Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, d'une part, de prescrire une expertise médicale aux fins d'évaluer l'étendue des préjudices qu'il a subis, à la suite de l'accident dont il a été victime, le 10 janvier 2017, rue du Capitaine Dessemond à Marseille et, d'autre part, de condamner la société SADE à lui verser une provision de 10 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive.
Par une ordonnance n° 1810870 du 23 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné l'expertise demandée et condamné la société SADE à lui verser une provision de 2 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2020, la société SADE Compagnie générale de travaux d'hydrauliques, représentée par la SCP de Angelis et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 23 mars 2020 en tant qu'elle la condamne au paiement d'une provision de 2 000 euros ainsi qu'au versement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qu'elle rejette ses conclusions à fin d'appel en garantie dirigées à l'encontre de la Société des Eaux de Marseille Métropole (SEMM) et qu'elle n'a pas étendu les opérations d'expertise à cette dernière ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de provision présentée par M. B..., à titre subsidiaire, de condamner la SEMM à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et d'étendre la mesure d'expertise à cette dernière ;
3°) de mettre à la charge de tous contestants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que l'ordonnance est irrégulière dès lors que le juge des référés a omis de répondre à l'un de ses moyens tenant à la faute d'inattention de la victime requérante ; qu'en l'état de cette faute d'inattention, son obligation est sérieusement contestable ; que le juge des référés a commis une erreur dans l'appréciation des faits en considérant que le trou sur la chaussée était, par son ampleur, de nature à caractériser un défaut d'entretien normal de l'ouvrage ; que le juge administratif est compétent pour connaître de l'appel en garantie qu'elle a dirigé contre la SEMM, concessionnaire du service public de la gestion de l'eau, dès lors que le contrat qui les lie est un contrat administratif qui portait sur des travaux publics ; qu'elle est fondée à demander la condamnation de la SEMM à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, les travaux qu'elle a effectués ayant fait l'objet d'une réception définitive sans réserve ; que le juge des référés a commis une erreur de droit en refusant la mise de cause de la SEMM, dans le cadre de l'expertise, dès lors que les travaux, objets du litige, se rattache à la compétence du juge administratif et que le juge des référés peut mettre en cause une personne qui n'est intervenue qu'en exécution d'un contrat de droit privé ; qu'il est utile que la SEMM participe aux opérations d'expertise dès lors que M. B... comme elle-même disposent d'un recours à son encontre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 mai 2020, la Société des Eaux de Marseille Métropole (SEMM), représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre le rejet des conclusions à fin d'appel en garantie présentées par la société SADE, comme portées devant une juridiction incompétente, et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la société SADE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, à titre principal, que le contrat qui la lie à la société SADE est un contrat de droit privé et qu'il ne constitue pas l'accessoire d'un contrat de droit public, quand bien même il porterait sur des travaux publics ; qu'à titre subsidiaire, la société SADE ne précise pas sur quel fondement sa responsabilité pourrait être engagée à son égard ; qu'à titre infiniment subsidiaire, aucun élément ne permet non plus de considérer que sa responsabilité est engagée vis-à -vis de M. B.... Elle ne s'oppose pas à ce que l'expertise soit réalisée à son contradictoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, M. C... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre la condamnation de la SADE à lui verser une provision, s'en rapporte à la justice sur le surplus des conclusions de la société SADE et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société SADE, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la responsabilité de la société SADE au titre du défaut d'entretien de l'ouvrage public ainsi que les préjudices qu'il a subis ne peuvent faire l'objet d'aucune contestation sérieuse ; qu'il était impossible pour un usager normalement prudent d'anticiper l'excavation liée au changement de niveau des revêtements dès lors qu'elle se situait à la sortie d'un virage et n'était pas signalée par un panneau, et qu'ainsi aucune cause exonératoire ne pourra être retenue à son encontre ; que le quantum de la provision ne saurait souffrir aucune contestation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions de la société SADE tendant à ce que l'expertise soit étendue à la SEMM :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, sur simple requête (...) prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est compétent pour statuer sur les appels formés contre les décisions rendues par le juge des référés.
2. Par l'ordonnance attaquée du 23 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. B..., prescrit une expertise médicale aux fins d'évaluer les préjudices qu'il a subis, à la suite de l'accident de scooter dont il a été victime, le 10 janvier 2017, alors qu'il circulait rue du Capitaine Dessemond à Marseille (7ème arrdt), sur une zone de travaux réalisés par la société SADE, dans le cadre d'une convention de prestations de travaux d'entretien et travaux urgents sur les réseaux du service public de l'eau, conclue avec la Société des Eaux de Marseille Métropole (SEMM). Le juge des référés a ordonné que cette expertise soit réalisée au contradictoire de M. B..., de la société SADE et de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes. La société SADE demande que cette expertise soit étendue à la SEMM.
3. Peuvent être appelées en qualité de parties à une expertise ordonnée sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, les personnes qui ne sont pas manifestement étrangères au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise.
4. En sa qualité de titulaire de la délégation de service public pour le compte duquel les travaux publics mis en cause par M. B... ont été réalisés, la SEMM ne peut être regardée comme manifestement étrangère au litige susceptible d'être engagé pour la réparation des dommages qui seraient consécutifs à ces travaux. Elle ne s'oppose pas, du reste, à ce que les opérations d'expertise lui soient étendues. Dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la société SADE, à cet effet.
