Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner le Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde à lui verser la somme de 414 525,70 euros, à parfaire, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.
Par un jugement n° 1600954 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Montpellier a condamné le SICTOM de Pézenas-Agde à verser à M. B..., à titre de dommages et intérêts, la somme de 47 051,10 euros (quarante-sept mille cinquante et un euros et dix centimes) assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2015 et capitalisation des intérêts à compter du 5 août 2016 et mis à la charge du SICTOM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 août 2018 sous le n° 18MA04065, le SICTOM de Pézenas-Agde, représenté par le cabinet Peyrical et Sabatier associés, demande à la Cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2018 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. B... une somme de 20 000 euros dans ses troubles d'existence et 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a insuffisamment motivé sa décision s'agissant de la somme octroyée au titre des troubles dans les conditions d'existence ;
- M. B... n'a pas subi de préjudice dû à des troubles dans ses conditions d'existence ;
- la somme mise à sa charge au titre du préjudice moral de l'intéressé est excessive ;
- en tout état de cause, il y a lieu de prendre en compte les fautes commises par cet agent.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, M. B..., représenté par le Cabinet Graphene avocats, conclut au rejet de la requête et, par la voie reconventionnelle, à la réformation du jugement en tant qu'il ne lui a accordé que la somme globale de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, à la condamnation du SICTOM de Pézenas-Agde à lui verser une somme de 131 211,51 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence, 80 000 euros au titre de son préjudice moral et 28 787,87 euros au titre de son dédommagement de ses frais de conseil, l'ensemble de ces sommes étant augmentées des intérêts de droit à compter du jour de sa demande préalable et, en tout état de cause, à la mise à la charge du SICTOM de Pézenas-Agde d'une somme de 3 000 euros au titre de l'instance devant le tribunal administratif de Montpellier et 4 500 euros au titre de l'instance devant la Cour en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que sa réintégration a été tardive ;
- il est également irrégulier en ce que les premiers juges n'ont pas statué sur sa demande d'indemnisation des frais de conseil ;
- la responsabilité du SICTOM de Pézenas-Agde est engagée au regard de l'illégalité fautive de la décision du 1er octobre portant licenciement constatée par la cour de céans ;
- il est en droit de percevoir une somme de 29 663,83 euros au titre de sa perte de revenus pour la période d'octobre 2013 à juillet 2016 ;
- il est en droit de percevoir une somme au titre de la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits de pension de retraite ;
- il est en droit de percevoir une indemnité de préavis de licenciement ;
- il a subi un préjudice du fait de sa réintégration tardive ;
- il a également subi des troubles dans ses conditions d'existence ;
- son préjudice moral s'élève à 80 000 euros ;
- les moyens soulevés par le SICTOM Pezenas-Agde ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 31 août 2018 sous le n° 18MA04095, M. B..., représenté par le cabinet Graphene avocats, demande à la Cour :
1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2018 en tant qu'il a condamné le SICTOM de Pézenas-Agde à lui verser une somme de 4 787,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et de le réformer pour le surplus ;
2°) de condamner le SICTOM de Pézenas-Agde à lui verser une somme de 294 074,51 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts de droit à compter de la réception de sa demande préalable ;
3°) de mettre à la charge du SICTOM de Pézenas-Agde une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que sa réintégration a été tardive ;
- la responsabilité du SICTOM de Pézenas-Agde est engagée au regard de l'illégalité fautive de la décision du 1er octobre 2013 portant licenciement constatée par la cour de céans ;
- il est en droit de percevoir une somme de 29 663,83 euros au titre de sa perte de revenus pour la période d'octobre 2013 à juillet 2016 ;
- il est en droit de percevoir une somme au titre de la reconstitution de ses droits sociaux et de ses droits de pension de retraite ;
- il est en droit de percevoir une indemnité de préavis de licenciement ;
- il a subi un préjudice du fait de sa réintégration tardive ;
- il a également subi des troubles dans ses conditions d'existence ;
- son préjudice moral s'élève à 80 000 euros.
