Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour valable pour la durée de cet examen, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2005012 du 5 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 novembre 2020, M. A..., représenté par Me D..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable le temps de ce réexamen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour viole les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête de M. A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 18 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 4 février 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... Grimaud, rapporteur,
- et les observations de Me D..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Entré en France en février 2014, M. A..., née le 24 décembre 1984 et de nationalité bosnienne, a demandé, le 2 avril 2019, l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 4 juin 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). ".
3. M. A... est entré en France en 2014 en compagnie de son épouse, également de nationalité bosnienne, et de sa fille, née en 2010. Il ressort des pièces du dossier qu'il réside en France de manière continue depuis cette date, soit depuis six ans à la date de la décision, et que le couple a donné naissance à sa deuxième fille le 25 avril 2014 à Marseille. Par ailleurs, le requérant a conclu un contrat de travail à durée indéterminée en 2015 et travaille depuis lors en qualité de maçon. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'épouse du requérant se trouve comme M. A... en situation irrégulière sur le territoire français après le rejet de leur demande d'asile en juin 2014, que leurs deux filles ne sont scolarisées, respectivement, qu'à l'école primaire et à l'école maternelle et que son épouse, qui ne travaille pas, n'a pas connu d'insertion socioprofessionnelle particulière. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, entré en France à l'âge de trente-et-un ans, serait dépourvu de toute attache privée et familiale en Bosnie. Dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a dès lors pas méconnu les dispositions précitées, en refusant de lui délivrer un titre de séjour.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
5. Ainsi qu'il vient d'être dit, les deux filles de M. A..., respectivement âgées de dix ans et six ans à la date de la décision attaquée, étaient scolarisées, l'une en classe primaire et l'autre en classe maternelle, et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne pourraient bénéficier d'une scolarité adaptée en Bosnie-Herzégovine, pays qu'elles peuvent regagner en même temps que leurs parents, qui ont tous deux la nationalité de cet Etat. L'arrêté attaqué n'a donc ni pour objet ni pour effet de les priver de la possibilité de poursuivre une scolarité ou de les séparer de leurs parents. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à arguer de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort de ce qui vient d'être dit au point 3 ci-dessus que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas, en obligeant M. A... à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, par leur jugement, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 4 juin 2020. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par M. A... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 février 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme C... E..., présidente assesseure,
- M. B... Grimaud, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 février 2021.
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N° 20MA04063