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11/01/2021 | FRANCE | N°18MA00776

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 11 janvier 2021, 18MA00776


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Chaffrey a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société Archéodunum, l'Etat, M. D... H... et la société SELE à lui verser la somme de 80 648,18 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires et du produit de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de l'effondrement de deux murs de la chapelle Saint-Arnould, survenu le 25 juillet 2013 et le 10 octobre 2013.

Par un jugement n° 1503891 du 20 décembre 2

017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Archéodunum à ve...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Chaffrey a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la société Archéodunum, l'Etat, M. D... H... et la société SELE à lui verser la somme de 80 648,18 euros toutes taxes comprises, majorée des intérêts moratoires et du produit de leur capitalisation, en réparation du préjudice subi du fait de l'effondrement de deux murs de la chapelle Saint-Arnould, survenu le 25 juillet 2013 et le 10 octobre 2013.

Par un jugement n° 1503891 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a condamné la société Archéodunum à verser la somme de 64 518,54 euros toutes taxes comprises à la commune de Saint-Chaffrey, M. H... à lui verser la somme de 8 064,82 euros toutes taxes comprises et la société SELE à lui verser la même somme.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2018, la société Archéodunum, représentée par la SCP François, Carreau, C..., Tramier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il fait droit aux conclusions de la commune de Saint-Chaffrey à son égard et de rejeter ces conclusions ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Chaffrey, de l'Etat, de M. H... et de la société SELE la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la signature du procès-verbal de fin de chantier le 5 juillet 2013 a mis fin à ses rapports contractuels avec la commune et sa responsabilité contractuelle ne pouvait donc plus être engagée pour des évènements postérieurs à cette date ;

- les ouvertures laissées dans le sol étaient apparentes lors de la signature de ce procès-verbal, de telle sorte que la commune avait connaissance des causes du désordre ;

- lors des effondrements survenus, elle n'était plus gardienne de l'ouvrage ;

- en application de l'article 16.3 de son marché, elle n'était pas tenue de reboucher les sondages qu'elle a effectués en dehors de ceux effectués le long du mur sud de l'édifice et elle n'a donc commis aucune faute contractuelle ;

- elle n'a pas procédé aux travaux de terrassement ;

- en tout état de cause, la commune ne démontre pas que le rebouchage des fouilles aurait préservé le mur ;

- le dommage résulte en tout état de cause exclusivement de la faute de la commune et de l'Etat, qui n'auraient pas dû faire réaliser des fouilles à proximité du mur ouest de la chapelle compte tenu de sa fragilité, ni engager des travaux de terrassement sans reprise de ce mur ;

- il n'existe en tout état de cause aucun lien de causalité entre son éventuelle faute et les deux effondrements.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 avril 2018, M. H..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) à titre principal et par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser la somme de 8 064,82 euros à la commune de Saint-Chaffrey et de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la commune de Saint-Chaffrey ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de Saint-Chaffrey, l'Etat et la société Archéodunum à le garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre ;

3°) de mettre la somme de 4 000 euros à la charge de la commune de Saint-Chaffrey ou de toute autre partie perdante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- n'étant pas chargé de la maîtrise d'oeuvre de l'opération de fouilles, sa responsabilité ne peut être engagée ;

- en tout état de cause, la fragilité des murs de l'édifice étant connue de tous les intervenants, et notamment de la commune et de l'entreprise de fouilles, il n'encourt aucune responsabilité du fait des dommages.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mai 2018, la commune de Saint-Chaffrey, représentée par Me F..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société Archéodunum ;

2°) de rejeter les conclusions d'appel provoqué de M. H... ;

3°) de mettre à la charge de la société Archéodunum et de M. H... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société Archéodunum n'était pas titulaire d'un marché de travaux mais d'un marché de fouilles et elle ne peut donc être assimilée à un constructeur, de telle sorte que sa responsabilité contractuelle perdurait en dépit de la signature du procès-verbal de fin de chantier ;

- elle n'a commis aucune faute dès lors qu'elle était tenue de procéder à ces fouilles en application des dispositions des articles L. 522-1, L. 523-6 et R. 523-39 du code du patrimoine ;