La requête a été communiquée au SICTOM de Pézenas-Agde qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Roux, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18MA04065 et n° 18MA04095 présentées respectivement par le SICTOM de Pézenas-Agde et M. B... sont relatives à la situation d'un même agent public et dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
2. M. B... a été recruté par le syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde, en qualité d'ingénieur territorial en chef afin d'assurer la direction et la coordination des services techniques, de la préparation et du suivi des projets et des marchés publics par deux contrats de travail à durée déterminée portant sur la période du 1er mars 2005 au 28 février 2011, puis par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2011. Par décisions du 9 septembre et du 1er octobre 2013, le président du SICTOM de Pézenas-Agde l'a respectivement suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois et licencié pour motif disciplinaire à compter du 3 octobre 2013. Par un jugement du 27 mars 2015, confirmé en appel le 30 juin 2017, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces deux décisions. Par un second jugement du 29 juin 2018, le même tribunal a condamné le SICTOM de Pézenas-Agde à verser à M. B... à titre de dommages et intérêts la somme de 47 051,10 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 août 2015 et capitalisation des intérêts à compter du 5 août 2016 et mis à la charge du SICTOM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le SICTOM de Pézenas-Agde fait appel de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser une somme de 30 000 euros à M. B... au titre de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence. Celui-ci, pour sa part, fait appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à sa demande et sollicite la condamnation du SICTOM à lui verser une somme de 294 074,51 euros à titre de dommages et intérêts en sus des 4 787,48 euros auquel le tribunal a condamné le SICTOM de Pézenas-Agde à lui verser au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments invoqués par le SICTOM de Pézenas-Agde en défense, a suffisamment motivé, en son point 6, son jugement pour justifier du montant de la somme accordée à M. B... au titre des troubles dans ses conditions d'existence.
4. En deuxième lieu, les premiers juges ont statué, au point 8 de leur décision, sur sa demande d'indemnisation au titre des frais de conseil qu'il a exposés.
5. En dernier lieu, le tribunal a statué au point 5 du jugement sur les conclusions de cet agent tendant à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi du fait du retard mis par son employeur à exécuter le jugement du 27 mars 2015.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'engagement de la responsabilité du SICTOM de Pézenas-Agde :
6. Pour confirmer le jugement du 27 mars 2015, la cour de céans a estimé, d'une part, que les cinq griefs retenus à la charge de M. B... par le SICTOM dans sa décision du 1er octobre 2013 n'étaient soit pas établis soit dénués de caractère fautif et, d'autre part, qu'aucun des motifs dont il demandait la substitution n'était de nature à justifier le licenciement de l'intéressé. L'illégalité ainsi constatée de cette décision constitue une faute de nature à engager la responsabilité du SICTOM de Pézenas-Agde.
7. Toutefois, il résulte également de l'arrêt du 30 juin 2017 que M. B... a procédé à une analyse des offres d'un marché concernant le site de l'ancien centre d'enfouissement technique de Bessan selon des critères qu'il avait proposés mais qui n'avaient pas été repris dans le règlement de la consultation des entreprises de ce marché. Une telle faute, qui est susceptible d'engager la responsabilité du SICTOM vis-à-vis des entreprises évincées de la procédure d'attribution en droit de lui réclamer des dommages et intérêts, constitue un manquement grave aux obligations d'intégrité professionnelle d'un agent évoluant à un tel niveau de responsabilité et qui affecte l'image dudit SICTOM, est de nature à exonérer l'administration de sa responsabilité à hauteur de 30 %.
En ce qui concerne le préjudice indemnisable :
S'agissant du préjudice matériel :
8. En premier lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doivent être prises en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
9. D'une part, la période de responsabilité du SICTOM court du 3 octobre 2013, date de la prise d'effet de la décision du 1er octobre précédent jusqu'au 11 avril 2016, date à laquelle cette administration l'a mis en demeure, par courrier du 22 mars 2016, de reprendre ses fonctions, ce que l'intéressé a refusé de faire sans que celui-ci ne puisse utilement se prévaloir ni du fait que le tribunal n'avait défini aucune mesure d'exécution, ni du fait que le jugement du 27 mars 2015 n'était pas définitif ni encore du fait que son poste aurait été pourvu ou que cette mise en demeure soit intervenue plus d'un an après ce jugement. D'autre part, il est constant que le traitement net mensuel que M. B... aurait perçu s'il était demeuré en activité s'élève à 6 192,14 euros, soit pour la période ci-dessus définie un total de 188 034,70 euros. Il résulte par ailleurs de l'instruction que l'intéressé, qui n'établit pas ne pas avoir bénéficié de l'exonération des charges découlant du dispositif ACCRE, a perçu sur cette période une somme de 48 930,14 euros en qualité d'auto-entrepreneur ainsi qu'une somme de 113 644,06 euros en qualité de salarié, soit un total de 162 574,20 euros. Dans ces conditions, et en application des principes rappelés au point précédent, le préjudice subi par M. B... au titre de sa perte de revenus au cours de la période considérée s'élève à la somme de 25 460,50 euros.
