Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée sous le n° 1500708, Mme H... O... née C... et M. L... O..., ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré cessible, au profit de la commune de Taradeau, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé, ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux du 10 novembre 2014. Par une requête enregistrée sous le n° 1500709, M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré cessible, au profit de la commune de Taradeau, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé, ensemble la décision implicite rejetant leur recours gracieux du 10 novembre 2014.
Par un jugement n° 1500708,1500709 du 12 janvier 2018, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 29 septembre 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré cessible, au profit de la commune de Taradeau, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé, ainsi que les décisions implicites des recours gracieux formés par les requérants.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018 sous le n° 18MA01209, la commune de Taradeau, représentée par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2018 n° 1500708,1500709 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de condamner M. B... à lui verser la somme de 2 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Taradeau soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'un patecq sur les parcelles AC 93, AC 94, AC 95, AC 96 et AC 97. Au surplus, même si l'existence de ce patecq était démontrée, il n'existe aucun autre ayant droit sur la propriété immobilière en cause, en dehors des propriétaires identifiés des parcelles litigieuses (O..., Allary M..., B... et la commune de Taradeau). Par suite, l'enquête parcellaire effectuée est correcte, et l'article R. 11-28 du code de l'expropriation n'a pas été méconnu.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2019 à 12h.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2019, M. L... O..., Mme H... O... née C... et M. E... B..., représenté par Me J..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de la commune de Taradeau à verser aux époux O... la somme de 1 500 euros, et la même somme à M. B..., en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les intimés soutiennent qu'ils bénéficient des droits de communistes sur un patecq constitué des espaces non bâtis des parcelles cadastrées AC 93, AC 94 et AC 96. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a statué que l'article R. 11-28 du code de l'expropriation avait été violé au motif que ce patecq n'avait pas été mentionné dans la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, faute d'avoir dressé la liste exhaustive des propriétaires du patecq déterminés en vertu de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière.
II. Par une requête, enregistrée le 16 mars 2018 sous le n° 18MA01211, la commune de Taradeau, représentée par Me G..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2018 n° 1500708,1500709 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de condamner M. et Mme O... à lui verser la somme de 2 500 euros en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Taradeau soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'un patecq sur les parcelles AC 93, AC 94, AC 95, AC 96 et AC 97. Au surplus, même si l'existence de ce patecq était démontrée, il n'existe aucun autre ayant droit sur la propriété immobilière en cause, autres que les propriétaires identifiés des parcelles litigieuses (O..., Allary M..., B... et la commune de Taradeau). Par suite, l'enquête parcellaire effectuée est correcte, et l'article R. 11-28 du code de l'expropriation n'a pas été méconnu.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2019 à 12h.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2019, M. L... O..., Mme H... O... née C... et M. E... B..., représenté par Me J..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de la commune de Taradeau à verser aux époux O... la somme de 1 500 euros, et la même somme à M. B..., en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les intimés soutiennent qu'ils bénéficient des droits de communistes sur un patecq constitué des espaces non bâtis des parcelles cadastrées AC 93, AC 94 et AC 96. Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a statué que l'article R. 11-28 du code de l'expropriation avait été violé au motif que ce patecq n'avait pas été mentionné dans la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, faute d'avoir dressé la liste exhaustive des propriétaires du patecq déterminés en vertu de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière.
III. Par une requête enregistrée le 16 mars 2018 sous le n° 18MA01212, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 janvier 2018 n°1500708,1500709 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes de première instance ;
3°) de porter globalement à la charge des intimés une somme de 2 000 euros à verser à l'Etat au titre des frais de justice.
Le ministre de l'intérieur fait valoir que :
- le jugement contesté est infondé parce que c'est par une erreur de droit que les premiers juges ont annulé l'ensemble de l'arrêté du 29 septembre 2014, alors que les consorts D... M... n'étaient pas parties à l'instance du premier degré. L'arrêté en cause est divisible en tant qu'il concerne des propriétaires différents, et par suite, les requérants du premier degré n'étaient pas recevables à contester une parcelle dont ils ne sont pas les propriétaires, disposition d'ordre public ;
- le tribunal a commis une erreur de fait en admettant l'existence d'un patecq, et une erreur de droit en ne recherchant pas si la prétendue méconnaissance de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique était susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou de priver les intéressés d'une garantie. L'état parcellaire établi par les services du cadastre fait foi jusqu'à la preuve du contraire et alors qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur la propriété d'un immeuble et donc de l'existence éventuelle d'un patecq ;
- l'ensemble des informations exigées par l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et des articles 5 et 7 du décret du 4 janvier 1955 étaient indiquées dans la déclaration de cessibilité, lesquels dispositions n'ont donc pas été méconnues ;
- en tout état de cause, les premiers juges auraient dû examiner si la méconnaissance alléguée de ces dispositions, par la décision litigieuse avait été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou de priver les intéressés d'une garantie. Faute d'y avoir procédé, ils ont commis une erreur de droit de nature à justifier l'annulation du jugement contesté ;
- les parcelles en cause ont été correctement identifiées, et à supposer même que le patecq litigieux existe, lesdites parcelles le constitue, ce qui a d'ailleurs été admis par le juge de l'expropriation près le tribunal de grande instance de Toulon qui, par une ordonnance du 29 octobre 2014, a déclaré le transfert de propriété des parcelles en cause.
