Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... épouse I... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé un pays de destination.
Par un jugement n° 1802586 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 30 janvier 2019, Mme A..., représentée par Me E..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 septembre 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 mars 2018 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande de certificat de résidence dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E..., qui renoncera au bénéfice de la part contributive de l'État à l'aide juridictionnelle, la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ;
- étant titulaire d'une autorisation provisoire de séjour, sa demande d'autorisation de travail était recevable en application de l'article R. 5221-14 du code du travail ;
- le préfet a commis une erreur de droit en exigeant qu'elle justifie d'un visa de long séjour, étant titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ;
- le préfet, qui n'est jamais tenu de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger dépourvu d'un visa de long séjour, a méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation ;
- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 décembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., née le 10 novembre 1969 à Oued El Alleug (Algérie), de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mars 2018 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, l'arrêté en litige a été signé par M. D... G..., sous-préfet hors-classe, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, lequel a reçu délégation par un arrêté préfectoral n° 2017-I-1318 du 17 novembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer " tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, à l'exception, d'une part, des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la Nation pour le temps de guerre, d'autre part, de la réquisition des comptables publics régie par le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique (...) ". Cet arrêté précise que cette délégation comprend donc, notamment, la signature de tous les actes administratifs et correspondances relatifs au séjour et à la police des étrangers. La circonstance que les dispositions du décret du 29 décembre 1962 ont été abrogées par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique demeure sans incidence sur la régularité de la délégation accordée dès lors que la matière concernée, si elle est désormais régie par ce dernier décret, reste exclue de la délégation en litige. Cette délégation, qui n'est pas générale, habilitait dès lors M. G... à signer la décision contestée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, et, d'une part, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat visé par les services du ministère chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " ; cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française.(...) " ; qu'aux termes de l'article 9 du même accord : " (...) Pour être admis à entrer et séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7, 7 bis, alinéa 4 " (lettres c et d) ", et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport en cours de validité muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises.(...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Aux termes de l'article R. 5221-1 du même code : " Pour exercer une activité professionnelle en France, les personnes suivantes doivent détenir une autorisation de travail (...): /1° Etranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ; (...) ". L'article R. 5221-3 du même code prévoit : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 6° La carte de séjour temporaire portant la mention salarié, délivrée sur présentation d'un contrat de travail d'une durée égale ou supérieure à douze mois conclu avec un employeur établi en France, en application du 1° de l'article L. 313-10 du même code ou le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-11 dudit code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-11 l'étranger résidant hors du territoire national ou, lorsque la détention d'un titre de séjour est obligatoire, l'étranger résidant en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour. ". Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce même code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence. ". Enfin, l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auquel l'accord franco-algérien ne déroge pas, dispose que : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ". Mme A... ne justifie pas être entrée sur le territoire français munie du visa de long séjour exigé par les dispositions précitées. C'est donc sans erreur de droit que le préfet de l'Hérault a estimé que l'intéressée ne remplissait pas les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. En troisième lieu, il ressort de la lecture de la décision contestée que le préfet de l'Hérault a relevé que Mme A... n'établissait pas l'existence de circonstances exceptionnelles de nature à justifier la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait abstenu de faire usage de son pouvoir de régularisation doit être écarté.
6. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; (...) / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".
7. Aux termes, d'autre part, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en Espagne le 7 décembre 2014 munie d'un visa d'une durée de quinze jours, valable pour une entrée unique dans les Etats Schengen, délivré le 23 novembre 2014 par le consulat général d'Espagne à Alger. Elle déclare, sans pouvoir en justifier, être entrée en France le 9 décembre 2014. Si elle s'est mariée en Algérie le 5 juin 2014 avec un ressortissant algérien, titulaire d'un certificat de résidence en cours de validité, elle ne démontre pas, par les pièces qu'elle fournit, une ancienneté de communauté de vie avec son époux suffisamment stable et durable sur le territoire français et ne peut donc s'y prévaloir d'une vie privée et familiale ancienne et intense. L'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu l'essentiel de son existence et où résident son père et sa soeur. Dans ces conditions, par l'arrêté attaqué, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a pas, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, eu égard aux conditions du séjour en France de Mme A..., telles que décrites au point précédent, le préfet de l'Hérault n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat et versée à Me E... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... épouse I..., au ministre de l'intérieur et à Me E....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 22 novembre 2019.
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N° 19MA00444
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