Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les titres de recettes n° 129 et n° 130 émis le 2 mars 2017 par le maire de Saint-Cyprien portant avis de paiement des sommes de 212,40 euros et 2 419,20 euros pour le stationnement d'un navire sur le terre-plein du port de Saint-Cyprien.
Par un jugement n° 1702095 du 21 février 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoire, enregistrés le 18 avril 2019, le 2 juillet 2019, le 5 février 2020 et le 14 février 2020, Mme A..., représentée par la SCP Poujade-Favel-Tribillac-Maynard, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les titres de recettes n° 129 et n° 130 émis le 2 mars 2017 par le maire de Saint-Cyprien ;
3°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 2 631,60 euros ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les titres de recette contestés violent les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration en l'absence de mention sur le bordereau correspondant du nom, du prénom et de la qualité de son signataire ;
- ils ne comportent pas les bases de liquidation de la créance ;
- elle n'a ni la propriété du navire ayant donné lieu au frais de stationnement, ainsi que l'atteste l'acte de francisation du navire, ni sa garde ;
- il incombait à M. B... propriétaire désigné dans l'acte de francisation de faire modifier ce document.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2020, la commune de Saint-Cyprien, représentée par la SCP Chichet-Henry-Pailles-Garidou-Renaudin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à la décharge de la somme mise à la charge de la requérante par les titres de recettes contestés, qui n'ont pas été présentées devant le tribunal administratif, sont donc nouvelles en appel et partant, irrecevables.
Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2020, Mme A... a présenté des observations sur ce moyen relevé d'office.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des douanes ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des transports ;
- le décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me C... substituant la SCP Poujade-Favel-Tribillac-Maynard, représentant Mme A..., et de Me G..., substituant la SCP Chichet-Henry-Pailles-Garidou-Renaudin, représentant la commune de Saint-Cyprien.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel du jugement du 21 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes n° 129 et n° 130 émis à son encontre le 2 mars 2017 par le maire de Saint-Cyprien portant avis de paiement des sommes de 212,40 euros et 2 419,20 euros pour le stationnement du navire dénommé Aurélie III sur le terre-plein du port de Saint-Cyprien.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-1 du même code : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". L'article L. 2125-3 du code précité dispose que : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. "
3. Il résulte de ces dispositions, qu'une commune est fondée à réclamer à l'occupant sans titre de son domaine public, au titre de la période d'occupation irrégulière, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, elle doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public communal.
4. D'autre part, les articles L. 5114-1 et L. 5114-2 du code des transports disposent, respectivement, que : " Tout acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété (...) sur un navire francisé est, à peine de nullité, constaté par écrit. / L'acte comporte les mentions propres à l'identification des parties intéressées et du navire. " et que " Tous les navires francisés et tous les navires en construction sur le territoire de la République française doivent être inscrits sur un fichier tenu par l'autorité administrative ". En vertu des dispositions de l'article 93 du décret du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer, transférées à compter du 11 novembre 2011 à l'article 98 du même décret, et codifié aujourd'hui à l'article R. 5114-7 du code des transports, aucun acte constitutif, translatif ou extinctif de la propriété sur un navire francisé n'est opposable aux tiers avant son inscription sur la fiche matricule du navire. Aux termes des dispositions de l'article 88 du même décret, transférées à la même date à l'article 93 : " Les bureaux des douanes tiennent des fichiers d'inscription des navires ". Selon l'article 94 de ce décret dont les dispositions sont reprises à l'article R. 5114-5 du code des transports : " L'inscription est demandée par le bénéficiaire de la francisation ou le constructeur au bureau des douanes dans le ressort duquel se trouve le port d'attache ou le lieu de construction du bâtiment ". Enfin, selon l'article 231 du code des douanes dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) Tout acte de vente de navire ou de partie de navire (...) doit être présenté dans le délai d'un mois au service des douanes du port d'attache du navire, lequel annote en conséquence l'acte de francisation ".
5. Il résulte de ces dispositions que, pour être opposables aux tiers, les actes extinctifs de la propriété d'un navire tels ceux prononçant la résolution de sa vente, doivent être mentionnées sur les fiches matricules tenues par les bureaux des douanes pour les navires francisés soumis à l'obligation de déclaration en vertu de l'article 5 du décret du 27 octobre 1967. L'inscription doit être demandée par le bénéficiaire de la francisation dans le délai d'un mois au service des douanes du port d'attache du navire, soit en l'espèce par celui au profit duquel la résolution de la vente a été prononcée.
6. Il résulte de l'instruction qu'en juin 2000, Mme A... a vendu à M. B... un navire de type vedette Arcoa 765 dénommé Aurélie III. Toutefois, par un arrêt du 26 mai 2009, la cour d'appel de Montpellier a prononcé, à la demande de M. B..., la résolution de cette vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le maire de Saint-Cyprien a émis, le 2 mars 2017, deux titres exécutoires n° 129 et n° 130 d'un montant total de 2 631,60 euros à l'encontre de Mme A... en raison des frais de stationnement de ce navire dans la zone technique du port au cours des périodes du 1er mars 2015 au 31 décembre 2016 puis du 1er janvier au 28 février 2017. La commune de Saint-Cyprien, se prévalant de l'effet attaché à l'arrêt du 26 mai 2009 de la cour d'appel de Montpellier, a en effet estimé que Mme A... devait être regardée, en sa qualité de propriétaire du navire Aurélie III, comme l'occupante sans titre du terre-plein domanial. Toutefois, la requérante produit l'acte de francisation de ce navire qui mentionne que M. B... en est toujours le propriétaire. Par suite, en l'absence de l'accomplissement des formalités de publicité de l'acte de mutation de propriété résultant de la résolution de la vente prononcée par la cour d'appel de Montpellier, à la diligence de M. B..., Mme A... ne peut être considérée à l'égard des tiers et donc de la commune de Saint-Cyprien comme étant la propriétaire du navire Aurélie III et redevable de ce fait des frais de stationnement de ce dernier. Elle ne peut davantage être regardée comme en étant la gardienne en l'absence de tout élément permettant de considérer qu'elle en aurait repris possession. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la commune de Saint-Cyprien était fondée à réclamer à Mme A..., en sa qualité de propriétaire du navire, une indemnité compensant les revenus qu'elle aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des titres de recettes n° 129 et n° 130 émis le 2 mars 2017 par la commune de Saint-Cyprien.
8. Les conclusions présentées à titre subsidiaire tendant à la décharge de la somme de 2 631,60 euros mise à la charge de Mme A... par les titres de recettes contestés n'ont pas été présentées par la requérante devant le tribunal administratif de Montpellier. Elles sont donc nouvelles en appel et partant, irrecevables.
Sur les frais liés au litige :
9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Cyprien la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 21 février 2019 et les titres de recettes n° 129 et n° 130 émis le 2 mars 2017 par la commune de Saint-Cyprien sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La commune de Saint-Cyprien versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... et à la commune de Saint-Cyprien.
Délibéré après l'audience du 21 février 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 mars 2020.
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N° 19MA01794
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