Par ordonnance du 31 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2019 à 12h.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2019, M. L... O..., Mme H... O... née C... et M. E... B..., représentés par Me J..., concluent :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation de l'Etat à verser aux époux O... la somme de 1 500 euros, et la même somme à M. B..., en vertu de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Les intimés soutiennent que :
- ils bénéficient des droits de communistes sur un patecq constitué des espaces non bâtis des parcelles cadastrées AC 93, AC 94 et AC 96. Par suite, le juge du premier degré était bien fondé à annuler l'arrêté du 29 septembre 2014 dans son ensemble. Par ailleurs, c'est à bon droit que le premier juge a statué que l'article R. 11-28 du code de l'expropriation avait été violé au motif que ce patecq n'avait pas été mentionné dans la procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, faute d'avoir dressé la liste exhaustive des propriétaires du patecq déterminés en vertu de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière. Dès lors, la jurisprudence " Danthony " est inapplicable, puisque la garantie de l'information exhaustive sur la procédure d'expropriation envisagée de l'ensemble des ayants droits concernés a nécessairement été méconnue ;
- l'avis favorable rendu par le commissaire enquêteur est entaché d'illégalité au motif qu'il omet de tirer les conséquences de l'existence du patecq ;
- la procédure de l'enquête publique est irrégulière en ce qu'il a été omis de présenter au public un état estimatif du coût d'acquisition des terrains, en méconnaissance de l'article R. 11-21 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le dossier d'enquête publique est unique alors qu'il aurait dû être scindé entre d'une part, l'information relative à l'utilité publique de l'expropriation envisagée, et de l'autre, l'état parcellaire ;
- l'avis du directeur départemental des finances publiques du 20 juin 2011 exigé par l'article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques est postérieur à la délibération du conseil municipal du 1er avril 2010 arrêtant l'estimation sommaire du projet, sans que puisse s'y opposer un second avis daté du 5 juin 2013 qui n'est pas précédé d'une délibération antérieure portant estimation sommaire du projet ;
- l'opération litigieuse ne présente aucun caractère d'utilité publique dès lors que la voirie concernée présente un trottoir aux dimensions suffisantes et accessibles aux personnes à mobilité réduite. Par suite, cet espace n'est pas " très dangereux " comme soutenu par la commune. En outre, l'atteinte à leur droit de propriété est disproportionnée par rapport aux avantages attendus du projet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code d'expropriation pour cause d'utilité publique.
- le décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955.
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du conseil municipal de la commune de Taradeau du 13 décembre 2011, le maire a été autorisé à demander au préfet du Var de déclarer d'utilité publique l'expropriation d'emprises foncières en vue de réaliser un espace public piétonnier avec rampe d'accès à la place de la mairie. Par un arrêté du 12 août 2014, le préfet du Var a déclaré d'utilité publique l'acquisition des terrains nécessaires au réaménagement de la place de la mairie de ladite commune, et a implicitement rejeté les demandes gracieuses formées par M. O..., Mme O... née C... et M. B..., visant à faire retirer cet arrêté. Par un arrêté du 29 septembre 2014, qui a fait l'objet de recours gracieux par M. O..., Mme O... née C... et M. B..., le préfet du Var a déclaré immédiatement cessibles, au profit de la commune de Taradeau, les propriétés et parties de propriété nécessaires au projet de réaménagement de la place de la mairie. Par un jugement n° 1500708,1500709 du 12 janvier 2018, dont la commune de Taradeau relève appel, le tribunal administratif de Toulon a annulé l'arrêté du 29 septembre 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré cessible, au profit de la commune de Taradeau, les terrains désignés à l'état parcellaire annexé, ainsi que les décisions implicites des recours gracieux.