10. En deuxième lieu, M. B... n'est pas fondé à demander à être indemnisé de l'achat du véhicule qu'il a effectué à la suite de son licenciement afin de remplacer le véhicule de fonction dont il bénéficiait et de ses frais d'assurance dès lors que la mise à disposition de ce véhicule constituait un avantage en nature lié à l'exercice effectif de ses fonctions.
11. En troisième lieu, les demandes présentées par M. B... au titre de sa reconstitution de carrière et au titre d'une indemnité de licenciement ne comportent aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'il a développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces chefs de préjudices par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 7 figurant sous la rubrique relative au préjudice financier de leur jugement.
12. En quatrième lieu, M. B..., qui a d'ailleurs indiqué au président du SICTOM, par lettre du 28 avril 2016, qu'il n'entendait pas reprendre ses fonctions, ne justifie pas au titre du retard mis par le SICTOM à exécuter le jugement du 27 mars 2015, d'un préjudice distinct de celui qui est indemnisé par l'allocation des intérêts de droit qu'il demande par ailleurs.
13. En dernier lieu, les frais de justice, s'ils ont été exposés en conséquence directe d'une faute de l'administration, sont susceptibles d'être pris en compte dans le préjudice résultant de l'illégalité fautive imputable à l'administration. Toutefois, lorsque l'intéressé a fait valoir devant le juge une demande fondée sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le préjudice est intégralement réparé par la décision que prend le juge sur ce fondement. Il n'en va autrement que dans le cas où le demandeur ne pouvait légalement bénéficier de ces dispositions. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. B... ayant pu bénéficier de ces dispositions durant les diverses instances engagées, les frais qu'il a exposés ont fait l'objet d'une appréciation d'ensemble dans ce cadre qui exclut toute demande indemnitaire de ce chef sur un autre fondement juridique.
S'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence :
14. Il résulte de l'instruction d'une part, que M. B... a subi un préjudice moral du fait de son licenciement brutal, la décision du 1er octobre 2013 lui ayant été notamment notifiée par huissier à son domicile le soir alors même qu'il était présent sur son lieu de travail dans la journée. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'il a été contraint du fait de cette mesure illégale d'éviction, qui a entraîné une aggravation de son état de santé psychologique déjà fragile, de rechercher un nouvel emploi, qu'il a toutefois retrouvé très rapidement, le conduisant à réorganiser sa vie professionnelle et familiale. En revanche, son déménagement à Neuilly-sur-Seine et les désagréments de tout ordre qu'il a impliqués ne sont pas en lien direct avec cette mesure mais avec le classement de son épouse au concours national des notaires qui n'a pas permis à cette dernière de pouvoir exercer cette profession à Castelnau Le Lez. De même, les frais qu'il a exposés afin de travailler à Nice, qui ne présentent d'ailleurs pas le caractère de troubles dans les conditions d'existence, sont uniquement en lien direct avec le choix professionnel de l'intéressé. Dans ces conditions, le préjudice moral et celui dans les troubles dans les conditions d'existence de M. B... doivent être évalués à la somme globale de 10 000 euros.
15. Compte tenu du partage de responsabilité retenu au point 7, l'indemnité que la SICTOM de Pézenas-Agde devra verser à M. B... au titre de l'ensemble des préjudices invoqués dans la présente instance s'établit à la somme de 24 822,30 euros.
Sur les intérêts :
16. M. B... a droit, comme il se borne à le demander, aux intérêts au taux légal sur la somme de 24 822,30 euros à compter du 5 août 2016, date de réception de sa demande préalable.
Sur les frais liés au litige :
17. Dans les circonstances de l'espèce il y lieu de laisser à la charge de chaque partie les frais par elle exposés.
D É C I D E :
Article 1er : Le Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SICTOM) de Pézenas-Agde est condamné à verser à M. B... une somme de 24 822,30 euros à titre de dommages et intérêts. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 août 2016.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 29 juin 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au Syndicat intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères de Pézenas-Agde.
Délibéré après l'audience du 16 février 2021, où siégeaient :
- M. Chazan, président,
- Mme A..., président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2021.
N° 18MA04065, 18MA04095 2