- les autres moyens soulevés par la société Archéodunum sont infondés ;

- l'appel provoqué de M. H... est irrecevable puisque, le jugement ayant prononcé des condamnations divises, son sort ne peut être aggravé par l'appel principal de la société Archéodunum ;

- à le regarder comme un appel principal, cet appel serait tardif.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2018, la société SELE, représentée par Me G..., demande à la Cour :

1°) à titre principal et par la voie de l'appel provoqué, d'annuler le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 8 064,82 euros toutes taxes comprises à la commune de Saint-Chaffrey et de rejeter les conclusions présentées à son encontre par la commune de Saint-Chaffrey ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué ;

3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de la société Archéodunum en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'était pas en mesure d'identifier la faiblesse des fondations du mur et n'a donc pas méconnu son obligation de conseil ;

- en tout état de cause, la fragilité des murs de l'édifice étant connue de tous les intervenants, et notamment de la commune et de l'entreprise de fouilles, elle n'encourt aucune responsabilité du fait des dommages.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2018, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'appel provoqué de M. H... est irrecevable puisque, le jugement ayant prononcé des conclusions divises, son sort ne peut être aggravé par l'appel principal de la société Archéodunum ;

- à le regarder comme un appel principal, cet appel serait tardif.

- les moyens soulevés par la société Archéodunum sont infondés.

Par une ordonnance du 4 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code du patrimoine ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. I... Grimaud, rapporteur ;

- les conclusions de M. E... Thielé, rapporteur public ;

- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant la société Archéodunum.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Saint-Chaffrey, propriétaire de la chapelle Saint-Arnould, a, le 22 octobre 2009, confié à M. H..., architecte des monuments historiques, le marché de maîtrise d'oeuvre d'une opération de restauration de cette chapelle. Par un contrat du 25 avril 2012, la société SELE s'est vu attribuer le lot n° 1 " maçonnerie pierre de taille " du marché de restauration de cet édifice. A la suite du dépôt, en juillet 2012, d'un rapport de diagnostic préventif de l'institut national de recherche et d'archéologie préventive (INRAP), le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par un arrêté du 4 octobre 2012, prescrit la réalisation de fouilles archéologiques de la chapelle. La commune de Saint-Chaffrey a attribué le marché de réalisation de ces fouilles archéologiques à la société Archéodunum le 19 avril 2013. Ces travaux de fouille ont eu lieu du 11 juin 2013 au 5 juillet 2013 et les travaux du marché de restauration ont débuté le 15 juillet 2013. Le 25 juillet 2013, la façade ouest de la chapelle s'est partiellement effondrée. Un nouvel effondrement a eu lieu le 10 octobre 2013, qui a affecté une portion de 2 mètres linéaires du mur nord au retour de la façade ouest. Ayant entrepris des travaux de restauration, la commune de Saint-Chaffrey a sollicité devant le tribunal administratif de Marseille la condamnation de l'Etat, de la société Archéodunum, de M. H... et de la société SELE à réparer le préjudice qu'elle a ainsi subi. Par le jugement attaqué, le tribunal a condamné la société Archéodunum à verser la somme de 64 518,54 euros toutes taxes comprises à la commune de Saint-Chaffrey, M. H... à lui verser la somme de 8 064,82 euros toutes taxes comprises et la société SELE à lui verser la même somme.

I. Sur l'appel principal :

I.1. En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Si la société Archéodunum soutient que le jugement n'a pas répondu à son argumentation relative aux fautes commises par l'Etat et la commune de Saint-Chaffrey, les premiers juges ont expressément répondu aux moyens relatifs à la responsabilité de l'Etat aux points 9 à 13 de leur décision. Par ailleurs, la société Archéodunum n'avait, devant les premiers juges, présenté aucune argumentation relative à une éventuelle faute de la commune. Elle n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation.

