Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia de le décharger de l'obligation de payer la somme de 19 875,89 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 15 novembre 2017 émis à son encontre par le directeur du centre hospitalier d'Ajaccio en vue de la récupération d'un indu de rémunération.
Par un jugement n° 1701376 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 12 août 2019 et le 15 septembre 2020, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 13 juin 2019 ;
2°) de le décharger de l'obligation de payer la somme de 19 875,89 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
il existe une contradiction de motifs entre le jugement attaqué et celui rendu le 16 mars 2017 par le tribunal administratif de Bastia ;
- le tribunal administratif de Bastia a admis dans son jugement du 16 mars 2017 devenu définitif dont il peut se prévaloir l'existence d'une relation contractuelle avec le centre hospitalier d'Ajaccio ;
- le titre de recettes ne comporte pas la mention des bases de la liquidation de la créance en méconnaissance des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- les trois contrats établis en exécution du jugement du 16 mars 2017 ne peuvent pas comporter de clauses rétroactives sur la rémunération et ses accessoires ;
- le requérant est chirurgien et non praticien urgentiste ;
- les jours travaillés entre le 29 août et le 2 septembre 2014 n'ont pas été pris en compte.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2020, le centre hospitalier d'Ajaccio, représenté par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, les moyens sont inopérants dès lors qu'il était en situation de compétence liée pour émettre le titre exécutoire en exécution du jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 mars 2017 devenu définitif ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme C..., présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 19 875,89 euros mise à sa charge par le titre exécutoire du 15 novembre 2017 émis à son encontre par le directeur du centre hospitalier d'Ajaccio en vue de la récupération d'un indu de rémunération.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... soutient que certains motifs du jugement attaqué sont contradictoires avec certains de ceux du jugement n° 1500568 du 16 mars 2017 du tribunal administratif de Bastia également rendu dans un litige l'ayant opposé au centre hospitalier d'Ajaccio, un tel moyen concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ". Il résulte de ces dispositions, dont la rédaction ne comporte aucune ambiguïté, que tout état exécutoire doit indiquer les bases de la liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il est émis et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur.
4. Il ressort des termes du titre contesté que celui-ci renvoie à la lettre recommandée avec accusé de réception avec laquelle il a été notifié à M. A..., qui précise les motifs qui ont conduit le centre hospitalier d'Ajaccio à émettre le titre et, plus particulièrement, les articles du code de la santé publique applicables, les salaires versés pendant la période considérée et le mode de calcul des salaires qui auraient dû être perçus en tenant compte de l'échelon du grade de praticien hospitalier, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de la prime de précarité. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, il disposait des éléments d'information lui permettant d'appréhender et de discuter, le cas échéant, les modalités de calcul de la somme qui était mise à sa charge comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges. Il n'est par suite pas fondé à soutenir que le titre exécutoire émis à son encontre n'était pas suffisamment motivé.
5. En deuxième lieu, le requérant n'est pas fondé, pour contester l'obligation de payer en cause, à se prévaloir de l'autorité de chose jugée attachée au jugement devenu irrévocable du tribunal administratif de Bastia du 16 mars 2017 qui a retenu que son recrutement par le centre hospitalier d'Ajaccio pour faire face à une pénurie de médecins titulaires relevait du champ d'application de l'article L. 6152-1, 2° du code de la santé publique, de sorte que l'établissement de soins devait conclure directement avec lui un contrat de travail écrit, conformément aux dispositions de l'article R. 6152-412 du même code, et qu'il pouvait ainsi bénéficier des dispositions des articles L. 6152-401, 2° et R. 6152-401 et suivants de ce code relatives au repos quotidien et au temps de travail additionnel,
en l'absence d'identité d'objet entre ce jugement, qui concerne un refus de délivrance de documents - contrats de travail, bulletins de salaire et attestation " Pôle emploi " - contesté par la voie du recours pour excès de pouvoir et celui dont il est relevé appel, relatif au bien-fondé d'une créance publique. Par ailleurs, le centre hospitalier d'Ajaccio n'était pas tenu, contrairement à ce qu'il soutient, de procéder, en exécution du même jugement du 16 mars 2017 qui ne l'impliquait pas, à l'édiction du titre exécutoire en litige. Enfin, il n'existe en tout état de cause aucune contradiction entre les motifs de ce jugement du 16 mars 2017 relevant l'existence d'une relation contractuelle entre le requérant et l'établissement de soins et ceux du jugement attaqué précisant que M. A... ne peut pas se prévaloir des stipulations du contrat conclu entre le centre hospitalier d'Ajaccio et l'agence de placement " Alliance médicale ", compte tenu de la coexistence de différents contrats entre, d'une part, l'intermédiaire et le praticien, d'autre part, l'intermédiaire et l'établissement de soins et, enfin, le praticien et l'établissement de soins.
6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. A... a été recruté par l'intermédiaire de l'agence de placement " Alliance médicale " par le centre hospitalier d'Ajaccio en qualité de médecin urgentiste sur la base d'un salaire de 550 euros par 24 heures et a perçu une rémunération calculée sur cette base. Si le requérant n'a pas initialement conclu de contrat écrit avec l'établissement de soins, l'existence d'un accord tacite entre eux est toutefois révélée par l'exécution par l'intéressé de ses missions aux conditions notamment financières ainsi déterminées. Toutefois, une telle rémunération ne correspond pas à celles prévues par les dispositions des articles R. 6152-416 et D. 6152-417 du code de la santé publique. La clause de cet accord non formalisé qui prévoyait une rémunération supérieure à celle fixée par ces dispositions était de ce fait illicite. Il s'en suit qu'il y a lieu d'en écarter l'application et que le centre hospitalier d'Ajaccio, qui n'a pas motivé sa décision par l'existence des stipulations des contrats établis en exécution du jugement du 16 mars 2017 mais par l'inscription de la relation de travail dans le cadre strict des dispositions des articles L. 6151-l et suivants du code de la santé publique, est fondé à réclamer à M. A..., sur le fondement de l'enrichissement sans cause, la différence entre les montants qui lui ont été versés à tort en application de stipulations illicites et la rémunération à laquelle il avait droit en vertu des dispositions du code de la santé publique applicables.
7. En dernier lieu, l'intéressé ne démontre pas plus en première instance qu'en appel avoir continué à exercer ses fonctions après le 29 août 2014 et jusqu'au 2 septembre suivant et que certains jours de mission ne lui auraient pas été payés. Par ailleurs, alors même que les ordres de mission initiaux produits indiquent sa qualification en tant que médecin aux urgences affecté au service des urgences polyvalentes, M. A... n'établit pas davantage qu'il exerçait en qualité de chirurgien ni qu'en cette qualité il aurait dû bénéficier d'une rémunération plus avantageuse que celle d'un médecin urgentiste.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Ajaccio, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le centre hospitalier d'Ajaccio.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera au centre hospitalier d'Ajaccio une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au centre hospitalier d'Ajaccio.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 où siégeaient :
- Mme C..., présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme D..., première conseillère,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2020.
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N° 19MA03887
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