Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société anonyme Clinique Clémentville a demandé au tribunal administratif de Montpellier :
- de prononcer la restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, à titre principal, s'élevant à 75 920 euros et 64 202 euros au titre des périodes respectives du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013 et, à titre subsidiaire, s'élevant à 10 318 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
- de prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1601803, 1601804 du 15 janvier 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 février 2018, la société anonyme Clinique Clémentville, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 janvier 2018 ;
2°) de prononcer la restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée, à titre principal, s'élevant à 75 920 euros et 64 202 euros au titre des périodes respectives du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013 et, à titre subsidiaire, s'élevant à 10 318 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
3°) de prononcer la réduction des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2012 et 2013 à hauteur, respectivement et à titre principal, de 74 554 euros et 79 273 euros et, à titre subsidiaire, de 14 413 euros au titre de l'année 2013 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, les livraisons de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitements ambulatoires contre le cancer, qui sont en l'espèce dissociables des soins hospitaliers, ne sont pas exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée en application de la loi fiscale ;
- il ressort des énonciations des points 460 à 480 de l'instruction administrative BOI-TVA-CHAMP-10-30-60-50 que de telles livraisons sont dissociables des soins hospitaliers et ne sont donc pas exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle n'établissait pas la livraison à titre onéreux de médicaments cytostatiques ;
- le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires diminuant dès lors qu'une part plus importante de son chiffre d'affaires est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, elle sollicite, s'agissant de la taxe sur les salaires au titre de l'année 2012, l'application des énonciations des paragraphes 300 et suivants de l'instruction administrative BOI-TPS-TS-20-30-20140122 du 22 janvier 2014 tolérant que ce rapport d'assujettissement soit constaté l'année du paiement des rémunérations et non pas, ainsi que le prévoit l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts, l'année civile précédant celle du paiement des rémunérations ;
- le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires au titre des années 2012 et 2013 s'élève à 84 % ;
- à titre subsidiaire, les médicaments rétrocédés par la pharmacie à usage intérieur sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée en application de la circulaire du ministre chargé de la santé portant la référence DHOS/F4 n° 2009-319 et de la note de la direction générale des finances publiques intitulée " La TVA dans les établissements publics de santé " publiée en septembre 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu à statuer à hauteur de la somme de 12 841 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et de la somme de 14 413 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2013 ;
- les moyens soulevés par la société anonyme Clinique Clémentville ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 5 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2018.
Un avis de restitution et un certificat de dégrèvement du 25 juillet 2018 ont été produits par le ministre de l'action et des comptes publics, le 23 septembre 2019, en vue de compléter l'instruction et communiqués au titre des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne C- 366/12 du 13 mars 2014, C-88/09 du 11 février 2010 et C-111/05 du 29 mars 2007 ;
- l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale et fixant la liste des spécialités pharmaceutiques prises en charge par l'assurance maladie en sus des prestations d'hospitalisation ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme Clinique Clémentville, qui exploite un établissement de soins, a formé des réclamations en matière de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013, et de taxe sur les salaires au titre des années 2012 et 2013 au motif que les livraisons de médicaments cytostatiques dans le cadre de traitements ambulatoires contre le cancer avaient été exonérées à tort de la taxe sur la valeur ajoutée. L'administration fiscale a rejeté ces réclamations. La société anonyme Clinique Clémentville a alors demandé au tribunal administratif de Montpellier le remboursement des crédits de taxe sur la valeur ajoutée dont elle estimait disposer à l'issue des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013, en conséquence de la majoration des droits à déduction en résultant, et la réduction corrélative des cotisations de taxe sur les salaires qu'elle a acquittées au titre des années 2012 et 2013. Elle fait appel du jugement du 15 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
I. Etendue du litige :
2. Indiquant admettre les conclusions formées à titre subsidiaire par la société anonyme Clinique Clémentville relatives aux opérations de rétrocession de médicaments qui ne sont pas délivrés dans le cadre d'un traitement ambulatoire, le directeur des finances publiques de l'Hérault a prononcé en cours d'instance, le 25 juillet 2018, un dégrèvement d'un montant de 12 841 euros s'agissant des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et de 14 413 euros s'agissant de la cotisation de taxe sur les salaires acquittée au titre de l'année 2013. Il n'y a donc pas lieu de statuer à hauteur de ces dégrèvements.
