Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Les Vieux Amandiers a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1603520 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 13 juillet 2020, la SARL Les Vieux Amandiers, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ont été méconnues, le contribuable n'étant pas été en mesure de répondre utilement ;
- c'est à tort que sa comptabilité a été écartée comme non probante, aucune disposition n'imposant de détailler les menus dans les tickets Z et les discordances constatées ayant été justifiées ;
- la méthode de reconstitution utilisée est viciée dans son principe ou excessivement sommaire ; elle justifie par une expertise comptable indépendante que la détermination du prix moyen de repas est erronée ; des erreurs ont été commises concernant le nombre de couverts et les repas évènementiels ; la répartition 35/65 n'est pas justifiée concernant la part des plats principaux dans le prix des menus évènementiels.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- l'amende et les intérêts de retard ont fait l'objet d'une remise, la société étant en redressement judiciaire ;
- les moyens soulevés par la SARL Les Vieux Amandiers ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la SARL Les Vieux Amandiers.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Les Vieux Amandiers, qui exerce à Poulx, dans le Gard, une activité de restauration traditionnelle, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle le service a écarté comme non probante la comptabilité qui lui était présentée et a procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires au titre des exercices clos en 2011 et 2012. A l'issue de ce contrôle, la société a été assujettie, selon la procédure de rectification contradictoire, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2011 et en 2012 et à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2011, ainsi que, selon la procédure de taxation d'office, à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2012, majorés. Le service a également appliqué l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts pour les années 2011 et 2012. La SARL Les Vieux Amandiers fait appel du jugement du 26 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions et rappels procédant ainsi de la reconstitution de son chiffre d'affaires.
I. Les conclusions à fin de nonlieu à statuer du ministre :
2. Il résulte notamment du bordereau de situation fiscale produit qu'à la suite du jugement plaçant la SARL Les Vieux Amandiers en redressement judiciaire, en application du I de l'article 1756 du code général des impôts, l'administration a procédé à la remise des intérêts de retard de, respectivement, 3 611 euros et 617 euros appliqués aux compléments d'impôt sur les sociétés et aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société. Le ministre de l'action et des comptes publics fait également valoir, sans être contredit par les pièces du dossier, qu'il en va de même des amendes infligées au titre des années 2011 et 2012, sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts. Par suite, les conclusions de la requête de la SARL Les Vieux Amandiers sont, dans cette mesure, devenues sans objet.
II. Le surplus des conclusions présentées par la SARL Les Vieux Amandiers :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon utile.
4. La proposition de rectification du 3 juin 2014 adressée à la SARL Les Vieux Amandiers mentionne les impositions et les années concernées ainsi que la nature, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, dans des conditions de nature à permettre au contribuable de connaître et de contester utilement les rectifications mises à sa charge. A cet égard, ce document précise les raisons ayant conduit le vérificateur à écarter la comptabilité présentée, en relevant les irrégularités l'entachant, lui ôtant ainsi toute valeur probante. Il expose également, sur quatorze pages, la méthode et les modalités de reconstitution des recettes dégagées par l'activité du restaurant au cours des exercices en cause. Ainsi, la proposition de rectification est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
5. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ".
S'agissant du rejet de la comptabilité :
6. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) ".
7. Il résulte de l'instruction que, pour écarter comme étant non sincère et non probante la comptabilité présentée, le service s'est fondé sur plusieurs anomalies tenant à la présentation de tickets Z journaliers ne permettant pas d'identifier le détail des plats figurant dans les menus vendus et que les vins étaient globalisés en trois familles, ne permettant pas un rapprochement entre les achats et les produits vendus. Il a également relevé des discordances entre l'état annuel des tickets Z et la comptabilité présentée. S'agissant de l'année 2012, s'y ajoutent pour certaines opérations l'utilisation du compte bancaire d'un autre établissement de restauration. Si la société requérante soutient qu'aucune disposition n'impose de détailler les menus dans les tickets Z et que les discordances constatées ont été justifiées, elle n'a été en mesure de fournir aucune pièce de nature à indiquer le détail de ses recettes journalières, selon la nature, la quantité et le prix des produits vendus. En outre, la circonstance alléguée selon laquelle le contribuable aurait été interdit bancaire ne permet aucunement de justifier l'utilisation, pour certaines opérations, du compte bancaire dont est titulaire un autre établissement de restauration. Dès lors, l'administration a pu à bon droit regarder la comptabilité qui lui était présentée comme non sincère et probante et procéder par voie de conséquence à la reconstitution du chiffre d'affaires de la société.
S'agissant de la reconstitution des recettes :
8. La comptabilité de la SARL Les Vieux Amandiers étant entachée de graves irrégularités et les impositions ayant été établies conformément à l'avis rendu le 17 mars 2015 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du Gard, il incombe à cette société, en application du deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales mentionné au point 5, d'apporter la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues.