I.2. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

I.2.1. S'agissant de l'existence d'une réception :

4. Aux termes de l'article L. 521-1 du code du patrimoine : " L'archéologie préventive, qui relève de missions de service public, est partie intégrante de l'archéologie. Elle est régie par les principes applicables à toute recherche scientifique. Elle a pour objet d'assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l'étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d'être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l'aménagement. Elle a également pour objet l'interprétation et la diffusion des résultats obtenus. ". Aux termes de l'article L. 523-8 du même code : " La réalisation des opérations de fouilles d'archéologie préventive mentionnées à l'article L. 522-1 incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. Celle-ci fait appel, pour leur mise en oeuvre, soit à l'établissement public mentionné à l'article L. 523-1, soit à un service archéologique territorial, soit, dès lors que sa compétence scientifique est garantie par un agrément délivré par l'Etat, à toute autre personne de droit public ou privé ". Aux termes de l'article R. 523-41 de ce code dans sa version applicable au litige : " Les opérations de fouilles archéologiques prescrites par le préfet de région (...) sont réalisées sous la maîtrise d'ouvrage de l'aménageur ". En vertu de l'article R. 523-43 de ce code : " Si l'aménageur est une personne publique soumise au code des marchés publics, la passation du contrat de fouilles est soumise aux règles de passation des marchés de travaux fixées par ce code. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa version applicable au litige : " Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. (...) III. - Les marchés publics de travaux sont les marchés conclus avec des entrepreneurs, qui ont pour objet soit l'exécution, soit conjointement la conception et l'exécution d'un ouvrage ou de travaux de bâtiment ou de génie civil répondant à des besoins précisés par le pouvoir adjudicateur qui en exerce la maîtrise d'ouvrage. Un ouvrage est le résultat d'un ensemble de travaux de bâtiment ou de génie civil destiné à remplir par lui-même une fonction économique ou technique. / (...) Les marchés publics de services sont les marchés conclus avec des prestataires de services qui ont pour objet la réalisation de prestations de services ". L'article 12 du marché de fouilles confié à la société requérante stipule par ailleurs en son quatrième alinéa : " Lorsque la mission de l'opérateur prendra fin, un procès-verbal de fin de chantier est établi contradictoirement par l'opérateur et l'aménageur ".

5. En premier lieu, il résulte des dispositions ci-dessus reproduites que le marché par lequel une personne publique maître d'ouvrage confie à un tiers une opération de fouille d'archéologie préventive, s'il porte sur un bien immobilier, ne constitue pas un marché public de travaux, mais un marché public de services.

6. En deuxième lieu, si l'exécution de l'obligation du débiteur d'une prestation intellectuelle prend normalement fin avec la remise de son rapport et le règlement par l'administration du prix convenu, sa responsabilité reste cependant engagée, en l'absence de toute disposition ou stipulation particulière applicable à ce contrat, à raison des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues d'un professionnel pour la mission qui lui était confiée, sous réserve des cas où, ces insuffisances étant manifestes, l'administration aurait, en payant la prestation, nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises.

7. D'une part, il résulte de ce qui précède que, faute de stipulation contractuelle sur ce point dans le marché litigieux, la société Archéodunum n'est pas fondée à soutenir que le procès-verbal de fin de chantier qu'elle a dressé le 5 juillet 2013 avec les services de la commune constituerait un document valant réception de ses prestations et aurait pour effet, à l'instar du procès-verbal de réception établi dans le cadre d'un marché public de travaux, de mettre fin à la possibilité pour la commune d'engager sa responsabilité contractuelle, les stipulations ci-dessus reproduites de l'article 12 du marché se bornant à prévoir l'établissement d'un procès-verbal à la fin des fouilles, sans lui conférer la portée d'une décision de la commune de nature à mettre fin à la responsabilité contractuelle de l'entreprise.