II. Surplus des conclusions :
En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution des crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013 :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
3. Aux termes de l'article 132 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, applicable à compter du 1er janvier 2007, qui reprend l'article 13 A de la sixième directive du 17 mai 1977 : " 1. Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent: (...) b) l'hospitalisation et les soins médicaux, ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ; / c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) ". Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 4. (...) / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".
4. Il découle de l'arrêt Finanzamt Dortmund-West c. Klinikum Dortmund GmbH de la Cour de justice de l'Union européenne du 13 mars 2014 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée de la livraison de médicaments cytostatiques prescrits par un médecin exerçant à titre indépendant dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique, sur le fondement du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, est subordonnée à la condition que cette opération soit matériellement et économiquement indissociable de la prestation de soins médicaux principale.
5. D'une part, d'un point de vue matériel, l'Institut national du cancer est chargé, en application de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique, dans sa version applicable aux années d'imposition en litige, de coordonner les actions de lutte contre le cancer, notamment en définissant, au titre du 2° de cet article, des référentiels de bonnes pratiques et de prise en charge en cancérologie ainsi que des critères d'agrément des établissements et des professionnels de santé pratiquant la cancérologie. En application de ces dispositions et de l'article D. 1415-1-9 de ce code, le conseil d'administration de l'Institut a fixé, par un avis publié le 16 juin 2008, les critères d'agrément auxquels les établissements pratiquant la cancérologie doivent satisfaire conformément aux dispositions du 3° de l'article R. 6123-88 du même code, dans sa rédaction alors applicable. Selon ces critères, l'oncologue détermine pour chaque patient, en concertation avec l'équipe médicale, un programme personnalisé de soins comprenant un protocole d'administration des médicaments. Ce programme fixe le calendrier prévisionnel des consultations, des examens médicaux, de l'administration des médicaments cytostatiques, ainsi que les modalités de surveillance et de prise en charge des effets secondaires en cours de traitement. Les médicaments, préparés par la pharmacie à usage intérieur de l'établissement, sont exclusivement administrés au patient par l'équipe médicale, sur prescription de l'oncologue et sous le contrôle étroit de ce dernier. Par suite, la livraison au patient des médicaments cytostatiques, qui ne constitue pas une fin en soi pour ce dernier, doit être regardée comme indispensable à la réalisation de la prestation de soins par l'oncologue.
6. Il s'ensuit que la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé, d'une part, et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé, d'autre part, sont matériellement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie.
7. D'autre part, d'un point de vue économique, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de ses arrêts Aktiebolaget NN du 29 mars 2007 et Graphic procédé du 11 février 2010 que, pour apprécier si une livraison de biens et une prestation de services constituent une prestation unique, il convient de se placer du point de vue du consommateur moyen.
8. En vertu des dispositions de l'arrêté du 4 avril 2005 pris en application de l'article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, les médicaments cytostatiques dispensés dans un établissement de santé privé titulaire de l'autorisation mentionnée à l'article L. 6122-1 du code de la santé publique font l'objet d'une prise en charge directe par l'assurance maladie. En application du 3° de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale alors applicable, aujourd'hui repris au 4° de l'article L. 160-14 de ce code, la participation de l'assuré à la prise en charge des frais de santé est supprimée, dans le cadre d'un forfait global de soins, lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une tumeur maligne ou d'une affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique. Aux termes de ces différentes dispositions, le patient pris en charge dans le cadre d'un traitement ambulatoire contre le cancer par un médecin oncologue exerçant à titre libéral dans le cadre d'un établissement de santé privé à caractère lucratif ne supporte pas le coût des médicaments cytostatiques qui lui sont administrés dans le cadre des soins de chimiothérapie.