9. Au titre des deux années en litige, le service vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires et le bénéfice de l'établissement exploité par la SARL Les Vieux Amandiers, situé face au parc municipal dans un quartier résidentiel bourgeois, comportant trois salles et une mezzanine, une terrasse fermée et chauffée pour une capacité totale de 148 couverts, par la " méthode des pains ", soit au moyen des achats de pain.
10. Le vérificateur a reconstitué le chiffre d'affaires à partir des factures des achats de pain produites lors du contrôle, en se limitant aux baguettes, pains de campagne et petits pains de campagne et en prenant en compte un coefficient de perte de 14 % compte tenu de l'importance des réservations et des quantités nécessaires à certaines mises en bouche intégrées aux menus. Il a divisé les quantités ainsi obtenues par la quantité moyenne de pain consommée en France selon les données Insee de 2008 (soit 47 grammes), aboutissant à un nombre de couverts reconstitués s'élevant à 16 478 en 2011 et 16 949 en 2012. Il a déduit, au titre de repas pris par les salariés, un nombre de 2 983 en 2011 et 2 667 en 2012. Il a, enfin, multiplié le solde de couverts au prix moyen TTC du couvert qu'il a déterminé après avoir ventilé le chiffre d'affaires résultant des tickets Z en trois familles de menus (menus évènementiels ; menu week-end hors vendredi midi ; menu semaine y compris vendredi midi) et pris en compte notamment les suppléments menus et les boissons. Conformément à l'avis rendu le 17 mars 2015 par la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires du Gard, la quantité moyenne de pain consommée par client a été portée à 58 grammes.
11. Si la SARL Les Vieux Amandiers conteste les éléments utilisés par le service pour la détermination du prix moyen TTC du couvert en se prévalant notamment d'une analyse comptable indiquant que la clé de répartition retenue pour 2011 et 2012 n'est pas conservée, au regard du chiffre d'affaires reconstitué, il résulte de l'instruction que le prix des menus TTC n'a pas été déterminé uniquement sur la base de cette clé de répartition mais après prise en compte notamment des suppléments menus et des boissons. Si elle fait valoir qu'il a été retenu, sans logique économique, un prix moyen du repas en 2011 supérieur à celui de 2012, il ressort de la proposition de rectification, qui n'est pas utilement contredite sur ce point, que l'exploitation des tickets Z fournis par elle reflétait également une telle tendance, avec un prix moyen calculé inférieur de 9,5 %. En se bornant à produire un ticket Z daté du 29 octobre 2013 mentionnant des " entrées hors offert " dans la catégorie " balance par famille ", elle ne justifie pas que les suppléments menus étaient effectivement retracés au cours de la période en litige. Si elle soutient que les chiffres d'affaires reconstitués impliqueraient des volumes d'achats de denrées alimentaires, et donc de charges, nettement supérieurs à ceux retenus par le service, elle n'apporte pas d'élément permettant de vérifier et de quantifier précisément les volumes concernés. S'agissant du chiffre d'affaires reconstitué au titre des menus évènementiels, si elle fait valoir que les commandes validées deux jours auparavant ne concernent pas uniquement ces menus et si elle conteste la répartition 35 % / 65 % retenue par le service concernant la part des plats principaux dans le prix des menus évènementiels, elle ne verse pas davantage de pièces pour justifier les éléments sur lesquels elle se fonde alors que la charge de la preuve lui incombe. Enfin, en se bornant à soutenir que l'administration n'a eu recours qu'à une seule méthode de reconstitution, que la consommation de pain dans un restaurant est une donnée subjective et qu'il peut y avoir des pertes importantes les jours de faible affluence, la société requérante ne démontre pas le caractère radicalement vicié ou excessivement sommaire de la méthode de reconstitution suivie par le vérificateur alors, au demeurant, qu'il ressort de la proposition de rectification, qui n'est pas utilement contredite sur ce point, que la clientèle qui procède par réservation préalable est prépondérante, que les pains non servis à la fin d'une journée sont pour la plupart congelés et que les éléments dont disposait le service ne lui permettaient pas de reconstituer, sur la base d'une autre méthode, le chiffre d'affaires effectivement réalisé. Enfin si la SARL Les Vieux Amandiers propose une méthode alternative consistant à retenir la moyenne des taux de marge résultant de la monographie professionnelle établie par la fédération des centres de gestions agréés dans la restauration et celui constaté dans son établissement au titre des années 2016 et 2017, elle n'établit pas, par les pièces produites qui se rapportent au demeurant à des années postérieures à la période d'imposition en litige, que cette méthode serait plus proche de la réalité que celle retenue par l'administration fiscale.
12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Les Vieux Amandiers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des intérêts de retard et de l'amende prévue par l'article 1759 du code général des impôts infligés à la SARL Les Vieux Amandiers.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Les Vieux Amandiers est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Les Vieux Amandiers et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président,
- Mme C..., présidente assesseure,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 décembre 2020.
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N° 19MA00449
mtr