reprise des défauts de fabrication ainsi qu'à la non-conformité des heures de pointage au cours de cette même semaine, dès lors que ces griefs, qui n'ont pas été évoqués dans la note d'information jointe à la convocation à la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 12 septembre 2016, ne peuvent fonder la décision d'autorisation de licenciement contestée.

10. Il ressort des pièces du dossier, particulièrement de la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Pellenc SA, que cette demande fait suite à un avertissement disciplinaire infligé à M. B... en date du 22 juillet 2015, une mise à pied en date du 3 août 2015 et une précédente demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire le concernant en date du 26 avril 2016. Eu égard au caractère récurrent de l'insubordination dont fait montre M. B..., les griefs mentionnés aux points 7 et 8 ci-dessus doivent être regardés comme présentant, à eux seuls, une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Sur la légalité de la décision la décision de la ministre du travail du 11 mai 2017 :

11. Lorsque le ministre rejette le recours hiérarchique qui lui est présenté contre la décision de l'inspecteur du travail statuant sur une demande d'autorisation de licenciement formée par un employeur, sa décision ne se substitue pas à celle de l'inspecteur. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle du ministre par voie de conséquence de l'annulation de celle de l'inspecteur, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision du ministre ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre cette décision.

12. En l'espèce, par sa décision du 11 mai 2017, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique formé par M. B... contre la décision du 14 novembre 2016 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société Pellenc SA à procéder à son licenciement. Par suite, le moyen tiré de ce que la ministre n'aurait pas tiré, dans sa décision du 11 mai 2017, les conséquences du constat qu'elle a fait selon lequel plusieurs griefs invoqués dans la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société ne figuraient pas dans la note d'information remise aux membres du comité d'entreprise en annulant la décision de l'inspecteur du travail et en refusant l'autorisation de licenciement sollicitée est inopérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Le présent arrêt, qui rejette la demande de M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, et en tout état de cause, il y a lieu de rejeter ses conclusions tendant à ce que sa réintégration soit ordonnée.

Sur les frais liés au litige :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Pellenc SA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Pellenc SA et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société Pellenc SA une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la société Pellenc SA, à la ministre du travail et à Me D....

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Guidal, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme A..., première conseillère,

- M. Coutier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 juillet 2019.

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N° 18MA03168

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