Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... J... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 11 décembre 2014 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a refusé de lui octroyer la protection fonctionnelle, ensemble la décision du 18 février 2015 portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1502798 du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 décembre 2014 et rejeté le surplus de la demande de M. J....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 24 janvier 2018 et le 3 février 2020, M. J..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 18 février 2015 rejetant son recours gracieux formé contre la décision du 11 décembre 2014 ;
2°) d'annuler la décision du 18 février 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ayant annulé la décision du 11 décembre 2014, ils devaient annuler, par voie de conséquence, celle du 18 février 2015 ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les pièces versées au débat attestent des dénonciations calomnieuses dont il a fait l'objet ;
- la protection fonctionnelle devait lui être accordée dans la mesure où il a déjà bénéficié d'une telle protection pour des faits similaires ;
- le refus de protection est discriminatoire dès lors que les fonctionnaires qui l'ont diffamé en bénéficient ;
- ce refus du bénéfice méconnaît l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ;
- il entend reprendre devant la Cour les moyens soulevés en première instance et qui n'ont pas reçu de réponse ;
- la décision du 18 février 2015 a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il a été victime de dénonciations calomnieuses et n'a commis aucune faute, son comportement bienveillant avec le personnel placé sous son autorité ayant été reconnu ;
- le Procureur de la République de Tarascon a transmis au juge d'instruction le 2 janvier 2020 des réquisitions aux fins de non-lieu en sa faveur dans le cadre de quatre plaintes déposées à son encontre pour harcèlement moral les 20 janvier 2014, 14 février 2014 et 20 avril 2015 ;
- la décision critiquée viole le principe de la présomption d'innocence consacré par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le code civil et l'article 6 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par courrier du 4 juin 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse a été mis en demeure, sur le fondement des articles R. 612-3 et R. 612-6 du code de justice administrative, de produire un mémoire en défense ;
Par un mémoire en défense enregistré le 8 janvier 2020, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la décision du 11 décembre 2014 n'ayant pas été régularisée par celle du 3 février 2015, c'est à bon droit que le tribunal administratif a opéré une distinction entre ces deux décisions ;
- M. J... n'a été victime d'aucune dénonciation calomnieuse au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme I... M..., rapporteure,
- les conclusions de M. G... Thiele, rapporteur public,
- et les observations de M. J....
Considérant ce qui suit :
1. M. J..., membre du corps des personnels de direction de l'éducation nationale, a été affecté au lycée Alphonse Daudet à Tarascon à la rentrée scolaire 2010. S'estimant victime de propos diffamatoires ou de dénonciations calomnieuses de la part de certains agents ayant travaillé sous son autorité, il a sollicité de sa hiérarchie le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. Le recteur de l'académie d'Aix-Marseille la lui a refusée par décision du 11 décembre 2014, confirmée sur recours gracieux le 18 février 2015. Par jugement du 4 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision initiale du 11 décembre 2014 pour défaut de motivation mais rejeté les conclusions visant la décision du 18 février 2015 rejetant le recours gracieux de l'intéressé. M. J... doit être regardé comme relevant appel, dans cette seule mesure, dudit jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A supposer que M. J... ait entendu, en indiquant reprendre " devant la Cour les moyens de légalité et les moyens de légalité interne qu'il avait soulevés en première instance et qui n'ont pas reçus de réponse de la part des premiers juges ", contester la régularité du jugement attaqué, il ne donne toutefois aucune précision sur le ou les moyens sur lesquels les premiers juges auraient ainsi prétendument omis de statuer. Ce moyen ne peut dès lors qu'être écarté, en tout état de cause, comme dépourvu de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l'encontre d'une décision administrative un recours gracieux devant l'auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté. L'exercice du recours gracieux n'ayant d'autre objet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d'un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux, dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l'autorité administrative. Pour autant, et contrairement à ce que soutient M. J..., l'annulation par les premiers juges de la décision du 11 décembre 2014, pour vice de forme, n'entraîne pas par elle-même l'annulation de la décision du 18 février 2015 du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, prise après un nouvel examen de sa demande et qui avait notamment pour objet d'exposer les motifs du refus de protection fonctionnelle opposé à l'intéressé, motifs dont la décision initiale était dépourvue. Par suite, le moyen tiré de ce que l'annulation de la décision du 11 décembre 2014 prive par elle-même de base légale celle du 18 février 2015 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, ainsi que l'a jugé le tribunal, M. Lacroix, secrétaire général de l'académie d'Aix-Marseille, bénéficiait d'une délégation de signature conférée par arrêté du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 22 décembre 2014 régulièrement publiée au bulletin académique spécial n° 301 du 5 janvier 2015. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée doit être écarté.
5. En troisième lieu, la décision en litige cite les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 invoqué par M. J... et expose les raisons pour lesquelles il ne peut en bénéficier. Ainsi, en mentionnant les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment en précisant que les conditions exigées par ces dispositions n'étaient pas remplies dans la mesure où l'intéressé n'a pas été victime de dénonciations calomnieuses, de menaces, de pressions ou de voies de faits, ni de diffamation ou d'outrages de la part des quatre personnes visées par sa demande, l'autorité rectorale a satisfait à l'exigence de motivation prescrite par les articles L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
6. En quatrième lieu, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable à la date du litige, dispose : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. / (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ".
7. Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en oeuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.