2. Les requêtes n° 18MA01209, n° 18MA01211 et n° 18MA01212 dirigées contre le même jugement présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'ensemble des moyens des appelants :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation d'utilité publique : " Sur le vu du procès-verbal et des documents y annexés, le préfet, par arrêté, déclare cessibles les propriétés ou parties de propriétés dont la cession est nécessaire. Ces propriétés sont désignées conformément aux dispositions de l'article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière et l'identité des propriétaires est précisée conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 5 de ce décret ou de l'alinéa 1er de l'article 6 du même décret, sans préjudice des cas exceptionnels mentionnés à l'article 82 du décret d'application n° 55-1350 du 14 octobre 1955.(...). Le 1er alinéa de l'article 5 du décret du 4 janvier 1955 susvisé prévoit que : " Tout acte ou décision judiciaire sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit contenir les nom, prénoms dans l'ordre de l'état civil, domicile, date et lieu de naissance et profession des parties, ainsi que le nom de leur conjoint (...)".
4. Le " patecq " est une institution de droit coutumier provençal reconnue par la jurisprudence, qui désigne un terrain, espace à vocation originairement agricole, dépendant d'une construction à l'usage de certains ayants droits qui peuvent en user à l'instar d'une place publique, cet usage étant réduit à leurs besoins, utilités et commodités. Ce terrain, soumis au régime de l'indivision forcée, de nature perpétuelle, peut être une propriété commune indivise ou une propriété divise et en ce cas seul l'usage est commun, mais la caractéristique constante de cet espace est de demeurer libre et vacant et toutes constructions sur son assiette étant interdites. Il est toutefois admis qu'il peut être mis fin au régime de l'indivision perpétuelle et forcée avec l'accord unanime de tous les indivisaires.
5. Il ressort des pièces du dossier que l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité en litige désigne M. L... O... et Mme H... O... née C... comme propriétaires d'une portion de parcelle de 36 m2 incluse dans la parcelle cadastrée AC 93, M. I... D..., M. N... D... et Mme P... M... comme propriétaires d'une portion de parcelle de 84 m2 incluse dans la parcelle cadastrée AC 94 et M. E... B... comme propriétaire d'une portion de parcelle de 116 m2 incluse dans la parcelle cadastrée AC 96 . Il ressort clairement des pièces du dossier que les portions de parcelles en litige constituent avec deux autres parcelles appartenant à la commune un patecq. Les requérants soutiennent d'une part que l'état parcellaire annexé à l'arrêté attaqué n'a pas mentionné les parcelles AC 95 et AC 97 qui, à la date de la décision attaquée, appartenaient à la commune de Taradeau. Et d'autre part, que la procédure d'expropriation aurait dû viser la commune de Taradeau.
6. Mais en premier lieu, l'existence d'un patecq portant sur plusieurs parcelles ne faisait pas obstacle à ce que la commune de Taradeau n'exproprie, ainsi que le prévoit l'article R. 11-28 du code de l'expropriation d'utilité publique, que celles de ces parcelles ou partie de ces parcelles dont la cession est nécessaire à l'opération envisagée. Et en second lieu, la procédure d'expropriation pouvait ne viser que les propriétaires des parcelles du patecq, comprises dans le périmètre de l'opération envisagée, et non la commune, propriétaire de parcelles non incluses dans ce périmètre, alors même qu'elle est aussi titulaire d'un droit résultant de ce patecq.
7. C'est donc à tort que le tribunal administratif de Toulon a jugé que l'omission de l'identité de l'ensemble des titulaires du patecq grevant chaque parcelle ou portion de parcelle expropriées était contraire aux dispositions de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, et, par suite, a annulé l'arrêté du 29 septembre 2014 par lequel le préfet du Var a déclaré immédiatement cessibles au profit de la commune de Taradeau les immeubles nécessaires à ce projet, ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux formés le 10 novembre 2014 et le 26 novembre 2014.
8. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les époux O... et M. B....
