Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 27 octobre 2014 par lequel le maire de Nice s'est opposé à sa déclaration préalable pour la création d'une plateforme engazonnée avec remblais et la décision du 16 décembre 2014 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n°1500605 du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 février 2018, le 2 mai 2019 et le 19 juin 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 7 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité ainsi que la décision du maire de Nice du 16 décembre 2014 rejetant son recours gracieux ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Nice d'édicter un arrêté de non-opposition à déclaration préalable pour les travaux en cause ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le projet ne porte pas atteinte aux caractéristiques des lieux, alors même qu'il se situe dans un jardin d'intérêt majeur ;
- le projet visait seulement à dégager visuellement l'entrée de sa propriété et non à réaliser de nouvelles places de stationnement ; il ne méconnait donc pas l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire en défense et un mémoire enregistrés le 29 mars 2019 et le 22 mai 2019, la commune de Nice conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. E... pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Giocanti, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. Le maire de Nice, par arrêté du 27 octobre 2014 s'est opposé à la déclaration préalable de M. D... pour la création d'une plate-forme engazonnée sur les parcelles cadastrées section HB n°s 84 et 122. Celui-ci relève appel du jugement du 7 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article UB 6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Nice relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " ...6.1 Dans les secteurs [...] UBc les bâtiments doivent s'implanter au droit ou en recul des marges de recul graphiques figurées en trait tireté vert lorsqu'elles existent [...] 6.3 : Dans les reculs induits peuvent être autorisés [...] - les aires de stationnement [.] à condition d'être en contre-haut des voies sans dépasser de 1 mètre le niveau du terrain naturel ou, en contre-bas des voies sans dépasser le niveau de la voie et sans excavation de plus de 1 mètre de profondeur ...".
3. Les premiers juges ont estimé qu'un stationnement devait en réalité être réalisé sur la plateforme pour laquelle l'autorisation attaquée était sollicitée, que ce projet méconnaissait les dispositions de l'article UB 6 précitées du règlement du plan local d'urbanisme et qu'un tel motif pouvait être substitué au motif de la décision de refus contestée et suffisait à la justifier légalement.
4. Toutefois, si le formulaire Cerfa mentionnait en effet de manière ambiguë dans la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions, en case 1.4, deux emplacements de stationnement créés, la création de deux places de stationnement ne ressort pas des autres pièces du dossier et notamment de la notice descriptive et des plans. Et ainsi que le relève le requérant, qui conteste que le projet vise à créer deux places de stationnement, la plateforme est surélevée et aucune rampe n'est prévue pour permettre l'accès de véhicules sur cette plateforme. Dans ces conditions, c'est à tort, en tout état de cause, que les premiers juges ont estimé qu'un tel motif était de nature à justifier la décision de refus attaquée.
5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... tant en première instance qu'en cause d'appel ;
6. Le maire de Nice fonde sa décision d'opposition sur le fait que la réalisation de la plate-forme avec remblai engazonnée ne serait pas compatible avec la conservation et la mise en valeur du jardin d'intérêt majeur institué sur le fondement de l'article 4 des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme.
En ce qui concerne l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme :
7. Le requérant excipe tout d'abord de l'illégalité du plan local d'urbanisme (PLU) de Nice qui a institué un " jardin d'intérêt majeur " (JIM) au motif, en premier lieu que l'article L. 123-1-5 7° du code de l'urbanisme sur le fondement duquel le JIM a été institué par le plan local d'urbanisme approuvé le 23 décembre 2010, modifié le 21 juin 2013, a été supprimé, en deuxième lieu, que l'article 4 des dispositions générales du PLU serait dépourvu de base légale car le JIM ne fait pas partie des rubriques prévues par l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme, en dernier lieu et tout état de cause que l'inclusion de sa parcelle dans un JIM serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
8. La juridiction compétente pour statuer sur l'exception tirée de l'illégalité d'un règlement peut être invitée à rechercher, non seulement si ce règlement a été légalement pris, mais s'il était resté légalement en vigueur à la date à laquelle il en a été fait application. Et la légalité du plan local d'urbanisme s'apprécie à la date de délivrance ou du refus de délivrance de l'autorisation d'urbanisme.
9. En premier lieu, l'article 4 des dispositions générales du PLU de la commune de Nice a instauré des " jardins d'intérêt majeurs " sur le fondement de l'article L. 123-1-5 7°du même code, alors en vigueur. Mais l'article L. 123-1-5 III 2° du code de l'urbanisme, en vigueur à la date de la décision d'opposition attaquée reprend ces dispositions et prévoit: " III.- Le règlement peut, [...] 2° Identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les quartiers, îlots, immeubles, espaces publics, monuments, sites et secteurs à protéger, à mettre en valeur ou à requalifier pour des motifs d'ordre culturel, historique, architectural ou écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation... ". Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme qui lui a été appliqué serait devenu illégal en raison de la suppression de l'article L. 123-1-5 7° du code de l'urbanisme.
10. En deuxième lieu, l'article R. 123-9 du code de l'urbanisme énonce les éléments que le PLU " peut " contenir, qui ne sont pas limitatifs. Et le législateur a prévu, à l'article L. 123-1-5 7°, devenu L. 123-1-5 III 2° du code de l'urbanisme, que le règlement pouvait identifier des éléments paysagers à protéger. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'article 4 des dispositions générales du PLU serait dépourvu de base légale.
