Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. H... A... et Mme D... E... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel le maire de Boujan-sur-Libron a délivré aux Vignobles Christophe G... un permis de construire un domaine viticole avec maison d'habitation.
Par un jugement n° 1604520 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 mars, 26 juin et 2 août 2018, M. et Mme A..., représentés par la SCP Cyrielle Bonomo Fay, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 1er février 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2016 du maire de Boujan-sur-Libron ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Boujan-sur-Libron une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils ont intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté du 6 juillet 2016 ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme, la notice de présentation ne contient aucune information sur les aires de stationnement ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, le plan de masse est lacunaire ;
- le permis a été obtenu par fraude, son projet étant de réaliser un domaine viticole mais également de créer un espace de vente de produits de la vigne, activité interdite en zone A du plan local d'urbanisme (PLU) et qui impose le respect des règles relatives aux établissements recevant du public (ERP) ;
- ont été méconnues les dispositions de l'article A 12 du règlement du PLU dès lors qu'aucun emplacement n'a été prévu pour permettre le stationnement des salariés du domaine en dehors des voies publiques ni davantage pour la maison d'habitation ;
- a été méconnu l'article 8 des dispositions générales du PLU dès lors que la largeur du chemin d'accès à la propriété des requérants est insuffisante, celle-ci devant être empruntée par des engins agricoles ;
- ont été méconnues les dispositions de l'article A 2 du règlement du PLU dès lors que le projet ne nécessite pas la présence de l'exploitant sur place ;
- ont été méconnues les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2018, la commune de Boujan-sur-Libron, représenté par SELARL C...-Berthelsen conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des époux A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la demande était irrecevable faute pour les époux A... de justifier d'un intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2018, M. G..., représenté par la SCP SVA, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des époux A... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la demande était irrecevable faute pour les époux A... de justifier d'un intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la commune de Boujan-sur-Libron, et de Me F..., représentant les Vignobles Christophe G....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... font appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juillet 2016 par lequel le maire de Boujan-sur-Libron a délivré aux Vignobles Christophe G... un permis de construire un domaine viticole avec maison d'habitation.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant, le cas échéant, les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. D'une part, le lieu d'implantation du projet en litige est situé à quelques 180 mètres de la maison des époux A... et il n'est pas établi par la seule pièce versée au dossier par les requérants la création de vues sur leur propriété. Il ressort des pièces du dossier qu'il existe un premier accès par un chemin communal à leur parcelle située au sud de leur propriété avec une plateforme pouvant servir de parking puis un court chemin piéton dans leur propriété menant directement à leur maison. Par ailleurs, s'il existe un second accès à la parcelle des requérants au nord de leur propriété auquel ils arrivent en empruntant, après la route départementale 15E2, le même chemin communal que pour accéder au terrain d'assiette du projet, il ressort des pièces du dossier que, eu égard à la nature de ce dernier qui consiste à permettre la production d'uniquement 450 hectolitres de vin dit " de qualité " en sus des vignes déjà en cours d'exploitation et ne prévoit pas de caveau de vente ou de caveau de dégustation et n'est pas destiné à recevoir du public, et à la circonstance que le lieu d'implantation du projet est déjà ceinturé par des espaces agricoles déjà exploités, il n'est pas établi que le projet est susceptible de générer tel du trafic routier sur ledit chemin communal qu'il pourrait être de nature à affecter les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien des époux A... lesquels ne peuvent utilement se prévaloir des caractéristiques de la route départementale 15E2 dès lors que celle-ci ne constitue pas la voie de desserte de leur propriété et supporte un trafic qui n'est pas que local.
5. D'autre part, M. et Mme A... font valoir que la construction envisagée d'une cave particulière viticole comprenant un chai de stockage et de vinification, un caveau et une zone de conditionnement engendrera inévitablement des nuisances olfactives de nature à affecter directement les conditions de jouissance de leur bien. Toutefois, compte tenu des mesures techniques dont est assorti le projet prévoyant que les effluents vinicoles seront collectés dans des caniveaux inox de surface et acheminés par des canalisations enterrées et étanches pour être réceptionnés et stockés dans une cuve tampon étanche et qu'ils seront ensuite pompés et acheminés dans une station de traitement agréée par le biais d'une citerne fermée, qu'aucun végétal ne sera évacué vers ce système puisque les effluents seront" dégrillés " en amont empêchant ainsi toute fermentation et qu'enfin, les matières organiques (telles que les lies, les bourbes, qui sont des déchets issus du pressurage du raisin) ainsi que les marcs de raisins seront évacués vers les distilleries, les nuisances olfactives seront totalement inexistantes et ce d'autant plus que, comme il a été dit au point 4, la propriété des requérants est distante de quelques 180 mètres du lieu de la construction envisagée.
6. Il résulte de ce qui précède que les époux A... n'ont pas intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté du 7 juillet 2016 par lequel un permis de construire une cave viticole a été délivré aux Vignobles Christophe G... et ne sont pas fondés à soutenir que ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation dudit arrêté.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Boujan-sur-Libron, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme A..., la somme demandée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants, le versement à la commune de Boujan-sur-Libron et aux Vignobles Christophe G..., d'une somme de 1 500 euros chacun au titre des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A... verseront d'une part à la commune de Boujan-sur-Libron et d'autre part aux Vignobles Christophe G... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. H... A... et Mme D... E... épouse A..., à la commune de Boujan-sur-Libron et aux Vignobles Christophe G....
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme B..., président assesseur,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 novembre 2020.
N° 18MA01324 5