Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Sazia a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler la décision du 7 juin 2016 du directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes en tant qu'il a refusé de faire doit à l'intégralité de sa demande tendant au maintien sur le domaine public maritime de différentes installations qu'elle avait été autorisée à y édifier par une autorisation d'occupation temporaire arrivée à échéance et par laquelle il a subordonné le renouvellement de cette autorisation à la démolition d'une jetée circulaire, d'une contre-jetée et d'un quai de forme irrégulière, ainsi que la décision du 16 septembre 2016 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande d'autorisation.
Par un jugement n° 1604770 du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2019, la SCI Sazia, représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 avril 2019 ;
2°) d'annuler les décisions du 7 juin 2016 et du 16 septembre 2016 du directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de renouvellement d'autorisation d'occupation du domaine public maritime ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'elle a subi un préjudice financier du fait des décisions en litige ;
- en l'absence d'une délimitation préalable du domaine public maritime l'administration ne pouvait pas lui demander de procéder à la démolition des différentes installations qui y avaient été édifiées ;
- en l'absence d'une telle délimitation, il ne peut être soutenu que ces installations sont situées sur le domaine public maritime et elle est fondée à revendiquer la propriété des ouvrages édifiés sur sa propriété ;
- elle a dû réaliser d'importants travaux pour obtenir le renouvellement de la précédente autorisation ;
- l'administration ne pouvait assortir sa décision de la menace d'une contravention de grande voirie, l'action publique étant prescrite ;
- la démolition des ouvrages est subordonnée à l'obtention d'un permis de démolir dont la durée d'instruction est incompatible avec le délai de quatre mois que lui a donné l'administration pour y procéder.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2020, la ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- le moyen tiré de la prescription de l'action publique est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par la SCI Sazia ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Sazia a été autorisée par un arrêté préfectoral du 3 février 2012, portant autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime, à y maintenir sur une emprise totale de 161,57 m², jusqu'au 31 décembre 2015, différents ouvrages situés au droit de la voie piétonnière Maurice Rouvier à Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes), reliés par un passage situé sous cette voie à la propriété " Villa Sazia " sise 22, boulevard Dominique Durandy. Par un courrier du 10 décembre 2015, la SCI Sazia a sollicité le renouvellement de son autorisation. Par une décision du 7 juin 2016, confirmée sur recours gracieux le 16 septembre 2016, le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes a donné son accord au renouvellement sollicité pour le plan incliné permettant l'accès à la propriété, construit sous la voie piétonne d'une surface de 18,92 m², pour une petite partie, d'une surface de 2,71 m², de l'ancien garage à bateaux et pour trois volées d'escalier avec palier correspondant à une surface de 16 m². En revanche, il a refusé de renouveler l'autorisation en tant qu'elle portait sur une jetée circulaire en maçonnerie terminée par un musoir, d'une surface de 108,58 m², sur une contre jetée d'une surface de 7,22 m² et sur un quai de forme irrégulière d'une surface de 8,57 m². Il a également demandé à cette occasion à la SCI de procéder dans un délai de quatre mois à la démolition des installations non autorisées et à la remise en leur état naturel des lieux. La SCI Sazia relève appel du jugement du 9 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions des 7 juin et 16 septembre 2016 en tant qu'elles ne faisaient pas droit à l'intégralité de sa demande.
2. Le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre au moyen tiré de ce qu'elle avait subi un préjudice financier du fait des décisions en litige, qui était inopérant à l'appui de conclusions d'excès de pouvoir tendant seulement à l'annulation de ces décisions. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation du jugement ne peut qu'être écarté.
3. Pour refuser de faire droit à la demande de la SCI Sazia, le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes s'est fondé sur le motif non contesté que les ouvrages dont le maintien n'était plus autorisé sur le domaine public maritime impactaient de façon négative le paysage du littoral de la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat qui devait conserver son aspect naturel et que leur maintien s'opposait à l'objectif d'intérêt général de protection et de mise en valeur du site.
4. D'une part, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ". En vertu de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous " et aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2111-5 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les limites du rivage sont constatées par l'Etat en fonction des observations opérées sur les lieux à délimiter ou des informations fournies par des procédés scientifiques. (...). L'acte administratif portant délimitation du rivage est publié et notifié aux riverains. (...). ".. En vertu de l'article R. 121-1 du code de l'urbanisme : " En l'absence d'acte administratif de délimitation, tout propriétaire riverain peut demander au préfet qu'il soit procédé à la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété. Il en est de même dans le cas où, depuis une délimitation antérieure, des phénomènes naturels non liés à des perturbations météorologiques exceptionnelles ont eu pour effet de modifier le niveau des plus hautes eaux ".
