Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 1803363 du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2019, et un mémoire, enregistré le 14 mai 2019, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'ordonner une expertise médicale au titre de l'aggravation de son état de santé postérieurement au 28 janvier 2018 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 avril 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 février 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, présentée pour Mme D..., a été enregistrée le 6 septembre 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante algérienne née en 1959, bénéficiaire, en qualité d'étranger malade, de trois autorisations provisoires de séjour valables successivement du 3 mai 2016 au 15 septembre 2016, du 22 novembre 2016 au 15 mai 2017 puis du 9 mai 2017 au 8 novembre 2017, a sollicité le 8 septembre 2017 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Cette demande a fait l'objet d'un arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par un jugement du 15 octobre 2018 dont l'intéressée relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, et, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Aux termes des dispositions de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants algériens : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ".
3. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien, de vérifier, au vu notamment de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) si l'absence de prise en charge médicale aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et d'apprécier si celui-ci peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. La partie qui justifie d'un avis de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son avis du 28 janvier 2018, le collège de médecins de l'OFII a indiqué que si l'état de santé de l'intéressée, qui est atteinte d'une leucémie et d'un cancer colorectal, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette dernière peut cependant bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle pouvait voyager sans risque. Si Mme D... produit notamment des certificats établis les 4 août 2016, 8 et 28 mars, 6 juin, 3 septembre 2018, par des oncologues indiquant seulement que son état de santé nécessite un suivi et une surveillance continue à long terme ainsi qu'une hospitalisation afin de recevoir une chimiothérapie intensive et des transfusions sanguines, une attestation du 7 septembre 2017 d'une cheffe de clinique affirmant que cet état nécessite une prolongation de séjour, un certificat établi le 29 janvier 2019 par un médecin généraliste affirmant que les traitements médicaux n'existent pas en Algérie et un dernier certificat rédigé par un oncologue le 16 janvier 2019 lequel ne précise pas en quoi l'intéressée courrait un grave danger si elle quittait le territoire français, ces documents alliés par ailleurs à des articles de presse algériens généraux sur la prise en charge des patients atteints de cancer, ne permettent pas d'infirmer l'avis du collège de médecins de l'OFII sur l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien modifié doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme D... qui est entrée en France le 10 décembre 2015, à l'âge de 56 ans, a passé la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine et n'établit pas être dépourvue de toutes attaches familiales dans ce pays. Si l'intéressée soutient que ses deux filles résident sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces dernières résideraient régulièrement sur le sol français. Dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Dès lors, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale. Pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que cet arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'expertise, d'injonction sous astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2: Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au ministre de l'intérieur et à Me A... B....
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2019, où siégeaient :
- Mme G..., présidente,
- Mme F..., première conseillère,
- M. E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 septembre 2019.
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N°19MA00221