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21/01/2020 | FRANCE | N°18MA05082

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 21 janvier 2020, 18MA05082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601787 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2018, M. et Mme F..., représent

és par Me G..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Ni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1601787 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2018, M. et Mme F..., représentés par Me G..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice n° 1601787 du 27 septembre 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le caractère de prêt familial a été établi, la réponse aux demandes de justifications était suffisante, la procédure de taxation d'office n'était pas applicable ;

- l'impossibilité morale, au sens de l'article 1341 du code civil, d'établir un écrit est caractérisée s'agissant de son frère aîné, une reconnaissance de dette du 18 septembre 2014, une attestation sur l'honneur de M. B... F... ont été établies, le prêt a été remboursé ;

- son frère fait d'importants retraits d'espèces chaque mois, la somme de 81 700 euros correspond à 100 000 francs suisses compte-tenu d'une commission ;

- à supposer même qu'ils soient en relation d'affaire, la preuve du prêt est rapportée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle portant sur les revenus de l'année 2012. A la suite de ce contrôle les intéressés ont fait l'objet d'une procédure de taxation d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, notifiée le 4 août 2014. S'agissant des revenus de capitaux mobiliers afférents à la même année, des impositions supplémentaires leur ont été notifiées suivant la procédure de rectification contradictoire. M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 en tant qu'elles concernent les revenus d'origine indéterminée et les pénalités correspondantes. Par jugement n° 1601787 du 27 septembre 2018 leur demande a été rejetée. C'est de ce jugement dont ils relèvent appel.

Sur les revenus d'origine indéterminée :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". Aux termes de l'article L. 16 A du même livre : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements et de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite. ". Enfin aux termes de l'article L. 69 dudit livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales que l'administration peut demander aux contribuables des justifications lorsqu'elle a réuni les éléments permettant d'établir que les intéressés peuvent avoir des revenus plus importants que ceux qui font l'objet de leurs déclarations et que, selon l'article L. 69 du même livre, est taxé d'office, sous réserve des règles propres à la détermination de certaines catégories de revenus, le contribuable qui s'est abstenu de répondre aux demandes de justifications de l'administration et, le cas échéant, aux mises en demeure d'avoir à compléter ses réponses. En revanche, l'administration ne peut régulièrement mettre en oeuvre la procédure de taxation d'office lorsqu'elle est en mesure de rattacher avec certitude les sommes sur lesquelles elle a interrogé le contribuable à une catégorie précise de revenus.

4. M. et Mme F... ont été destinataires d'une demande d'éclaircissements et de justifications le 4 août 2014 sur le solde de la balance des espèces établie en 2012, soit sur la somme de 114 644 euros. A la suite de leur réponse du 22 septembre 2014 regardée comme insuffisante, ils ont reçu une mise en demeure afin de produire les justifications du versement d'espèces de 81 700 euros opéré par M. A... C..., le 16 mai 2012. Les requérants ont répondu à la mise en demeure, le 19 novembre 2014, en indiquant que cette somme avait pour origine des espèces provenant du frère de M. F... installé en Suisse et remises à Paris par un tiers. Ils ont produit une reconnaissance de dette du 18 septembre 2014, et une attestation sur l'honneur établies par M. B... F.... Ces pièces établies postérieurement à l'intervention du service, en termes trop généraux pour qu'il soit possible d'en apprécier la portée ne peuvent être regardées comme de nature à justifier les assertions de M. F.... Ils n'ont donc pas fourni les éléments réclamés par l'administration fiscale pour la mettre à même de rattacher, sans risque d'erreur de qualification, les sommes en litige à une catégorie de revenus. Celles-ci ont, en conséquence été regardées comme des revenus d'origine indéterminée et imposées, selon la procédure de taxation d'office, à hauteur de 81 700 euros au titre de l'année 2012. La procédure de taxation d'office contrairement à ce qui est soutenu n'est donc pas entachée d'irrégularité.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

5. Il appartient au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter la preuve du caractère exagéré des impositions auxquelles il a été assujetti. Il lui est loisible à cet effet d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus.

