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12/11/2020 | FRANCE | N°17MA04457-17MA04531

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 12 novembre 2020, 17MA04457-17MA04531


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à lui verser la somme de 27 765 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'aggravation de son état de santé après une intervention chirurgicale réalisée le 29 juin 1992 dans cet établissement hospitalier.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault a demandé la condamnation du CHRU de Montpellier à lui verser la so

mme de 170 661,97 euros à parfaire ainsi que les intérêts au taux légal à compter...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Montpellier à lui verser la somme de 27 765 euros au titre des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'aggravation de son état de santé après une intervention chirurgicale réalisée le 29 juin 1992 dans cet établissement hospitalier.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Hérault a demandé la condamnation du CHRU de Montpellier à lui verser la somme de 170 661,97 euros à parfaire ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement ainsi que la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1601345 du 26 septembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le CHRU de Montpellier à verser à M. B... la somme de 5 297 euros, sous réserve de la déduction de la somme ayant pu lui être versée à titre provisionnel en application de l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 10 mai 2016, et à la CPAM de l'Hérault la somme de 163 252,17 euros au titre des débours et la somme de 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Procédure devant la cour :

Par un arrêt n° 17MA04457 et n° 17MA04531 du 11 juillet 2019, la cour a ordonné la réalisation d'une expertise afin de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. B... et de fournir l'ensemble des éléments de nature à évaluer les préjudices, en particulier professionnels, subis par celui-ci à la suite de l'aggravation survenue à compter de l'année 2012, ainsi que les droits de la CPAM de l'Hérault en lien avec les complications imputables aux fautes commises par le CHRU de Montpellier en 1992.

Par des mémoires enregistrés les 15 et 16 juillet 2020 sous le numéro 17MA04457, M. B... conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens.

Par des mémoires enregistrés les 26 juin et 16 septembre 2020 sous le numéro 17MA04457 et le 17 septembre 2020 sous le numéro 17MA04531, la CPAM de l'Hérault, représentée par la SCP Cauvin Leygue, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2017 en tant que ce jugement a fixé à la somme de 163 252,17 euros l'indemnité au versement de laquelle le CHRU de Montpellier a été condamné au titre des débours ;

2°) de limiter à la somme de 160 822,43 euros, à parfaire, cette indemnité, avec intérêts au taux légal et capitalisation, et de porter à la somme de 1 091 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge du CHRU de Montpellier la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que ses débours s'élèvent à la somme de 160 822,43 euros.

Par un mémoire enregistré le 31 juillet 2020 sous les numéros 17MA04457 et 17MA04531, le CHRU de Montpellier demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter les requête et demande de M. B... et de la CPAM de l'Hérault ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2017 en tant que ce jugement l'a condamné à verser à la CPAM de l'Hérault la somme de 163 252,17 euros au titre des débours ;

3°) de ramener sa condamnation à ce titre à la somme de 19 943,34 euros.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... et par la CPAM de l'Hérault ne sont pas fondés et que les débours de celle-ci imputables à l'aggravation s'élèvent à 19 943,34 euros.

Vu :

- le rapport d'expertise enregistré le 2 juin 2020 ;

- l'ordonnance de liquidation et de taxation des frais d'expertise de la présidente de la cour du 3 juillet 2020 ;

- les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le CHRU de Montpellier.

Considérant ce qui suit :

Sur les préjudices :

1. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expertise ordonnée par l'arrêt n° 17MA04457 et n° 17MA04531 du 11 juillet 2019, qu'est imputable à la faute commise par le CHRU de Montpellier en 1992 la plaie survenue au début du mois d'avril 2014 au niveau du tiers moyen de la jambe droite par nécrose ayant nécessité un parage de plaie puis une greffe de peau mince, ayant elle-même nécessité deux interventions chirurgicales avec hospitalisation ainsi qu'une décharge de deux cannes du 27 août au 11 septembre 2014 suivie d'une reprise d'appui au 12 septembre 2014, avec une reprise du travail au 20 octobre 2014 en mi-temps thérapeutique jusqu'au 31 juillet 2015, et que la consolidation de l'état de santé de M. B... est intervenue le 12 septembre 2014, cette date correspondant à celle de l'arrêt des soins en lien avec l'aggravation survenue au début du mois d'avril et constatée médicalement le 2 mai 2014.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé exposées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault :

2. Il résulte de l'instruction, en particulier du relevé détaillé des débours et de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil produits par la CPAM de l'Hérault que celle-ci a exposé, en lien avec l'aggravation survenue en 2014, des frais hospitaliers à hauteur de 15 998,12 euros et des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage, de transport entre le 2 mai et le 12 septembre 2014 à hauteur de 2 626,14 euros. La condamnation du CHRU de Montpellier au titre des dépenses de santé doit donc être ramenée à la somme de 18 624,26 euros.

S'agissant des pertes de gains professionnels et de l'incidence professionnelle :

3. En application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime. Il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime. Le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale.