9. Il en résulte en tout état de cause que, du point de vue du patient, la prestation de l'oncologue exerçant à titre libéral dans un établissement de soins privé et la délivrance de médicaments cytostatiques par la pharmacie de l'établissement de santé sont économiquement indissociables dans le cadre du traitement du cancer par chimiothérapie, sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir ni de l'existence de volets distinguant les frais d'hospitalisation et ceux liés aux médicaments dans le bordereau de facturation établi en vertu de l'article R. 161-40 du code de la sécurité sociale, qui ne constitue pas une facture pour le patient, ni de l'inscription des médicaments onéreux sur une liste spécifique, ces règles de facturation et de prise en charge des dépenses hospitalières ne concernant, en l'absence de toute facturation des médicaments cytostatiques au patient, que les seules relations entre les établissements de santé et les organismes de sécurité sociale.
10. Il résulte de ce qui précède que le traitement du cancer par chimiothérapie forme objectivement, pour le patient moyen, une prestation unique, dont la décomposition entre la livraison de médicament cytostatique et la prestation médicale, étroitement liées d'un point de vue matériel et économique, revêtirait un caractère artificiel.
S'agissant du bénéfice de l'interprétation de la loi fiscale donnée par l'administration :
11. La société anonyme Clinique Clémentville n'est pas fondée à se prévaloir des énonciations des points 460 à 480 de l'instruction administrative BOI-TVA-CHAMP-10-30-60-50, publiée au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - Impôts le 20 novembre 2013, qui concerne les ventes de médicaments ou autres produits réalisées par les médecins propharmaciens et dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas. Elle ne peut pas davantage, pour le même motif, se prévaloir des énonciations des paragraphes 20 et 70 des commentaires administratifs publiés au BOFiP le 4 février 2015 sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-20, qui portent sur les prestations de services et de ventes non liées à l'hospitalisation, qui ne résultent pas d'une prescription médicale ainsi que les actes de médecine et de chirurgie esthétiques qui ne poursuivent pas une finalité thérapeutique. Enfin, elle n'est fondée, en tout état de cause, en l'absence de tout rehaussement d'imposition, à se prévaloir ni de la circulaire portant la référence DHOS/F4 n° 2009-319 ni de la note de la direction générale des finances publiques du mois de septembre 2013.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de restitution de crédits de taxe sur la valeur ajoutée au titre des périodes du 1er janvier au 31 décembre 2012 et du 1er janvier au 31 décembre 2013.
En ce qui concerne les conclusions tendant à la réduction des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 2012 et 2013 :
13. Aux termes du 3 de l'article 51 de l'annexe III au code général des impôts : " (...) L'assiette de la taxe est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations (...) le rapport existant, au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ". Il résulte de ces dispositions que la taxe sur les salaires afférente aux rémunérations des personnels est établie en appliquant à ces rémunérations le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société requérante qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'y a pas lieu, pour la détermination de l'assiette de la taxe sur les salaires due par la société, de modifier le rapport existant entre le chiffre d'affaires de la société anonyme Clinique Clémentville qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total de cette société. La société requérante n'est, en outre, pas fondée, en l'absence de tout rehaussement d'imposition, à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales des prévisions de la doctrine administrative exprimée par les paragraphes 300 et suivants de l'instruction BOI-TPS-TS-20-30 du 22 janvier 2014.
14. Il en résulte que la société anonyme Clinique Clémentville n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 2012 et 2013.
III. Frais liés au litige :
15. Il n'y pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat quelque somme que ce soit à verser à la société anonyme Clinique Clémentville au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Clinique Clémentville et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2019, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. B..., président assesseur,
- M. Maury, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2019.
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N° 18MA00820
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