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
9. Il ressort des pièces du dossier de première instance, que, par arrêté n° 2012/78/DPM du 19 novembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 36 spécial du 19 novembre 2012, M. K... F... a reçu du préfet du Var délégation " à l'effet de signer les arrêtés de rétention administrative, tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents relevant des attributions de l'État dans le département du Var " à l'exception de certains actes limitativement énumérés, au nombre desquels ne figurent pas les déclarations d'utilité publique. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
10. Aux termes de l'article R. 11-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête parcellaire dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier : (...)/ 2° la liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le conservateur des hypothèques au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens ". L'article R. 11-22 du même code dispose que : " Notification individuelle du dépôt du dossier à la mairie est faite par l'expropriant, sous pli recommandé avec demande d'avis de réception aux propriétaires figurant sur la liste établie en application de l'article R. 11-19 lorsque leur domicile est connu d'après les renseignements recueillis par l'expropriant (...) ; en cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une, et, le cas échéant, aux locataires et preneurs à bail rural ". Aux termes de l'article R. 11-23 du même code : " Les propriétaires auxquels notification est faite par l'expropriant du dépôt du dossier à la mairie sont tenus de fournir les indications relatives à leur identité, telles qu'elles sont énumérées soit au premier alinéa de l'article 5, soit au premier alinéa de l'article 6 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 modifié, portant réforme de la publicité foncière ou, à défaut, de donner tous renseignements en leur possession sur l'identité du ou des propriétaires actuels. ". Il en résulte que chaque propriétaire indivis doit être porté sur la liste des propriétaires des parcelles à exproprier, et doit recevoir notification individuelle du dépôt du dossier d'enquête publique. En outre, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire, ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
11. Il ressort des pièces du dossier que pour établir la liste des propriétaires des parcelles concernées par l'expropriation des emprises foncières AC 93, AC 94 et AC 96 la commune de Taradeau s'est fondée sur les renseignements recueillis auprès du service du cadastre et de la conservation des hypothèques, et que les notifications du dépôt du dossier d'enquête parcellaire n'ont été réalisées, pour chaque parcelle concernée, qu'à un seul des
co-indivisaires des parcelles AC 93, AC 94 et AC 96. Ainsi, la formalité de la notification individuelle à chacun des propriétaires indivis a été méconnue. Cependant, il ressort du registre d'enquête publique et du rapport du commissaire enquêteur que les propriétaires indivis non avertis par l'administration ont présenté leurs observations sur l'opération envisagée. Par suite, le vice de procédure ne les a pas privés d'une garantie, ni n'a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision contestée. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.
12. Par ailleurs, à supposer que les époux O... et M. B... reprochent au préfet du Var de ne pas avoir notifié le dépôt d'enquête parcellaire à l'ensemble des propriétaires liés dans le cadre du patecq, dont la commune de Taradeau, en tout état de cause, la commune qui est la collectivité publique expropriante et qui est propriétaire de deux parcelles incluses dans le patecq en cause, ne pouvait ignorer la procédure contestée. Par suite, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été méconnu.
13. Aux termes de l'article R. 11-21 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " Lorsque l'expropriant est en mesure, avant la déclaration d'utilité publique, de déterminer les parcelles à exproprier et de dresser le plan parcellaire et la liste des propriétaires, l'enquête parcellaire peut être faite soit en même temps que l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, soit postérieurement ". Aux termes de l'article R. 11-3 du même code, applicable en l'espèce : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou
d'ouvrages : \ 1° Une notice explicative ; \ 2° Le plan de situation ;\ 3° Le plan général des travaux ;\ 4° Les caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ;
\ 5° L'appréciation sommaire des dépenses ; \ 6° L'étude d'impact définie à l'article
R. 122-3 du code de l'environnement, lorsque les ouvrages ou travaux n'en sont pas dispensés ou, s'il y a lieu, la notice exigée en vertu de l'article R. 122-9 du même code ; ". L'article R. 11-19 du même code précise que : " L'expropriant adresse au préfet, pour être soumis à enquête dans chacune des communes où sont situés les immeubles à exproprier :
\ 1° Un plan parcellaire régulier des terrains et bâtiments ; \ 2° La liste des propriétaires établie à l'aide d'extraits des documents cadastraux délivrés par le service du cadastre ou à l'aide des renseignements délivrés par le service de la publicité foncière au vu du fichier immobilier ou par tous autres moyens. ". Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une enquête publique ou d'une enquête parcellaire ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.
14. Les époux O... et M. B... allèguent que la constitution d'un seul dossier dans le cadre de l'enquête conjointe d'utilité publique et de cessibilité aurait induit une confusion de nature à nuire à la bonne information du public, notamment du fait de deux registres de recueil des observations du public au titre de chacune des deux enquêtes jointes. Il ressort des pièces du dossier que des personnes se sont trompées de registre en consignant leurs observations. Toutefois, il appartenait au commissaire enquêteur, ainsi qu'il l'a fait en l'espèce, de prendre en considération, dans la rédaction de son rapport, les observations par type d'enquête quel que soit le registre où elles ont été consignées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 11-21 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.
