La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2020 | FRANCE | N°19MA00582

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 16 juin 2020, 19MA00582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603197 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à hauteu

r du dégrèvement prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande.

Proc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1603197 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2019, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2018 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés, outre les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement, insuffisamment motivé, est entaché d'irrégularité ;

- le tribunal a soulevé d'office un moyen en défense qui n'est pas d'ordre public et sans en informer les parties ;

- en outre, les premiers juges ont entaché le jugement d'une dénaturation des faits, d'une erreur de droit et d'une contradiction des motifs ;

- l'administration a manqué à ses obligations d'impartialité, de neutralité, d'objectivité et de loyauté ;

- les principes de sécurité juridique et de confiance légitime ont été méconnus ;

- la procédure d'opposition à contrôle fiscal n'est pas justifiée ;

- elle a été privée d'un débat oral et contradictoire ;

- l'irrégularité de la proposition de rectification du 4 février 2014 relative à l'année 2011 tenant à l'absence de visa du supérieur hiérarchique entraîne non seulement l'abandon de la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts mais également la décharge des droits en litige ;

- en outre, cette proposition de rectification, qui se substitue à celle du 13 décembre 2013 relative à l'année 2010, modifie la motivation et le montant des rectifications de cette année 2010 et n'indique pas les nouvelles conséquences financières en méconnaissance de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales ;

- le procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal en date du 23 octobre 2013 est irrégulier en ce qu'il a été notifié postérieurement à l'expiration du délai de trois mois visé à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ;

- l'exercice du droit de communication en décembre 2013 pour obtenir les relevés bancaires du compte professionnel pour les années 2010 et 2011 a eu pour effet soit d'engager une nouvelle vérification de comptabilité soit d'étendre la vérification de comptabilité au-delà du délai de trois mois ;

- la méthode d'évaluation des recettes et des charges n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., qui exerce la profession d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 à l'issue de laquelle l'administration a mis en oeuvre la procédure d'imposition d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales en cas d'opposition à contrôle fiscal. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et des pénalités correspondantes. Elle relève appel du jugement du 7 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement prononcé en cours d'instance et a rejeté le surplus de la demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il résulte des motifs du point 8 du jugement que le tribunal administratif a exposé les motifs pour lesquels l'irrégularité de la proposition de rectification du 4 février 2014 relative à l'année 2011 tenant à l'absence de visa du supérieur hiérarchique n'affectait que la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts et non pas l'imposition en principal. En outre, Mme C... n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à l'argumentation de l'administration fiscale. Ainsi, les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments développés par la requérante au soutien de ses moyens, ont suffisamment motivé leur jugement.

4. En deuxième lieu, Mme C... a reproché à l'administration fiscale d'avoir méconnu l'article L. 48 du livre des procédures fiscales en s'abstenant d'indiquer dans la proposition de rectification du 4 février 2014 relative à l'année 2011, qui se serait substituée à celle du 13 décembre 2013 relative à l'année 2010, les nouvelles conséquences financières relatives à cette année 2010. Aux termes du jugement attaqué, en relevant que le moyen était dénué de toute portée dès lors qu'en vertu des dispositions combinées de l'alinéa 2 de l'article L. 67, de l'article L. 74 et du dernier alinéa de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, l'administration n'était pas tenue d'effectuer ces propositions de rectification, les premiers juges n'ont pas soulevé d'office un moyen qui serait d'ordre public, mais ont seulement rempli leur office, en vérifiant, au vu des pièces du dossier, pour examiner le moyen dont ils étaient saisis, si l'article L. 48 du livre des procédures fiscales avait été méconnu. Mme C... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le tribunal a irrégulièrement soulevé d'office un moyen de défense.

5. En dernier lieu, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit et de ce que le jugement serait entaché d'une dénaturation des faits et d'une contradiction de motifs ont trait au bien-fondé du jugement sont sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable aux années en litige : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. (...) ".

7. Mme C... reprend le moyen soutenu en première instance, tiré de ce que la procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales serait irrégulière, sans apporter d'élément nouveau au soutien de ce moyen. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 67 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur : " La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...). / Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure (...) si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable (...) " et selon l'article L. 76 du même livre, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) Les dispositions du présent article ne sont pas applicables dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 67 ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office.

9. Dès lors qu'a été régulièrement mise en oeuvre à son encontre la procédure d'évaluation de ses bases d'imposition prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, Mme C... ne peut utilement se prévaloir de ce qu'elle aurait été privée d'avoir avec le vérificateur un débat oral et contradictoire, de ce que l'administration aurait méconnu les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales relatif au délai maximal de trois mois prévu pour une vérification sur place de la comptabilité, de ce que l'exercice du droit de communication en décembre 2013 pour obtenir les relevés bancaires du compte professionnel relatifs aux années 2010 et 2011 a eu pour effet soit d'engager une nouvelle vérification de comptabilité soit d'étendre la vérification de comptabilité au-delà du délai de trois mois. Ces moyens sont sans influence sur la régularité de la procédure à l'issue de laquelle ont été établies les impositions litigieuses.

