Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 1er juin 2018, M. D... B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 30 mars 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour l'infirmité " lombosciatique gauche ayant nécessité une discectomie L5-S1 ".
Par un jugement n° 18/00078 du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle rejetait la demande de pension formée par M. B... et lui en a accordé le bénéfice à compter du 1er février 2016, au taux de 20 %, dont 15 % imputable à une blessure survenue en service le 19 février 2014.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2019 et le 17 février 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019 en tant qu'il annule sa décision refusant d'accorder à M. B... le bénéfice de la pension demandée et lui en accorde le bénéfice à compter du 1er février 2016.
Elle soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, et qu'elle pouvait refuser d'accorder à M. B... le bénéfice de la pension militaire d'invalidité dès lors que l'infirmité invoquée, dont elle reconnaît le taux global de 20 %, n'est imputable qu'à 5 % au service, soit un taux inférieur au seuil requis pour l'attribution d'une telle pension.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2020, M. B..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête de la ministre des armées, subsidiairement, à ce qu'il soit ordonné une expertise médicale afin de fixer le taux d'invalidité dû à l'infirmité litigieuse et de déterminer la part de cette infirmité imputable au service, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., né le 5 février 1971, s'est engagé dans l'armée de l'air le 1er avril 1990 et a été radié des contrôles des armées en mars 2018, alors qu'il avait atteint le grade de sergent-chef. Il a sollicité le 1er février 2016 l'octroi d'une pension militaire d'invalidité pour une lombosciatique gauche. Sa demande a été rejetée par décision de la ministre des armées en date du 20 mars 2018. Saisi d'un recours de M. B... contre cette décision, le tribunal des pensions de Marseille l'a annulé en tant qu'elle rejetait sa demande de pension et lui a accordé le bénéfice d'une pension à compter du 1er février 2016, au taux de 20 %, dont 15 % imputable à une blessure survenue en service le 19 février 2014. La ministre des armées relève appel, dans cette mesure, de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour annuler la décision de la ministre des armées du 20 mars 2018 en tant qu'elle refuse de lui octroyer une pension militaire d'invalidité et lui reconnaître le droit à cette pension à compter de la date de sa demande, le tribunal des pensions de Marseille, après avoir cité les dispositions applicables du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, a relevé que M. B... avait fait une chute en service le 19 octobre 2014 ayant entraîné un traumatisme dorsal, a rappelé les conclusions du docteur Casabianca-Chickly imputant l'infirmité de l'intéressé au service au taux de 15 %, et a estimé que les conclusions contraires du médecin-chef Verrons ne pouvaient être prises en compte dès lors que ce dernier n'avait procédé à aucun examen clinique du requérant. Dans ces conditions, le tribunal a suffisamment motivé son jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : (...) 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service. " et aux termes de l'article L. 4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. / Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples. / En cas d'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'une infirmité étrangère à celui-ci, cette aggravation seule est prise en considération, dans les conditions définies aux alinéas précédents. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour que l'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ouvre droit à pension, elle doit être due exclusivement au service, que le taux de cette aggravation atteigne à lui seul le minimum indemnisable et que l'infirmité soit elle-même antérieure ou concomitante au service.
4. La décision attaquée du 20 mars 2018 a été prise au motif que " le taux d'invalidité, après expertise médicale réglementaire, est de 20 % et donc inférieur au minimum indemnisable de 30 % requis pour l'ouverture du droit à pension, lorsqu'il s'agit d'une maladie contractée en temps de paix ". Il résulte de l'instruction qu'après avoir sollicité l'avis du médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale qui a rendu son avis le 21 septembre 2018, la ministre a entendu, devant le tribunal des pensions de Marseille substituer au motif retenu dans sa décision un autre motif, tiré de ce que l'infirmité présente un taux global de 20 %, dont 15 % est dû à une maladie étrangère au service et 5 %, soit un taux inférieur au minimum indemnisable, imputable à une blessure en service, survenue le 19 février 2014. Pour justifier son appréciation, conforme à l'avis du médecin conseiller technique auprès de l'administration centrale, la ministre soutient que le fait de service survenu le 19 février 2014, inscrit au livret médical de l'intéressé, de faible cinétique, puisqu'il s'agit d'une chute de la hauteur de l'intéressé au cours d'un match de football, ne saurait être responsable de l'infirmité de M. B..., au-delà d'un taux de 5 %, qu'à l'occasion de la visite médicale préalable à son départ en OPEX ayant eu lieu 15 jours après ce événement, il a été noté que l'intéressé " va mieux sur le plan dorso-lombaire " et qu'aucun épisode de lombo-sciatalgie n'a été signalé avant le 20 avril 2015, date à laquelle, à l'occasion de la visite systématique annuelle, M. B... a déclaré " avoir depuis 15 jours un énième épisode de lombosciatalgie ".
5. Toutefois, d'une part, il résulte du rapport du 12 octobre 2017 du docteur Casabianca-Chickly, mandatée par le centre d'expertise médicale et de commission de réforme pour examiner l'infirmité " lombosciatique gauche ayant nécessité une discectomie L5 - S1 ", et qui a retenu un taux de 20 %, dont 15 % imputable au service, que si la sciatalgie gauche s'est manifestée pour la première fois après une chute en scooter en 2001 et que d'autres épisodes doivent être signalés en 2005, 2007, 2010, 2011 et 2012, nécessitant en juin 2011 des infiltrations, la lombosciatique hyperalgique a évolué depuis septembre 2014 jusqu'à rendre nécessaire le 27 novembre 2015 une exérèse de hernie discale postéro-latérale L5-S1 gauche et, d'autre part, le rapport circonstancié établi par le médecin chef, responsable de l'antenne médicale de Salon-de-Provence, sur l'événement du 19 février 2014, fait état d'une lourde chute sur le sol, déclenchant une vive douleur au niveau du dos au moment où l'intéressé tentait de se relever, suite à laquelle a été prononcé un arrêt de travail de six jours. Dans ces conditions, si l'accident survenu durant le service, qui a occasionné une blessure, n'a eu pour effet que d'aggraver une maladie étrangère au service, la ministre n'établit pas qu'est excessif le taux de 15 % reconnu imputable au service par l'expert, supérieur au seuil de 10 % permettant, sur le fondement des dispositions combinées du 3° de l'article L. 2 et du 1° de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, d'accorder à M. B... une pension d'invalidité au titre de l'infirmité " lombosciatique gauche ayant nécessité une discectomie L5-S1 ".
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit nécessaire de prescrire une nouvelle expertise, que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle rejetait la demande de pension formée par M. B... et lui en a accordé le bénéfice à compter du 1er février 2016, au taux de 20 %, dont 15 % imputable à une blessure survenue en service le 19 février 2014.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... B....
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Badie, président de chambre,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.
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N°19MA04825