8. D'autre part, il résulte de l'instruction que le rapport établi sur la base des fouilles, qui devait en application de l'article 20 du marché être remis au maître de l'ouvrage dans un délai de douze mois à compter de la fin de son intervention sur les lieux, a été déposé au mois d'avril 2015 et que le solde de ce marché a été réglé par la commune de Saint-Chaffrey le 19 mai 2015. Toutefois, il résulte de l'instruction que la commune a, dès le 21 octobre 2013, saisi son assureur afin, notamment, de déterminer la part de responsabilité des différents intervenants du chantier, dont la société Archéodunum, et a tenté à compter de ce moment d'engager la responsabilité de ceux-ci, par voie amiable puis, à compter de la délibération du 11 mai 2015 autorisant le maire à saisir le tribunal administratif de Marseille d'une action indemnitaire dirigée contre chacun d'entre eux, par voie contentieuse. La commune ne peut donc être regardée comme ayant nécessairement renoncé, en payant la prestation, à se prévaloir des fautes commises. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les deux effondrements survenus les 25 juillet 2013 et 10 octobre 2013 sont susceptibles d'engager sa responsabilité contractuelle dans la mesure où ils révéleraient des erreurs ou des carences résultant d'un manquement aux diligences normales attendues de ce professionnel.

I.2.2. S'agissant de la responsabilité de la société Archéodunum :

9. Aux termes des stipulations de l'article 7 du marché de fouilles, qui fait état des résultats du diagnostic réalisé par l'INRAP : " La faiblesse de l'extension occidentale de l'édifice a été confirmée (...) ". En vertu des stipulations de l'article 15.1 de ce marché, la mise en sécurité de l'aire de fouille : " sera réalisée par l'opérateur et à la charge de ce dernier. / La fouille ne dépassera pas 1,30 m de profondeur. / Afin d'éviter toute problématique de déstabilisation du mur sud de l'édifice, on procédera par sondages successifs de trois mètres de longueur maximale, chaque sondage étant rebouché avant ouverture du suivant ". En vertu de l'article 16.3 " terrassement " de ce marché : " le terrassement extérieur sera réalisé par notre sous-traitant, l'entreprise Payan-Ferrero (...) au moyen d'une pelle mécanique 2,8 T équipée d'un godet lisse et suivie par les archéologiques. / Compte tenu des délais de réalisation, les terres et déblais seront stockés sur place, dans l'attente de leur remobilisation dans le cadre des travaux d'aménagement. / Aucune remise en étant du terrain n'est prévue ".

10. En premier lieu, il résulte certes de ces stipulations que la société Archéodunum n'était, ainsi qu'elle le soutient, ni tenue de procéder à des sondages par passes successives pour les murs autres que le mur sud de la chapelle, ni tenue de reboucher les tranchées qu'elle ouvrait pour les besoins des fouilles auxquelles elle procédait.

11. Il résulte toutefois de l'instruction que ces stipulations, qui définissent la méthodologie de fouille, ont été arrêtées par les soins de la société Archéodunum elle-même dans le cadre de la soumission présentée à l'appel à concurrence publié par la commune de Saint-Chaffrey. Par ailleurs, l'existence de ces clauses ne la dispensait ni de réviser sa méthode de fouille afin de l'adapter aux spécificités de l'ouvrage, ni de mettre en oeuvre cette méthode avec les précautions nécessaires au regard de l'Etat de celui-ci. Or, il résulte de l'instruction que la société ne pouvait ignorer la quasi-absence de fondation du mur ouest de l'édifice et sa fragilité subséquente, qui ressortaient clairement tant du diagnostic préalable de l'INRAP, lequel constituait une pièce contractuelle en vertu de l'article 5 du marché de fouilles, que de l'article 7 du marché, qui soulignait également sa fragilité, dont la requérante a en outre été avertie au cours de l'exécution du

chantier par un message électronique de la direction régionale des affaires culturelles du 24 juin 2013 l'invitant à remblayer les fouilles ouvertes au fur et à mesure de son avancement " sans compactage compte tenu de l'instabilité des ouvrages ".