10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait manqué à ses obligations d'impartialité, de neutralité, d'objectivité et de loyauté. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces principes doit donc être écarté.

11. En quatrième lieu, le principe de confiance légitime qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par ce droit. Le moyen tiré de sa méconnaissance est donc inopérant en l'espèce, les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales n'ayant pas été prises pour la mise en oeuvre du droit de l'Union.

12. En cinquième lieu, Mme C..., en invoquant le principe de sécurité juridique, a entendu se prévaloir d'une méconnaissance des objectifs constitutionnels de clarté et d'intelligibilité de la norme, qui constituent une composante de ce principe. Toutefois, les dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ne sont ni équivoques ni insuffisamment précises. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à invoquer une méconnaissance du principe de sécurité juridique.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 80 E du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " La décision d'appliquer les majorations et amendes prévues aux articles 1729, 1732 et 1735 ter du code général des impôts est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret qui vise à cet effet le document comportant la motivation des pénalités. ". Contrairement à ce qui est soutenu, l'irrégularité de la proposition de rectification du 4 février 2014 relative à l'année 2011 tenant à l'absence de visa du supérieur hiérarchique n'entache pas d'irrégularité la procédure d'imposition et n'affecte que la majoration de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts et non pas l'imposition en principal. En outre, il résulte de l'instruction que dans la décision d'admission partielle de la réclamation du 4 mai 2016, l'administration n'a pas maintenu la pénalité de 100 % prévue à l'article 1732 du code général des impôts dont les rehaussements au titre de l'année 2011 étaient été assortis.

14. En septième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à Mme C... une première proposition de rectification interruptive de prescription au titre des revenus de l'année 2010, datée du 13 décembre 2013. L'administration fiscale, par une seconde proposition de rectification datée du 4 février 2014, a évalué d'office les bénéfices non commerciaux au titre de l'année 2011. Cette seconde proposition de rectification n'a pas modifié le bénéfice non commercial imposable notifié dans la proposition de rectification du 13 décembre 2013. En conséquence, l'administration n'avait pas à présenter, dans la seconde proposition de rectification, les " nouvelles conséquences financières " concernant l'année 2010.

15. Enfin, Mme C... ne peut utilement invoquer les doctrines référencées BOI-CF-INF-40-20 n° 10, BOI-CF-IOR-10-20 n° 220, BOI-CF-INF-30-20 n° 1, BOI-CF-PGR-20-30 n° 50, BOI-CF-COM-10-10-10 n° 150, dès lors que ces instructions, au demeurant postérieures aux années d'imposition en litige, sont relatives à la procédure d'imposition.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

16. Aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". Aux termes de l'article R. 193-1 du même livre : " Dans le cas prévu à l'article L. 193 le contribuable peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition mise à sa charge en démontrant son caractère exagéré. ". Ainsi qu'il a été dit précédemment les impositions litigieuses ont été établies à l'issue d'une procédure d'imposition d'office. Par suite, la charge de la preuve de l'exagération desdites impositions incombe à l'appelante.

17. Si Mme C... soutient devant la Cour que la reconstitution de ses bénéfices non commerciaux et de sa taxe sur la valeur ajoutée exigible à laquelle s'est livrée l'administration ne correspond pas à la réalité de son activité, en ce que notamment le service a minimisé les charges effectivement supportées, elle n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément de nature à permettre d'en vérifier l'exactitude. Par suite, elle n'établit pas le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste.

En ce qui la majoration prévue à l'article 1732 du code général des impôts :

18. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat / (...) ".

19. La proposition de rectification du 13 décembre 2013, relative à l'année 2010, précise qu'il est fait application des dispositions de l'article 1732 du code général des impôts qui résultent de la mise en oeuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales. Cette procédure, régulièrement appliquée, est décrite en pages 3 à 7 de cette même proposition de rectification. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la majoration de 100 %, qui a assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, serait insuffisamment motivée.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions, au demeurant non chiffrées, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que celles à fin de remboursement des dépens doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :

- M. Antonetti, président,

- M. Barthez, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

2

N° 19MA00582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00582
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-02-04 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Contrôle fiscal. Vérification de comptabilité. Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. ANTONETTI
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme BOYER
Avocat(s) : CABINET PATRICK HERROU

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-06-16;19ma00582 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award