15. Aux termes de l'article R. 1311-5 du code général des collectivités territoriales : " Dans le cas des acquisitions poursuivies par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, les dispositions de l'article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques sont applicables. ". L'article R. 1211-3 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction alors applicable, dispose : " En cas d'acquisition poursuivie par voie d'expropriation pour cause d'utilité publique, l'expropriant est tenu de demander l'avis du directeur départemental des finances publiques : 1° Pour produire, au dossier de l'enquête mentionnée à l'article L. 110-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, l'estimation sommaire et globale des biens dont l'acquisition est nécessaire à la réalisation des opérations prévues au I et au II de l'article R. 11-3 du même code ; (...) ". Aux termes de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " L'expropriant adresse au préfet pour être soumis à l'enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d'utilité publique est demandée en vue de la réalisation de travaux ou d'ouvrages : (...) 5° L'appréciation sommaire des dépenses ".
16. Il ressort des pièces du dossier que, saisi le 20 juin 2011, et à nouveau le 14 mai 2013, d'une demande formulée par la commune du Taradeau, le service des domaines a rendu deux avis identiques sur le projet d'acquisition en litige les 5 août 2011 et 5 juin 2013. Par suite, le moyen tiré de ce que le service des domaines n'aurait pas été consulté sur ledit projet doit être écarté comme manquant en fait. En outre, la circonstance que la délibération du 1er avril 2010, par laquelle le conseil municipal de Taradeau a adopté son budget primitif en retenant une somme de 290 000 euros pour les travaux de réfection de la place de la mairie, est antérieure de plus d'une année à l'avis rendu par le service des domaines, est sans incidence sur la régularité de la procédure et, par suite, sur la légalité de l'arrêté attaqué.
17. Enfin, il ressort des pièces du dossier que l'appréciation sommaire des dépenses produite dans le cadre de l'enquête conjointe ne mentionnait pas le coût des acquisitions immobilières à réaliser, évalué à la somme de 5 940 euros. Toutefois, cette omission n'est pas, compte tenu notamment de la faible importance de cet investissement rapporté au coût de l'ensemble du projet évalué à 355 000 euros dont 100 000 euros de travaux restant à réaliser, de nature à modifier sensiblement l'estimation du montant des dépenses entraînées par la réalisation du projet et, ainsi, avoir vicié l'information du public sur l'importance du coût financier de la déclaration d'utilité publique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions susmentionnées de l'article R. 11-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
18. Les époux O... et M. B... font valoir que c'est à tort que les parcelles AC 95 et AC 97, qui font partie du patecq constitué avec les parcelles AC 93, AC 94 et AC 96, ne figurent pas dans l'état parcellaire annexé à l'arrêté de cessibilité en litige. Cependant, comme il a été dit aux points 6 et 7, les intimés ne sont pas fondés à soutenir que l'expropriation des deux parcelles appartenant à la commune de Taradeau fût nécessaire à l'opération envisagée, et que les dispositions de l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ont été méconnues.
19. Il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
20. En l'espèce, le projet de créer un espace public piétonnier avec rampe d'accès au niveau de la place de la mairie, qui a pour objectif de faciliter et de sécuriser l'accès piéton des enfants et des parents à l'école communale qui se trouve sur l'avenue des Arcs, de créer un accès pour les personnes à mobilité réduite et de finaliser le projet urbain tendant à mettre en valeur le coeur du village, répond à des finalités d'intérêt général. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait été en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, la largeur du trottoir et la densité de circulation au niveau de l'avenue des Arcs ne permettant pas le passage sécurisé des personnes à mobilité réduite et des familles. L'atteinte à la propriété privée, limitée à la privation d'un terrain déjà utilisé comme cheminement piétonnier par les tiers et permettant le maintien pour les propriétaires d'un accès par véhicule à leur garage au moyen de bornes escamotables, n'est pas excessive eu égard aux avantages que présente la création de cet espace piéton. Par suite, le moyen tiré du défaut d'utilité publique du projet n'est pas fondé et doit être écarté.
21. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par les époux O... et M. B... doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat et la commune de Taradeau, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, versent aux époux O... et à M. B... la somme qu'ils réclament en remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner les intimés à verser des frais de justice à l'Etat et à la commune de Taradeau.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 12 janvier 2018 du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : La demande n° 1500708 présentée par les époux O... et la demande n° 1500709 présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon, tendant à faire annuler l'arrêté du 29 septembre 2014 du préfet du Var déclarant immédiatement cessibles au profit de la commune de Taradeau les propriétés et parties de propriété nécessaires au réaménagement de la place de la mairie à Taradeau, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés par les demandeurs, sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'Etat et de la commune de Taradeau présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions incidentes présentées par M. et Mme O... et M. B... et leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Taradeau, au ministre de l'intérieur, à M. L... O..., à Mme H... O... née C... et à M. E... B....
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2019, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur.
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
N° 18MA01209, 18MA01211, 18MA01212 2
kp