4. D'une part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Bertrand-Marchand établi le 31 mai 2020, que M. B... a été placé en arrêt de travail à compter du 24 juillet 2014 jusqu'au 20 octobre 2014, date à laquelle il a repris son activité en mi-temps thérapeutique jusqu'au 31 juillet 2015, et que ces évènements professionnels sont en lien avec l'aggravation constatée médicalement le 2 mai 2014, en dépit de la consolidation de son état de santé le 12 septembre 2014. M. B..., qui ne sollicite au demeurant pas la réparation de pertes de gains professionnels actuels et futurs, doit être réputé avoir été intégralement indemnisé de la perte de revenus liée à ces évènements qui doit, dans les circonstances de l'espèce, être évaluée d'après le montant des indemnités journalières qui lui ont été servies par l'organisme de sécurité sociale entre le 19 avril et le 31 juillet 2015 s'élevant, ainsi que cela ressort notamment du relevé définitif de débours produit par la CPAM de l'Hérault, à la somme de 13 783,76 euros, en dépit de la coquille contenue dans ce document concernant le nombre de jours indemnisés, soit 85 et non pas 255, entre le 27 juillet 2014 et le 19 octobre 2014. Le CHRU de Montpellier doit être condamné à rembourser à celle-ci cette somme.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise cité ci-dessus que, si M. B..., à la suite de l'accident du 18 juin 1992, a obtenu son diplôme de mécanicien, a exercé ce métier jusqu'en 2003 puis a opéré une reconversion professionnelle vers le métier d'opticien qu'il a exercé à compter de l'année 2008 et travaille désormais à hauteur de 25 heures par semaine dans le cadre d'une invalidité de catégorie 1 reconnue depuis le 1er août 2015, la polyalgie et la polyarthralgie diffuses liés à un défaut de posture dont il souffre et qui l'empêchent de travailler à temps complet, résultent non pas de l'aggravation survenue en 2014 mais de la dégradation dans le temps d'un état antérieur dû à l'accident de la voie publique du 18 juin 1992 et correspondant à une évolution normale de l'état du pied et du membre inférieur droit sur un long délai avec un retentissement sur l'ensemble des articulations et une diminution de la fonction. Dans ces conditions, la faute commise par le CHRU de Montpellier, si elle se trouve à l'origine des complications ayant entraîné l'aggravation en 2014 de l'état de santé de M. B..., alors âgé de 36 ans, ne peut être regardée comme la cause directe de la perte d'une chance sérieuse pour celui-ci d'augmenter à l'avenir ses revenus professionnels et dont la privation serait constitutive d'une incidence professionnelle. La demande présentée par M. B... au titre d'une telle incidence professionnelle doit donc être rejetée. Par ailleurs, le CHRU de Montpellier est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à verser à la CPAM de l'Hérault une somme au titre de la pension d'invalidité que celle-ci sert à M. B....

S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :

6. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Bertrand-marchand, que les complications imputables au CHRU de Montpellier ont nécessité l'aide d'un proche de M. B... à raison d'une heure par jour du 29 juillet au 20 août 2014, soit durant 22 jours. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours et d'un taux horaire de 13 euros. Il y a donc lieu de porter l'indemnité allouée à ce titre à M. B... à 322,82 euros.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :

8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que M. B... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 24 au 28 juillet 2014 et du 21 août au 26 août 2014 et partiel à hauteur de 10% du 1er avril 2014 et le 24 juillet 2014, de 50% du 29 juillet 2014 au 20 aout 2014 et de 25% du 27 août 2014 au 12 septembre 2014. Les premiers juges n'ont pas procédé à une évaluation insuffisante de ce préjudice en le réparant à hauteur de 654 euros.

S'agissant des souffrances endurées :

9. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées par M. B... peuvent être évaluées à 3,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges n'ont pas fait une évaluation suffisante de ce préjudice, qu'il y a lieu d'indemniser à hauteur de 5 000 euros.

S'agissant du préjudice esthétique :

10. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique de M. B... peut être évalué à 0,5 sur une échelle allant de 1 à 7. Les premiers juges n'en ont pas insuffisamment réparé ce préjudice en fixant l'indemnité allouée à ce titre à 500 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à demander que la condamnation du CHRU de Montpellier soit portée à la somme de 6 476,82 euros, dont doit être déduite la somme de 4 200 euros versée à titre de provision. Le CHRU de Montpellier est quant à lui fondé à demander que l'indemnité qu'il doit verser à la CPAM de l'Hérault soit ramenée à la somme de 32 408,02 euros. Les conclusions présentées par la CPAM de l'Hérault au titre des débours et de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. D'une part, les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 11 juillet 2019, liquidés et taxés à la somme de 500 euros, sont mis à la charge définitive du CHRU de Montpellier en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

13. D'autre part, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge du CHRU de Montpellier une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens. En revanche, les conclusions présentées au même titre par la CPAM de l'Hérault doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 5 297 euros que le CHRU de Montpellier a été condamné par le tribunal administratif de Montpellier à verser à M. B... est portée à la somme de 6 476,82 euros, dont doit être déduite la somme de 4 200 euros versée à titre de provision.

Article 2 : L'indemnité de 163 252,17 euros que le CHRU de Montpellier a été condamné par le tribunal administratif de Montpellier à verser à la CPAM de l'Hérault est ramenée à la somme de 32 408,02 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 septembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par l'arrêt avant dire droit de la cour du 11 juillet 2019, liquidés et taxés à la somme de 500 euros, sont mis à la charge définitive du CHRU de Montpellier.

Article 5 : Le CHRU de Montpellier versera à M. B... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... et du CHRU de Montpellier, de celles que celui-ci a présenté par la voie de l'appel incident et des conclusions de la CPAM de l'Hérault, y compris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au centre hospitalier régional universitaire de Montpellier et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Copie en sera adressée, pour information, à l'expert.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, où siégeaient :

- M. Alfonsi, président de chambre,

- Mme D..., présidente assesseure,

- M. Sanson, conseiller.

Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.

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N° 17MA04457 et n° 17MA04531


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17MA04457-17MA04531
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme JORDA-LECROQ
Rapporteur ?: Mme Karine JORDA-LECROQ
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS CAUVIN - LEYGUE ; SCP D'AVOCATS CAUVIN - LEYGUE ; SCP GAUD MONTAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2020-11-12;17ma04457.17ma04531 ?
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