6. Il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'un droit de communication exercé le 16 mai 2013 auprès du tribunal de grande instance de Paris, l'administration fiscale a consulté la procédure judiciaire ouverte à l'encontre de M. F... et a constaté que, le 16 mai 2012, M. E... F... avait reçu une somme de 81 700 euros, sous enveloppe plastique, remise dans un café parisien par M. I... A... C.... Les requérants exposent que cette somme provient d'un prêt familial consenti par M. B... F... en vue de surmonter leurs difficultés financières. Ils indiquent que M. B... F... a versé à M. H... A... C..., un ami d'enfance, la somme de 100 000 francs suisses afin qu'il la remette aux requérants par l'intermédiaire de son propre frère M. I... A... C... et qu'un rendez-vous a été organisé dans un café parisien où M. I... A... C... a remis ces espèces à M. F... E... sous enveloppe plastique. Les requérants invoquent l'impossibilité morale, au sens de l'article 1341 du code civil, de produire un contrat écrit. Ils produisent une simple attestation de M. B... F... du 11 juin 2014 qui certifie avoir prêté la somme de 100 000 francs suisses à son frère E... F..., par l'intermédiaire de M. H... A... C... lequel confirme, dans une attestation du 12 août 2014, avoir reçu cette somme à Genève et avoir demandé à son frère Mardoché El C... de la remettre à Paris à l'intéressé. Cependant, cette somme ne correspond pas à la somme perçue en espèces le 16 mai 2012 par M. B... F... compte tenu du taux de change applicable à cette date, un franc suisse valant, le 16 mai 2012, 0,83257 euros. En outre, les attestations produites sont par ailleurs peu circonstanciées sur les raisons qui ont conduit Messieurs F... à faire transiter cette somme d'argent par l'intermédiaire de deux tiers qui sont étrangers au prêt familial allégué. De même, aucune précision n'est fournie sur le transport de cette somme entre la Suisse et la France. Et les requérants ne soutiennent ni même n'allèguent avoir déclaré la somme de 81 700 euros provenant de Suisse comme l'exigent, compte tenu de son montant, les dispositions de l'article L. 152-1 du code monétaire et financier. Or, en application de l'article 1649 quater A du code général des impôts : " (...) Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues à l'article L. 152-1 du code monétaire et financier et au règlement (CE) n° 1889/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, relatif aux contrôles de l'argent liquide entrant ou sortant de la Communauté ". La matérialité des mouvements de fonds entre le prêteur et l'emprunteur n'est pas davantage justifiée, l'assertion alléguée selon laquelle les espèces n'auraient traversé aucune frontière étant totalement invraisemblable et invérifiable. Ainsi, si les requérants versent au dossier un relevé de prélèvement d'une somme de 60 000 francs suisses effectué le 22 décembre 2011 sur le compte 400211-50 ouvert au Crédit Suisse, ils ne justifient nullement que M. B... F... aurait disposé de la somme de 100 000 francs suisses en espèces au mois d'avril 2012 afin de les verser à son frère. De même, les virements bancaires effectués par les requérants les 16 juillet 2015, 11 août 2015, 29 septembre 2015, 5 novembre 2015 et 24 décembre 2015, sur un compte ouvert au nom de M. B... F... ont été effectués postérieurement à l'engagement du contrôle fiscal par avis du 13 février 2014 et aucun début de remboursement n'est démontré antérieurement à cet avis. En conséquence, les requérants ne justifient pas de la réalité des mouvements de fonds correspondant au prêt allégué et la seule production d'une reconnaissance de dette sous seing privé établie postérieurement aux opérations de contrôle et des attestations émanant des deux intermédiaires établies également dans les mêmes circonstances sont insuffisantes pour justifier que la somme en litige a été versée par un parent. En outre, et à supposer que cette somme proviendrait effectivement de M. B... F..., il est constant que les deux frères ont des participations communes dans des sociétés civiles immobilières, et sont donc en relation d'affaire. Il en résulte que les requérants n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'origine et de la nature de la somme de 81 700 euros perçue en espèces le 16 mai 2012 par M. F.... C'est à bon droit que l'administration et le tribunal ont regardé ces sommes comme imposables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : (...) / (... ) a. 40 % en cas de manquement délibéré (...)" et aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi (...) ".

8. En faisant valoir l'importance de la somme remise ainsi que le mode opératoire de cette remise (remise d'espèces dans un sac plastique par un tiers dans un bar à Paris), l'administration établit l'intention délibérée des requérants d'éluder l'impôt et, par suite, le bien-fondé de la majoration de 40 % mise à leur charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme E... F..., et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. D..., premier conseiller,

- Mme Carotenuto, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.

4

N° 18MA05082

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA05082
Date de la décision : 21/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: M. André MAURY
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : DAUVERGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-01-21;18ma05082 ?
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