8. M. J... soutient avoir fait l'objet d'attaques écrites et verbales en janvier et mars 2014 de la part de quatre agents affectés au lycée Alphonse Daudet de Tarascon où il occupait les fonctions de proviseur. Il a ainsi formé des demandes de protection fonctionnelle auprès du recteur de l'académie d'Aix-Marseille le 4 avril 2014, puis de nouveau le 15 septembre 2014 et enfin, par le truchement de son avocat, le 21 novembre 2014, afin d'engager des poursuites à l'encontre de Mme F..., M. L..., M. K... et Mme A... H... pour des faits qu'il qualifie de dénonciations calomnieuses.
9. Il ressort cependant des pièces du dossier que de graves dissensions et difficultés relationnelles sont apparues entre M. J... et plusieurs agents du lycée Alphonse Daudet de Tarascon, et cela depuis l'affectation de l'intéressé à la tête de cet établissement. Les entretiens conduits par la coordinatrice du service social des personnels de l'académie d'Aix-Marseille avec trois des agents concernés, analysés dans le rapport social du 11 avril 2014, ont mis en évidence un comportement inapproprié de M. J... à l'égard de plusieurs personnes, en particulier M. K..., comportement caractérisé par des " violences verbales, intimidations et menaces physiques, humiliations répétitives, empêchements de travailler, de remplir les missions confiées ". Ce même rapport relève l'existence d'autres violences au travail imputées à M. J.... Par ailleurs, ce dernier ne conteste pas que le principal syndicat des personnels de direction a renoncé à le défendre après avoir constaté sa persistance dans le " déni de réalité " ni, d'autre part, que, dans son affectation précédente en qualité de principal du collège Frédéric Bazille à Castelnau-le-Lez, il avait entretenu des relations particulièrement conflictuelles avec le gestionnaire-agent comptable, le directeur des services départementaux de l'éducation nationale de l'Hérault ainsi que l'équipe enseignante, à l'origine de son éviction de l'académie de Montpellier et de sa mutation dans l'intérêt du service au lycée Alphonse Daudet de Tarascon. Si M. J... se prévaut des différentes procédures qu'il a engagées à l'encontre de ses collègues, dénonçant les faits calomnieux qu'il leur impute, l'existence de ces procédures ne constitue pas, par elle-même, la preuve de tels agissements susceptibles de justifier le bénéfice de la protection fonctionnelle. Il en est de même concernant le jugement du 20 juin 2017 par lequel le tribunal correctionnel de Tarascon s'est borné à surseoir à statuer à la suite d'une constitution de partie civile, et le réquisitoire définitif aux fins de non-lieu du procureur de la République de Tarascon transmis le 2 janvier 2020 au juge d'instruction à la suite de plaintes déposées à son encontre par quatre de ses collègues, en l'occurrence MM. D..., E... et L... et B... F..., en raison de faits survenus entre septembre 2010 et décembre 2013. Ainsi, M. J..., pas plus qu'en première instance, ne démontre l'existence de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages relevant des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et dont il allègue avoir fait l'objet en 2014 de la part de Mmes F... et A... H... et de MM. L... et K.... Ni les évaluations favorables de l'intéressé au titre des années 2012 et 2013 ni les témoignages qu'il a rassemblés, émanant de personnes ayant travaillé au sein des établissements dont il assurait la direction, ne permettent de remettre en cause les éléments mentionnés ci-dessus, recueillis au cours de l'enquête administrative diligentée par les services du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille. Dans ces conditions, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille, en refusant à M. J... le bénéfice de la protection fonctionnelle, n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 6. Pour les mêmes raisons, il n'a pas davantage violé la présomption d'innocence consacrée par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le code civil et l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni méconnu le principe du droit à un procès équitable posé par l'article 6 § 1 de la même convention.
10. En cinquième lieu, la décision portant refus de la protection fonctionnelle étant fondée, non sur l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. J..., mais sur l'absence de faits pouvant être regardés comme relatifs à des " dénonciations calomnieuses " et relevant ainsi des cas dans lesquels la collectivité est tenue d'accorder la protection fonctionnelle à l'agent, le requérant n'invoque pas utilement, en tout état de cause, le " principe d'autonomie du droit de la protection au regard du droit disciplinaire ".
11. En sixième lieu, le moyen tiré de l'existence d'une prétendue contradiction entre la décision contestée, refusant à M. J... la protection fonctionnelle à la suite des propos tenus à son endroit par les personnes mentionnées au point 8 et le fait que l'intéressé s'est vu par le passé octroyer cette protection pour se défendre d'accusations portées contre lui par un autre agent est, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, inopérant. De même, M. J... ne peut sérieusement soutenir que le recteur de l'académie d'Aix-Marseille était tenu de lui accorder de nouveau le bénéfice de la protection fonctionnelle en considération de ce précédent, les circonstances étant nécessairement différentes.
12. En septième lieu, le refus de protection fonctionnelle contesté est motivé par la circonstance que les dénonciations calomnieuses alléguées par M. J... et dont il aurait fait l'objet de la part de collègues n'étaient pas avérées. Dès lors, le requérant ne peut utilement reprocher au recteur de l'académie d'avoir justifié sa décision de refus d'octroi de protection fonctionnelle par l'existence de poursuites pénales diligentées à son encontre.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 18 février 2015.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme que M. J... réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. J... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... J... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Délibéré après l'audience du 10 février 2020, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- Mme I... M..., présidente assesseure,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 mars 2020.
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N° 18MA00343