Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1701234 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme totale de 1 758 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 février 2019, le 20 août 2019 et le 25 octobre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2018 du tribunal administratif de Bastia en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités restant en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement, insuffisamment motivé, est irrégulier ;
- la proposition de rectification méconnaît les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales et la doctrine administrative BOI-CF-IOR-10-40 n° 220, dès lors que les prélèvements sociaux et le mode de calcul de la plus-value n'ont pas fait l'objet d'une motivation spécifique ;
- c'est à tort que l'administration a minoré le prix de revient des titres cédés ;
- la décharge des droits entraînera celle des pénalités correspondantes.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 mai 2019, le 17 septembre 2019 et le 14 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme Boyer, rapporteur public,
- et les observations de Me C... représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Le 22 octobre 2013, M. D... a cédé à la société Les glacières d'Ajaccio les 1 871 actions qu'il détenait dans son capital, pour un montant de 445 298 euros. A la suite d'une mise en demeure de l'administration, M. D... a déposé, le 5 mai 2015, une déclaration de moins-value de 103 518 euros en retenant une valeur d'acquisition des titres de 548 816 euros. Par une proposition de rectification du 18 décembre 2015, l'administration, selon la procédure de rectification contradictoire, a informé M. D... qu'elle envisageait de remettre en cause cette déclaration de moins-value et d'assujettir à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux une plus-value de 56 130 euros. M. D... a saisi le tribunal administratif de Bastia d'une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été ainsi assujetti au titre de l'année 2013. Il relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Bastia a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la somme totale de 1 758 euros et a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments développés par le requérant au soutien de ses moyens, ont répondu de manière suffisante, au point 4 du jugement, au moyen tiré de l'insuffisante motivation de la proposition de rectification. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".
4. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 18 décembre 2015 adressée à M. D... expose clairement les modalités de calcul de la plus-value imposable et mentionne le montant de la cession des titres ainsi que le montant de leur acquisition en retenant comme prix d'acquisition une valeur unitaire de 38 euros. Par ailleurs, elle mentionne que les droits dus sont augmentés des prélèvements sociaux constitués par la contribution sociale généralisée au taux de 8,2 %, la contribution pour le remboursement de la dette sociale au taux de 0,5 %, le prélèvement social au taux de 4,5 %, le prélèvement de solidarité au taux de 2 % et la contribution additionnelle " solidarité autonomie " au taux de 0,3 %. L'administration n'est pas tenue en ce qui concerne ces impositions, de mentionner à nouveau les motifs du rehaussement déjà indiqués pour l'impôt sur le revenu mais pouvait se limiter à l'indication de leur montant. Par suite, le moyen tiré de ce que, faute de motivation spécifique, M. D... n'aurait pas été en mesure de présenter utilement des observations relatives aux prélèvements sociaux et aux modalités de calcul de la plus-value doit être écarté.
5. D'autre part, M. D... ne saurait se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-40 dès lors que, relative à la procédure d'imposition, elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa version applicable au présent litige : " I. 1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code, dans sa version applicable au présent litige : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au contribuable d'apporter, par tous moyens, la preuve de la valeur vénale, au jour de leur acquisition, des titres ou droits sociaux faisant l'objet de la cession. La valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur des autres titres de la société telle qu'elle ressort des transactions portant, à la même époque, sur ces titres dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance.
7. Il résulte de l'instruction que le 7 août 2000, M. A... di Borgo, qui avait contracté une dette envers M. D... qu'il n'a pas été à même de rembourser, a transféré la propriété de 1 871 titres de la société Les glacières d'Ajaccio à ce dernier. Le 22 octobre 2013, la société Les glacières d'Ajaccio a procédé au rachat des 1 871 titres que M. D... détenait dans son capital, pour un montant de 445 298 euros, soit un prix unitaire de 238 euros. A la suite d'une mise en demeure de l'administration, le requérant a déposé une déclaration de moins-value de 103 518 euros en retenant une valeur d'acquisition unitaire des titres de 293 euros, soit un montant total de 548 816 euros. Si M. D... produit une reconnaissance de dette du 7 juin 1995 de M. F... d'un montant de 3,6 millions de francs soit 548 816 euros, le registre des mouvements de titres de la société Les glacières d'Ajaccio sur lequel apparaît le transfert, à la date du 7 août 2000, de 1 871 titres à son bénéfice et un rapport d'expertise comptable qui, en novembre 2001, a estimé que la valeur unitaire des 1 165 actions de la société Les glacières d'Ajaccio données en gage au Crédit Agricole était de 1 881 francs, soit 286,76 euros, ces éléments ne permettent pas d'établir la valeur d'acquisition des titres, en août 2000, telle qu'alléguée par l'intéressé. Toutefois, il résulte du rapport d'expertise comptable, établi à une date proche de celle du transfert des titres, que pour déterminer la valeur unitaire des actions, l'expert a appliqué deux méthodes d'évaluation, celle de l'actif net comptable corrigé (ou valeur mathématique) et celle de la " recherche du bénéfice ". Il n'est pas contesté que ces méthodes sont recommandées par le guide " L'évaluation des entreprises et des titres de sociétés " publié par la direction générale des finances publiques. L'expert a appliqué in fine un abattement de 5 à 10 % pour tenir compte de " la conjoncture actuelle, de l'étroitesse du marché des titres dans les sociétés fermées de ce genre, de la situation minoritaire de l'associé pour lequel les cessions représentent 13 % seulement du capital social (aucun pouvoir de décision) ". L'évaluation des 1 165 actions de la société Les glacières d'Ajaccio données en gage par M. et Mme A... di Borgo au Crédit agricole peut être considérée comme un élément de comparaison pertinent, alors même que le transfert consenti au profit de M. D..., qui avait également la qualité d'actionnaire minoritaire, portait sur 1 871 actions, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation économique de la société en novembre 2001 n'était pas comparable à celle dudit transfert en août 2000. M. D... doit donc être regardé comme apportant la preuve qui lui incombe, de la valeur vénale des actions qui lui ont été transférées en août 2000 pour un montant unitaire de 286,76 euros, soit un montant total de 536 528 euros. Par suite, il est fondé à soutenir que c'est à tort que pour le calcul de la plus-value de cession des titres en litige, l'administration a retenu une valeur unitaire de 38 euros.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia ne lui a pas accordé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes à concurrence de la prise en compte d'une valeur d'acquisition des titres de 536 528 euros.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : M. D... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes à concurrence de la prise en compte d'une valeur d'acquisition des titres de 536 528 euros.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 20 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, où siégeaient :
- M. Antonetti, président,
- M. Barthez, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
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N° 19MA00714