Sur les conclusions de la société SADE relatives à sa condamnation au versement d'une provision :
5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". En vertu de l'article L. 555-1 du même code, le président de la cour administrative d'appel est également compétent pour statuer sur les appels formés contre ces décisions.
En ce qui concerne la régularité de l'ordonnance :
6. Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande de provision présentée par M. B..., dans la limite de la somme de 2 000 euros, en retenant que son accident avait été provoqué par un " gros nid de poule ", excavation apparue à la suite de l'intervention sur la chaussée de la société SADE qui, après avoir procédé à la réparation d'une fuite d'eau, avait opéré " un colmatage de fortune ". Le juge des référés a ainsi estimé que la société SADE ne justifiait pas l'entretien normal de cette chaussée et que l'obligation dont se prévalait M. B... présentait, dans la limite précédemment indiquée, un caractère non sérieusement contestable, au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative. Si la société SADE avait fait valoir que " la prétendue excavation était parfaitement évitable et non dangereuse pour un usager normalement attentif ", elle n'avait pas explicitement invoqué une faute de la victime. Ainsi, en ne répondant pas expressément à cet argument alors qu'il avait constaté le caractère dangereux de l'état de la chaussée, le juge des référés n'a pas insuffisamment motivé son ordonnance, dans des conditions de nature à mettre en cause sa régularité.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'ordonnance :
7. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que le scooter de M. B... a, le 10 janvier 2017, entre 10h30 et 11h, dérapé sur une défectuosité de la chaussée, résultant d'un ré-asphaltage rudimentaire d'une superficie de l'ordre d'un m², à la suite d'une intervention de la société SADE pour la réparation d'une fuite d'eau. Il est constant que cette défectuosité ne faisait l'objet d'aucune signalisation. Quand bien même l'excavation de la chaussée ne présentait pas une profondeur importante, la société SADE ne justifie pas ainsi de l'entretien normal d'une voie de circulation en milieu urbain.
8. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction, alors que l'accident s'est produit en présence d'agents des forces de l'ordre qui assuraient sur les lieux une mission de maintien de l'ordre, que M. B... ait été en excès de vitesse ou ait eu une conduite inappropriée. Si la société SADE soutient que le requérant a, à tout le moins, commis une faute d'inattention, la localisation de cette excavation, dans un virage, et son emplacement sur la chaussée rendaient très malaisé son évitement.
9. Il résulte de ce qui précède que la société SADE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a estimé que l'accident dont a été victime M. B... engageait sa responsabilité, sur le fondement d'un dommage de travaux publics, et que ce dernier pouvait, en conséquence, se prévaloir à son égard de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable, au sens des dispositions précitées de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au moins à hauteur de la somme de 2 000 euros. La société SADE n'est, par suite, pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du 23 mars 2020 en tant que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille l'a condamné à verser à M. B... une provision de 2 000 euros.
Sur les conclusions de la société SADE relatives au rejet de son appel en garantie à l'encontre de la SEMM :
10. Si, ainsi que cela a été rappelé aux points précédents, l'accident dont M. B... a été victime constitue un dommage de travaux publics et relève, à ce titre, de la compétence des juridictions administratives, il n'en reste pas moins que le contrat conclu entre la SEMM, société de droit de privé, et la SADE est un contrat de droit privé, ainsi, du reste, qu'en témoigne la clause d'attribution de compétence en faveur du tribunal de commerce de Marseille prévue à son article 23. La circonstance que la SEMM est délégataire de l'exploitation du service public d'eau potable des communes appartenant à la Métropole Aix Marseille Provence est sans influence sur la qualification de ce contrat, dès lors qu'elle ne peut notamment être regardée comme l'ayant conclu en qualité de mandataire de la métropole, au nom et pour son compte. Dans ces conditions, le litige qui oppose la SADE à la SEMM sur les conditions dans lesquelles elle pourrait être garantie par cette dernière des condamnations prononcées à son encontre ne relèvent pas de la compétence de la juridiction administrative.
11. Il résulte de ce qui précède que la société SADE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le juge des référés a rejeté ses conclusions à fin d'appel en garantie de la SEMM, comme portées devant une juridiction incompétente.
Sur les conclusions relatives aux frais des instances :
12. La société SADE qui était partie perdante en première instance n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée du 23 mars 2020 en tant que le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a mis à sa charge une somme de 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
13. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... et de la SEMM qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.
14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société SADE une somme de 1 000 euros à verser à M. B..., au titre de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, en revanche, de mettre à sa charge la somme demandée par la SEMM.
O R D O N N E :
Article 1er : L'article 3 de l'ordonnance n° 1810870 du 23 mars 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est ainsi réformé : " L'expertise sera réalisée au contradictoire de M. B..., de la société SADE, de la SEMM et de la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes ".
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SADE est rejeté.
Article 4 : La société SADE versera à M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la SEMM présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SADE Compagnie générale de travaux d'hydrauliques, à M. C... B..., à la Société des Eaux de Marseille Métropole (SEMM) et au docteur Bernard Marandat, expert.
Fait à Marseille, le 7 juillet 2020
N° 20MA017372
LH