Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier, dans l'instance n° 1902689, d'annuler l'arrêté du 17 mai 2019 par lequel le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois et, dans l'instance n° 1902690, de suspendre l'exécution de cet arrêté en application des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un jugement n° 1902689-1902690 du 15 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2019 et le 22 novembre 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 17 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me C..., d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas conformes à la directive 2013/32/UE du Parlement européen dès lors que celle-ci prévoit un droit à se maintenir sur le territoire jusqu'à la décision sur le recours prévu au § 6 de l'article 46, que le tribunal administratif ne peut tenir compte que des seuls éléments exposés dans la demande d'asile et que la loi française crée un conflit de compétence entre juridictions administratives ;
- la mesure d'éloignement a été prise sur le fondement d'une décision préfectorale refusant illégalement de lui maintenir son droit au séjour dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- le préfet s'est cru à tort lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
- la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle a été prise sur le fondement d'une mesure d'éloignement illégale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions des articles 3 et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet s'est cru tenu de prononcer une interdiction de retour ;
- cette décision a été prise sur le fondement d'une décision préfectorale refusant illégalement de lui maintenir son droit au séjour dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;
- cette interdiction de retour est disproportionnée au regard de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2019, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 mai 2019, le préfet de l'Hérault a fait obligation à Mme A..., ressortissante nigériane, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de six mois. Par un jugement du 15 juillet 2019 dont l'intéressée relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit suspendu l'exécution de cet arrêté en application des dispositions de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation et d'examen réel et sérieux de la situation de Mme A..., qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier, au point 8 de son jugement.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 1 de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale : " Les demandeurs sont autorisés à rester dans l'Etat membre, aux seules fins de la procédure, jusqu'à ce que l'autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en première instance prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l'Etat membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour. ". L'article 46 de cette directive prévoit le droit à un recours effectif.
4. L'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, pose le principe du droit au maintien sur le territoire du demandeur d'asile dans les termes suivants : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ". Ce principe est assorti de dérogations énumérées à l'article L. 743-2 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi.
5. À ce titre, le droit au maintien sur le territoire prend fin notamment, selon le 4° bis de cet article, lorsque l'Office, saisi d'une demande de réexamen, a pris une décision d'irrecevabilité au motif qu'elle ne présente pas d'éléments nouveaux augmentant de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection. Le droit au maintien prend également fin, selon le 7° de l'article L. 743-2, " dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ", c'est-à-dire lorsque l'office, statuant en procédure accélérée, a rejeté une demande présentée par un étranger ressortissant d'un " pays d'origine sûr " en application de l'article L. 722-1, une demande de réexamen infondée ou une demande émanant d'un demandeur dont la présence sur le territoire français a été regardée par l'autorité compétente de l'Etat comme constituant une menace grave pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l'Etat.
6. Enfin, l'article L. 743-3 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi, dispose que : " (...) Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".
7. Dans les cas mentionnés au point 5, l'étranger, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui forme, en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un recours contre celle-ci peut, en application de l'article L. 743-3 précité, saisir le tribunal administratif de conclusions à fins de suspension de cette mesure d'éloignement. A l'appui de ses conclusions à fin de suspension, qui peuvent être présentées sans le ministère d'avocat, le requérant peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement.
8. Mme A... se prévaut de l'inconventionnalité des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que ces dispositions ne prévoient que la suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français et non son annulation, que le juge ne peut apprécier la légalité de la décision qu'au regard des éléments préalables à son édiction et que la loi crée un conflit de compétence entre les juridictions administratives. Toutefois, disposant d'un recours juridictionnel à fin d'obtenir, notamment, la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile, l'étranger dispose d'une garantie juridictionnelle. Il lui est loisible de présenter tout élément sérieux connus de lui postérieurement, de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour et non, comme l'affirme la requérante, exclusivement des éléments préalables à l'édiction de la mesure d'éloignement. En outre, le recours prévu par l'article L. 743-3 devant le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à fin de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci n'est pas, par lui-même, de nature à faire naître un conflit de compétence entre le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné et la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, le moyen doit être écarté.
9. En troisième lieu, Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision du préfet refusant de lui accorder le droit de se maintenir sur le territoire français dans l'attente de la décision de la CNDA.
10. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des mentions de l'arrêté en litige que le préfet de l'Hérault se serait estimé lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 février 2019 qui se borne à reprendre les déclarations de l'intéressée et le caractère récent pour prendre la mesure d'éloignement contestée.
11. En dernier lieu, Mme A... se prévaut de ce que, victime de la traite des êtres humains, elle fait l'objet d'un accompagnement pluridisciplinaire de l'association Amicale du Nid La Babotte et d'une prise en charge psychologique. S'il est tenu pour établi qu'elle est entrée au sein d'un réseau transnational de traite des êtres humains, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de la représentante de cette association du 30 avril 2019 que l'accompagnement social global, notamment psychologique dont elle bénéficie depuis avril 2018 se poursuit, sur le long terme, afin de " permettre à Mme A... d'être à même d'envisager un avenir éloigné de la prostitution et du réseau qui l'a exploitée ". Toutefois, une telle prise en charge qui s'inscrit sur une longue période n'est pas de nature à établir qu'en faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault aurait commis un erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision fixant le pays destination :
12. En premier lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés du défaut de motivation et de l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier, aux points 13 et 14 de son jugement.
13. En second lieu, Mme A... fait valoir qu'elle serait exposée à des risques en cas de retour au Nigéria, en se prévalant du courrier de la représentante de La Babotte, Amicale du Nid du 30 avril 2019, de l'existence d'une traite transnationale des êtres humains et de prostitution sur le territoire nigérian, de l'impossibilité de trouver une protection dans son pays d'origine, notamment auprès de sa famille et de la plainte qu'elle a déposée, au demeurant postérieurement à la décision contestée. Or, ces éléments n'établissent pas le caractère actuel et personnel des risques allégués, dont, d'ailleurs, la CNDA n'a pas retenu l'existence, dans sa décision du 22 juillet 2019, rejetant son recours. Ainsi le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3 et 4 de la Charte des droits fondamentaux ne peut être accueilli.
En ce qui concerne l'interdiction de séjour de six mois :
14. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges, d'écarter les moyens tirés des erreurs de droit, de l'appréciation manifestement erronée du préfet sur la situation personnelle de Mme A... et l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal administratif de Montpellier, aux points 17, 18 et 19 de son jugement.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter également ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., au ministre de l'intérieur et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, où siégeaient :
- M. Vanhullebus, président,
- Mme B..., présidente assesseure,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 21 janvier 2020.
N° 19MA03627