11. En troisième lieu, l'article 4 des dispositions générales du plan local d'urbanisme de Nice définit les " jardins d'intérêt majeur " comme des " ...jardins publics ou privés présentant un patrimoine paysager caractérisé par un ordonnancement du tracé des jardins et un relais écologique potentiel dont la vocation est à maintenir et qui sont protégés à ce titre. ". S'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un ordonnancement du tracé des jardins, il ressort en revanche des pièces du dossier, et notamment des photographies, que la parcelle d'assiette du projet s'intègre dans un ensemble plus vaste qui constitue un véritable " poumon vert " en plein coeur du quartier de Cimiez, et peut être regardé comme un " relais écologique potentiel ". Par suite, c'est sans erreur manifeste d'appréciation que les auteurs du PLU l'ont classé en JIM.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du PLU communal.
En ce qui concerne l'erreur d'appréciation du maire :
13. Il ressort de l'article 4 des dispositions générales du PLU communal que " Seuls sont autorisés dans les Jardins d'Intérêt Majeur, à condition qu'ils soient compatibles avec la conservation et la mise en valeur du jardin concerné et ne modifient pas les caractéristiques principales qui constituent le tracé du jardin:/ les aménagements dont le style et les matériaux s'intègrent parfaitement à l'existant et ne perturbent pas l'aspect esthétique de l'ensemble ; / l'implantation d'une piscine ou d'un bassin à condition que l'aspect esthétique d'ensemble et les caractéristiques principales qui constituent le tracé du jardin soient préservés./ Les canalisations ou ouvrages techniques ; / les voies d'accès si elles sont réduites au strict minimum, les rampes d'accès pour les personnes à mobilité réduite. Les édicules et ouvrages techniques (notamment les cabines techniques avec les appareils de mesure de la qualité de l'environnement) dont le style et les matériaux s'intègrent à l'existant et qui ne remettent pas en cause l'ordonnancement général du jardin les constructions et installations liées ou nécessaires au fonctionnement et à l'entretien des jardins (locaux de stockage du matériel et de l'outillage, vestiaires, serres,...) les structures légères liées à l'environnement et à la protection animale dans la limite de 10 m2 de surface de plancher "
14. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort des pièces du dossier que les travaux litigieux ont pour objet de créer une plateforme engazonnée d'une surface de 30 m² environ et d'un peu moins de 2 mètres de hauteur. Il s'agit, selon les termes de la notice explicative de la déclaration préalable de réaliser un " dégagement visuel " suite à la " réunion de deux domaines " pour " élargir visuellement l'entrée de cette villa étriquée, jusqu'à ce jour, par la limite de propriété ". La notice précise en outre qu'" il s'agit d'un léger mouvement de terrain afin de mieux organiser l'entrée dans une zone sans arbres et ne remettant pas en cause la flore du lieu. Il n'y a aucune coupe d'arbres, aucune dégradation du merveilleux parc [...] les murs de soutènement sont réalisés en pierre de pays comme tous les autres murs de la propriété ", et il est précisé que des jasmins de grande taille seront plantés au pied des murs. Le pétitionnaire a ainsi apporté un soin particulier à son projet. Et il n'apparaît pas que la plateforme, d'une superficie de seulement 30 m2 environ sur un terrain de 11 632 m2 au total porte atteinte à la conservation du jardin. Par suite, c'est à tort que le maire de Nice a estimé que le projet n'était pas compatible avec la conservation et la mise en valeur du jardin protégé.
En ce qui concerne la demande de substitution de motifs de la commune :
15. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
16. D'une part si la commune de Nice demande à la Cour de substituer le motif tiré de la méconnaissance de l'article UB 6.3 du règlement du plan local d'urbanisme cité au point 2, elle ne démontre pas que la construction projetée constitue un " bâtiment ", entrant comme tel dans le champ d'application des dispositions de l'article 6.1, auquel au demeurant l'article 6.3 ne fait que déroger. Par suite, un tel motif n'est pas de nature à justifier légalement la décision attaquée.
17. D'autre part, la commune de Nice demande à la Cour de substituer un autre motif en relevant que le dossier de déclaration préalable mentionnait la création de deux places de stationnement dans le formulaire Cerfa qui n'étaient pas représentées sur les plans, ce qui était de nature à induire en erreur le service instructeur.
18. L'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme.
19. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit au point 4, la notice descriptive et les plans suffisaient à lever l'ambiguïté liée à la mention du formulaire Cerfa dans la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions qui faisait état de la création de deux places de stationnement. Et en tout état de cause, il était loisible à l'administration de demander un éclaircissement au pétitionnaire. Par suite, un tel motif n'est pas davantage de nature à justifier la décision attaquée.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions en injonction :
21. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public [...] prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution... ". Lorsque le juge annule une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle. L'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol délivrée dans ces conditions peut être contestée par les tiers sans qu'ils puissent se voir opposer les termes du jugement ou de l'arrêt.
22. Aucun des motifs énoncés par le maire de Nice dans sa décision du 27 octobre 2014 ni en cours d'instance n'est de nature à justifier cette opposition à déclaration préalable. Il ne résulte pas de l'instruction qu'un motif que l'administration n'a pas relevé ou qu'un changement dans la situation de droit ou de fait du projet en litige ferait obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée. Par suite il y a lieu de faire droit à la demande de M. D... tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de Nice de lui délivrer la décision de non-opposition à déclaration préalable sollicitée, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir,
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la commune de Nice dirigées contre M. D... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nice la somme de 2 000 euros, à verser à M. D... en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice n°1500605 du 7 décembre 2017, l'arrêté du maire de Nice du 27 octobre 2014 et la décision du maire de Nice du 16 décembre 2014 rejetant le recours gracieux de M. D... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de Nice de délivrer à M. D... la décision de non-opposition à déclaration préalable sollicitée, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 3 : La commune de Nice versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Nice formées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, où siégeaient :
- M. E..., président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222 26 du code de justice administrative,
- M. Jorda, premier conseiller,
- Mme C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 juillet 2020.
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N° 18MA00583
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