6. Ni ces dispositions, ni aucune règle ni aucun principe ne font obligation à l'administration de procéder à la délimitation du rivage de la mer avant d'inviter un propriétaire riverain du domaine public maritime à procéder à la démolition des installations qu'il y a édifiées ou maintenues en l'absence d'un titre l'y habilitant. Dans une telle circonstance, il appartient seulement à l'administration, sous le contrôle du juge, de s'assurer que les installations en cause sont bien implantées sur le domaine public maritime.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que si l'administration n'a pas procédé à la délimitation du rivage de la mer au droit de la propriété de la SCI Sazia avant de l'inviter à démolir les installations qu'elle avait édifiées sur le domaine public maritime, cette circonstance et sans incidence sur la légalité des décisions en litige. Si dans son recours gracieux du 22 juillet 2016 dirigé contre la décision du 7 juin 2016 du directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes, la SCI a sollicité qu'il soit procédé à une telle délimitation, la suite réservée à cette demande par l'administration est étrangère au présent litige. La requérante ne saurait, dès lors, utilement invoquer cette demande ou son rejet éventuel à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'invitant à procéder à la démolition de ses installations.
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites par le préfet des Alpes-Maritimes en première instance que la jetée circulaire en maçonnerie et la contre jetée, toutes deux encerclées par la mer, sont érigées dans leur totalité sur le rivage et le sol de la mer territoriale. Il ressort également de ces mêmes photographies que le quai, d'une surface de 8,57 m², permettant de relier un escalier et la cale de halage à la contre jetée, recouvert de posidonies, est situé dans sa totalité sur une parcelle atteinte par le plus haut flot et donc sur le rivage de la mer. A supposer même que le quai serait, en tout ou partie, implanté sur la parcelle cadastrée section AA n° 126, propriété de la SCI Sazia, cette circonstance est sans incidence sur les limites du domaine public maritime qui ne résultent que de phénomènes naturels. Ainsi, ces différents ouvrages sont implantés sur le domaine public maritime, comme d'ailleurs le mentionnait l'autorisation d'occupation temporaire dont bénéficiait la SCI Sazia. Celle-ci étant arrivée à échéance le 31 décembre 2015, la SCI était à compter de cette date occupante sans titre de ce domaine. La circonstance que les ouvrages en litige auraient été légalement édifiés par les anciens propriétaires de la " Villa Sazia " est sans incidence sur cette situation et n'a pu, en tout état de cause, conférer à la requérante un quelconque droit réel sur des dépendances du domaine public maritime. Est enfin inopérante la circonstance que l'administration lui a, en 2009, demandé de procéder à ses frais, à la démolition du garage à bateau et à la reconstitution d'un mur. Il s'en suit que le directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes était légalement fondé à demander à la SCI Sazia de procéder à l'enlèvement de ces ouvrages irrégulièrement implantés sur le domaine public maritime.
9. Si la société a été invitée à procéder à la démolition de ces différentes installations sous peine d'être déférée devant le tribunal administratif comme prévenue d'une contravention de grande voirie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un procès-verbal aurait été dressé par les services compétents à raison du maintien sans autorisation de ces différents ouvrages sur le domaine public maritime, ni que des poursuites auraient été engagées à ce titre à son encontre. Par suite, le moyen tiré de ce que l'action publique serait prescrite est, en tout état de cause, inopérant.
10. Il est constant que les ouvrages en litige sont situés dans un site inscrit en application de la loi du 2 mai 1930. En vertu du d) de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme, les travaux de démolition qu'implique la mise en demeure contestée doivent être précédés d'un permis de démolir. En application de l'article R. 423-24 du même code, le délai d'instruction de la demande est dans ce cas de trois mois et, conformément à l'article R. 425-30 de ce code, les travaux ne peuvent être entrepris avant l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du dépôt de la demande. Si l'autorité gestionnaire du domaine public maritime pouvait légalement exiger la démolition des ouvrages irrégulièrement implantés sans attendre la délivrance d'un permis de démolir à leur propriétaire, elle ne pouvait en revanche fixer un délai pour la réalisation des travaux incompatible, à la date de sa décision, avec les dispositions réglementaires applicables du code de l'urbanisme. Ainsi, la société requérante est fondée à soutenir que le délai de quatre mois fixé par la mise en demeure du 7 juin 2016 était insuffisant au regard des exigences de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme. Les décisions contestées sont, dès lors, entachées d'illégalité en tant qu'elles imposent un délai d'exécution de quatre mois et doivent être annulées dans cette mesure.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Sazia est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 7 juin et 16 septembre 2016 en tant qu'elles fixent un délai d'exécution qui n'est pas supérieur à quatre mois.
12. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de la SCI Sazia tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa demande de renouvellement d'autorisation d'occupation du domaine public maritime ne peuvent qu'être rejetées.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la SCI Sazia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions du directeur départemental des territoires et de la mer des Alpes-Maritimes des 7 juin et 16 septembre 2016 sont annulées en tant seulement qu'elles fixent un délai d'exécution qui n'est pas supérieur à quatre mois.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 9 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Sazia et à la ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 juillet 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 19MA02691
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