Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Frangaz a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à lui verser respectivement les sommes de 1 300 000 euros et de 633 333 euros, en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de l'illégalité du permis de construire délivré le 15 septembre 2004 par le préfet de l'Aude à la chambre de commerce et d'industrie pour la réalisation du bâtiment dit " prestataires " sur la zone portuaire de la commune de Port-la-Nouvelle et des agissements fautifs du pétitionnaire pour obtenir ce permis de construire.
Par un jugement n° 1605438, 1705804 du 25 janvier 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 25 mars 2019, le 25 avril 2019 et le 28 janvier 2020, la société Frangaz, représentée par la SCP B..., Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 janvier 2019 ;
2°) de condamner l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à lui verser respectivement les sommes de 1 300 000 euros et de 633 333 euros, sauf à parfaire en fonction de la somme qui sera définitivement mise à sa charge au titre des mesures foncières prescrites par le plan de prévention des risques technologiques autour des sites des établissements Foselev-Logistique, EPPLN, Antargaz et Frangaz ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude chacun la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car sa minute n'a pas été signée par le président de la formation de jugement et par son greffier d'audience ;
- il a été pris en méconnaissance du contradictoire dans la mesure où l'ensemble des écritures présentées par le préfet et la chambre de commerce et d'industrie ne lui a pas été communiqué ;
- le jugement est insuffisamment motivé au regard de l'argumentation qu'elle avait présentée en première instance s'agissant des fautes commises et du lien de causalité entre ces fautes et le préjudice qu'elle a subi ;
- ni dans ses visas ni dans ses motifs, le jugement ne mentionne les fautes reprochées à l'Etat et à la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude ;
- le permis de construire du 15 septembre 2004 a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la construction envisagée se situant déjà à cette date dans la zone de danger de la société Frangaz ;
- le permis de construire n'a pu être délivré qu'en raison des agissements fautifs de la chambre de commerce et d'industrie qui ne pouvait ignorer l'existence d'un risque industriel et s'est rendue coupable de fausses déclarations tenant à ce que le projet n'engendrerait pas une augmentation de la population dans la zone en cause ;
- la chambre de commerce et d'industrie a en outre commencé les travaux de construction alors que le permis de construire était devenu caduc et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- son préjudice trouve directement son origine dans le permis de construire illégal et les agissements fautifs de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude et non pas dans les dangers liés à son activité ;
- elle est fondée à demander la réparation de son préjudice, alors même qu'elle n'a pas contesté l'arrêté du 28 décembre 2015 fixant la répartition des contributions financières aux mesures foncières prescrites par le plan de prévention des risques technologiques ;
- toute autre solution la priverait de la seule voie de droit qui lui est ouverte pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi en raison des mesures foncières mises à sa charge.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 4 octobre 2019 et le 4 mai 2020, la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude, représentée par SCP Bouyssou et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Frangaz au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Frangaz ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Frangaz ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Frangaz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 novembre 2014, le préfet de l'Aude a approuvé le plan de prévention des risques technologiques autour des sites de plusieurs établissements, autorisés au titre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement, dont ceux de la société Frangaz situés sur la zone portuaire de la commune de Port-la-Nouvelle. Conformément aux dispositions du III de l'article L 515-16 du code de l'environnement, ce plan a défini une zone où, en raison de risques important d'accident présentant un danger très grave pour la vie humaine, il pouvait être procédé à l'expropriation pour cause d'utilité publique de deux immeubles dits " bâtiments outillage " et " bâtiment prestataires ", ce dernier bâtiment ayant été édifié en vertu d'un permis de construire délivré le 15 septembre 2004 par le préfet de l'Aude à la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne devenue en 2016 la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à la suite d'une fusion avec celle de Carcassonne. Aucun accord n'ayant été trouvé entre l'Etat, les collectivités territoriales compétentes et la société Frangaz sur le financement des mesures foncières prévues par le plan, le préfet