Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Raja Sud a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 3 octobre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les sommes de 7 040 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à raison de l'emploi d'un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier, ainsi que la décision du 20 janvier 2017, rejetant son recours gracieux dirigé contre la décision du 3 octobre 2016.
Par un jugement n° 1702093 du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions du 3 octobre 2016 et du 20 janvier 2017 du directeur général de l'OFII.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Raja Sud devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de la société Raja Sud la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le gérant de la société Raja Sud était en mesure de savoir que le passeport grec qui lui était présenté par le salarié lors de son embauche revêtait un caractère frauduleux et que celle-ci ne saurait donc se prévaloir de sa bonne foi.
Par ordonnance du 31 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 février 2020.
Un mémoire présenté pour la société Raja Sud a été enregistré le 4 août 2020 et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 juillet 2016, lors d'un contrôle inopiné des services de police, a été constaté l'emploi par la société Raja Sud, qui exploite un restaurant à Marseille (13008), d'un ressortissant étranger démuni de titre l'autorisant à séjourner et à travailler en France. Par une décision du 3 octobre 2016, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à la charge de la société Raja Sud la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail, à hauteur de 7 040 euros, et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue par l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un montant de 2 309 euros. Le recours gracieux formé contre cette décision a été rejeté par une décision du 20 janvier 2017. L'Office français de l'immigration et de l'intégration relève appel du jugement du 28 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de la société Raja Sud, annulé ces deux décisions.
Sur la légalité des décisions du directeur général de l'OFII :
2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de la société Raja Sud : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
3. D'autre part, l'article L. 5221-8 du code du travail dispose que : " L'employeur s'assure auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 ".
4. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement. Toutefois, un employeur ne saurait être sanctionné sur le fondement de ces dispositions, qui assurent la transposition des articles 3, 4 et 5 de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l'encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, lorsque tout à la fois, d'une part, il s'est acquitté des obligations qui lui incombent en vertu de l'article L. 5221-8 du code du travail et, d'autre part, il n'était pas en mesure de savoir que les documents qui lui étaient présentés revêtaient un caractère frauduleux ou procédaient d'une usurpation d'identité. En outre, lorsqu'un salarié s'est prévalu lors de son embauche de la nationalité française ou de sa qualité de ressortissant d'un Etat pour lequel une autorisation de travail n'est pas exigée, l'employeur ne peut être sanctionné s'il s'est assuré que ce salarié disposait d'un document d'identité de nature à en justifier et s'il n'était pas en mesure de savoir que ce document revêtait un caractère frauduleux ou procédait d'une usurpation d'identité.
5. Il résulte de l'instruction que la société Raja Sud a embauché M. A... à temps partiel pour une durée indéterminée à compter du 2 avril 2015 sur un emploi " d'employé ". L'intéressé s'est présenté à elle comme étant de nationalité grecque et a justifié de cette nationalité par la production d'un passeport grec en cours de validité faisant état d'un lieu de naissance à Athènes et d'un certificat d'immatriculation de sécurité sociale grec, dont la société a conservé une copie. Ce passeport s'est néanmoins révélé être un document falsifié eu égard au format de la date de naissance de son titulaire, de l'encre utilisée, de la discordance entre la date de naissance sur la page d'identité et celle reportée sur la zone de lecture automatisée et de l'erreur concernant le calcul du chiffre sécurité, ainsi que l'ont relevé les services de police. Si ce caractère frauduleux n'apparaissait pas de manière évidente pour une personne non avertie des problèmes de fraudes documentaires, il résulte en revanche de l'instruction que le contrat de travail établi par la société Raja Sud au nom de M. A... mentionnait sa véritable nationalité pakistanaise. Tant le registre unique du personnel que la déclaration unique à l'embauche indiquaient son véritable lieu de naissance à Islamabad. En l'absence de toute précision donnée tant par le gérant de la société que par son comptable de nature à expliquer l'origine de telles discordances, ces informations ne peuvent être comprises que comme provenant du passeport authentique pakistanais de M. A..., remis par celui-ci aux services de police lors de son audition, mentionnant son lieu de naissance à Islamabad. Il s'en déduit nécessairement que la société Raja Sud connaissait la véritable nationalité de M. A... et était, par suite, en mesure de savoir que son passeport grec revêtait un caractère frauduleux.
6. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur ce que la société Raja Sud s'était assurée de ce que son salarié disposait d'un document de nature à justifier de sa nationalité grecque et qu'elle n'était pas en mesure de savoir qu'il s'agissait d'un faux pour annuler les décisions du 3 octobre 2016 et du 20 janvier 2017 du directeur général de l'OFII.
7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Raja Sud devant le tribunal administratif de Marseille.
8. Si la société Raja Sud soutient qu'elle a respecté ses obligations déclaratives auprès des organismes de sécurité sociale et que le procureur de la République a décidé de ne pas engager de poursuites pénales à son encontre, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité des décisions en litige.
9. Il résulte de ce qui précède que l'Office français de l'immigration et de l'intégration est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 28 mai 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé ces décisions.
Sur les frais liés au litige :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Raja Sud le versement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 1702093 du 28 mai 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société Raja Sud devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La société Raja Sud versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société Raja Sud.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2020, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 septembre 2020.
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N° 19MA02988
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