Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 30 janvier 2017 par laquelle la ministre du travail a autorisé son licenciement.
Par un jugement n° 1702305 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 22 août 2019 et le 27 juillet 2020, M. D..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision de la ministre du travail du 30 janvier 2017 en tant qu'elle autorise son licenciement ;
3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de la société Technipipe une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la ministre du travail a été prise en méconnaissance du contradictoire ;
- elle souffre d'un défaut de motivation en fait et en droit ;
- c'est à tort que la ministre du travail n'a pas tenu compte de ce qu'il n'était pas à l'origine de l'incident qui a conduit son employeur à solliciter l'autorisation de le licencier et du comportement violent de son collègue de travail à son égard ;
- il n'a jamais fait preuve d'un comportement agressif ou inapproprié ;
- la direction de l'entreprise nourrissait à son endroit une animosité caractérisée, en lien avec son mandat au CHSCT.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2020, la société Technipipe, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la ministre du travail qui n'a pas produit de mémoire en défense.
La clôture immédiate de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er septembre 2020, en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour la société Technipipe a été enregistré le 8 septembre 2020.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens tenant à la méconnaissance du contradictoire et au défaut de motivation de la décision en litige, fondés sur une cause juridique distincte de celle de première instance, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
Par un mémoire, enregistré le 16 septembre 2020, M. D... a présenté des observations à la suite de cette communication.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Georges C..., président assesseur, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., substituant Me A..., représentant la société Technipipe.
Considérant ce qui suit :
1. En janvier 2016, la société Technipipe, qui exerce une activité de services spécialisés en ingénierie, contrôle et maintenance de pipelines pétroliers, chimiques et de gaz, a sollicité l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. D..., salarié protégé en qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Cette demande a été rejetée par une décision du 21 avril 2016 de l'inspectrice du travail compétente. Suite au recours hiérarchique formé par la société, la ministre du travail a, par une décision du 30 janvier 2017, annulé la décision de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. D.... Par un jugement du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de l'intéressé tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la légalité de la décision de la ministre du travail :
2. Devant le tribunal administratif, M. D... n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. Si devant la Cour, il soutient en outre que cette décision serait entachée d'un vice de procédure à raison d'une méconnaissance du contradictoire et d'un défaut de motivation, ces moyens, fondés sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle irrecevable en appel.
3. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
4. Il ressort des termes de la décision en litige, que pour autoriser le licenciement de M. D..., la ministre du travail s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé avait proféré des insultes et des menaces à l'encontre d'un collègue de travail et l'avait frappé violemment au visage. Après avoir constaté que la matérialité des faits était établie, elle a estimé que ceux-ci étaient fautifs et que, pris dans leur ensemble, ils étaient d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié, alors même que l'intéressé n'aurait pas fait l'objet de sanctions antérieures.
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, le 30 décembre 2015, M. D... s'est immiscé dans une conversation entre trois salariés de la société portant sur la réaffectation d'un véhicule à usage professionnel. Alors que de vifs échanges étaient survenus entre M. E..., superviseur et un surveillant de ligne au cours de cette conversation, M. D... a proféré des insultes et adopté une attitude menaçante à l'encontre de M. E..., puis l'a agressé physiquement, lui portant un coup au visage qui a occasionné chez l'intéressé un oedème de la région temporo maxillaire gauche et une plaie de la lèvre inférieure ayant entraîné une incapacité temporaire totale de deux jours. Contrairement aux allégations du requérant, la responsabilité du déclenchement des violences dont il est l'auteur n'est imputable qu'à lui-seul. L'allégation selon laquelle il n'aurait seulement entendu que repousser M. E... en lui mettant la main au visage n'est pas corroborée par les différents témoins directs de la scène et n'est d'ailleurs pas compatible avec la gravité des blessures subies. Si M. D... fait valoir qu'il n'a jamais fait preuve d'un comportement agressif ou inapproprié, cette circonstance est sans incidence, la ministre ayant pris en compte dans sa décision l'absence de sanctions antérieures à raison de tels agissements. Dans les circonstances de l'espèce, les faits reprochés à M. D... doivent être regardés comme constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement.
6. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de licenciement ait été en rapport avec les fonctions représentatives de l'intéressé, l'attestation produite, peu circonstanciée, n'étant pas de nature à établir l'existence d'un tel lien.
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 30 janvier 2017 de la ministre du travail.
Sur les frais liés au litige :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre soit mises à la charge de la société Technipipe, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros à verser à la société Technipipe à ce même titre.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera une somme de 2 000 euros à la société Technipipe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H... D..., à la société Technipipe et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 2 octobre 2020, où siégeaient :
- M. C..., président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Coutier, premier conseiller,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
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N° 19MA03987
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