12. Il s'ensuit que la commune de Saint-Chaffrey est fondée à soutenir que la société Archéodunum a manqué aux diligences normales attendues d'une entreprise spécialisée dans les fouilles archéologiques et notamment à ses obligations contractuelles de prudence et de conseil, d'une part, en se dispensant de définir une méthode de fouille adaptée et, d'autre part, en faisant creuser à la pelle mécanique, par la société Payan-Ferrero, qui était son sous-traitant en vertu des stipulations de l'article 16.3 du marché, et selon une méthode qu'elle qualifie elle-même d'inadaptée, une tranchée continue le long de la façade extérieure ouest de l'édifice, ainsi que le long des murs nord et est et le long de la façade intérieure ouest de la chapelle, sans reboucher, ne serait-ce que partiellement ces tranchées, ce qui s'est traduit par la mise à nu de l'intégralité des fondations du mur ouest. Il résulte par ailleurs des règles exposées au 6 ci-dessus que la circonstance que les tranchées en cause étaient apparentes au jour de la libération de l'emprise par ses soins et que la requérante n'était plus, à la date des deux effondrements, gardienne de l'ouvrage, est sans incidence sur le principe de la responsabilité qu'elle encourt à raison de cette faute.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise établi par le cabinet d'expertise Exetech, lequel, à la différence du rapport du cabinet Arnal et Cerutti invoqué par la requérante, décrit précisément les causes des deux accidents, que ce dévoilement des fondations de l'édifice, constituées essentiellement de galets et pierres de petite taille dépourvues de matériau de liaison, est l'une des causes ayant contribué aux deux écroulements qu'a subis l'édifice. La société Archéodunum n'est par suite par fondée à soutenir qu'il n'existerait aucun lien de causalité entre la faute ci-dessus décrite et le dommage.

14. Si la société Archéodunum soutient, en troisième lieu, que l'Etat et la commune de Saint-Chaffrey ont commis une faute, le premier en prescrivant ces fouilles, la seconde en les faisant exécuter sur le fondement d'un cahier des charges ne prenant pas en compte la fragilité de l'édifice, il résulte de l'instruction qu'une opération de fouilles était possible sans dommage pour l'ouvrage moyennant une méthodologie adaptée, ainsi qu'en témoignent les fouilles réalisées en 2012 par l'INRAP et celles réalisées par la requérante le long du mur sud de la chapelle, et que la commune, qui était contrainte de réaliser ces fouilles et ne disposait d'aucun service technique susceptible de rédiger le cahier de charges de cette prestation, a adopté la méthodologie de fouille proposée par la société requérante. Il s'ensuit que ni l'Etat ni la commune de Saint-Chaffrey n'ont, contrairement à ce que soutient la requérante, commis de faute susceptible de l'exonérer de sa responsabilité.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Archéodunum n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle a commis une faute contractuelle, que cette faute contractuelle entretient un lien de causalité avec le dommage subi par la commune et qu'elle justifie dès lors sa condamnation, en tant que coauteur du dommage, à réparer celui-ci. Il s'ensuit que la requête de la société Archéodunum doit être rejetée.

II. Sur les conclusions d'appel provoqué dirigées contre la commune de Saint-Chaffrey :

16. Il résulte de ce qui précède qu'au terme de l'examen de l'appel principal formulé par la société Archéodunum, la situation de M. H... et de la société SELE n'est pas aggravée par le présent arrêt. Il y a lieu, dès lors, de rejeter leurs conclusions d'appel provoqué comme irrecevables.

III. Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de la commune de Saint-Chaffrey, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par la société Archéodunum et non compris dans les dépens. Il y a lieu au contraire de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la société Archéodunum, à verser à la commune de Saint-Chaffrey au même titre.

18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge respective des autres parties les frais d'instance exposés par elles et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Archéodunum est rejetée.

Article 2 : La société Archéodunum versera une somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Chaffrey sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Archéodunum, à la commune de Saint-Chaffrey, à M. H..., à la société SELE et au ministre de la culture.

Copie en sera adressée au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 21 décembre 2020, où siégeaient :

- M. Guy Fédou, président,

- Mme J... K..., présidente assesseure,

- M. I... Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 janvier 2021.

2

N° 18MA00776


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA00776
Date de la décision : 11/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-01 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: M. Philippe GRIMAUD
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : CABINET FRANCOIS, CARREAU, DUFLOT, TRAMIER et AUDA

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-01-11;18ma00776 ?
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