de l'Aude a, par un arrêté du 28 décembre 2015, fixé leur coût global à 1 900 000 euros et le montant de la participation financière de la société Frangaz à ces mesures à 633 333 euros, soit 33,33 % de ce montant total. La société Frangaz, estimant que le " bâtiment prestataires " avait été édifié en vertu d'un permis de construire illégal et qu'elle n'avait pas à supporter les conséquences de cette installation qui, selon elle, n'aurait pas dû avoir lieu, a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à l'indemniser du coût des mesures foncières mises à sa charge par l'arrêté du 28 décembre 2015 en raison de l'illégalité fautive entachant, selon elle, ce permis de construire et des agissements fautifs du pétitionnaire. La société Frangaz relève appel du jugement du 25 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que, pour écarter les moyens tirés de l'illégalité fautive entachant le permis de construire, des agissements frauduleux du pétitionnaire et du lien de causalité allégué entre ces fautes et le préjudice résultant du coût des mesures foncières mises à la charge de la société Frangaz au titre du plan de prévention des risques technologiques, le tribunal administratif s'est borné à relever que le préjudice invoqué correspondait exactement au montant mis à la charge de la société Frangaz au titre des mesures foncières du plan et trouvait son origine, non pas dans la délivrance du permis de construire autorisant la construction du bâtiment mais dans la dangerosité même de son activité ayant conduit à la mise en oeuvre du plan de prévention des risques technologiques approuvé en 2014, et dont les conséquences financières avaient été fixées par l'arrêté du 28 décembre 2015. Il résulte cependant de l'instruction que la société Frangaz faisait valoir devant lui que l'une des principales illégalités fautives reprochées à l'administration résidait dans la circonstance que lors de la délivrance du permis de construire, le préfet n'avait pas pris en compte la zone de danger qui, déjà à cette date, frappait l'aire de construction du " bâtiment prestataires ". Eu égard à l'argumentation dont il était saisi, en statuant ainsi qu'il l'a fait, et alors, d'une part, qu'il était allégué que c'était cette dangerosité même qui imposait à l'autorité préfectorale de refuser la délivrance du permis de construire sollicité et que, d'autre part, c'était de la teneur de cette faute qu'était susceptible de découler, le cas échéant, un lien de causalité entre la délivrance du permis de construire et le préjudice invoqué, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une insuffisance de motivation. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le jugement attaqué doit être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la société Frangaz devant le tribunal administratif de Montpellier.
Sur les conclusions indemnitaires de la société Frangaz :
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :
4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".
5. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il appartenait au préfet de l'Aude, agissant au nom de l'Etat, d'apprécier si le projet de construction pour lequel la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne sollicitait un permis de construire était de nature à porter atteinte à la sécurité publique et de refuser de délivrer, le cas échéant, un permis de construire en se fondant sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
7. Il résulte de l'instruction que la société BP France, qui exploitait sur la zone portuaire de Port-la-Nouvelle un centre emplisseur de gaz de pétrole liquéfié (GPL) avant que ces installations ne soient reprises par la société Frangaz, avait réalisé en juin 1995 une étude de danger à la demande de l'Etat. Celle-ci a, par la suite, été complétée et actualisée à plusieurs reprises et notamment en août 2002 et en avril 2003. Au vu de cette étude, les services de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) avaient recommandé l'établissement autour du site exploité par la société Frangaz d'une zone de protection rapprochée (ZPR) dite BLEVE Z1 BP (Boiling Expanding Vapour Explosion) dont la limite était fixée à la date de la demande du permis de construire en litige à 705 mètres des installations, correspondant à une zone d'accident avec conséquences mortelles pour les personnes présentes, ainsi qu'une zone de protection éloignée (ZPE) dite BLEVE Z2 BP dont la limite était distante de 825 mètres de ces mêmes installations, correspondant à l'apparition d'effets irréversibles pour la santé ou à des blessures sérieuses. Consulté sur le projet de révision du plan d'occupation des sols de la commune, le directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement avait demandé par un courrier du 10 mai 2001 adressé aux services de la direction départementale de l'équipement que ces zones soient prises en compte dans le document d'urbanisme en cours d'élaboration en prévoyant de ne pas y augmenter notablement le nombre de personnes présentes en zone ZPR et de limiter à 25 personnes à l'hectare le nombre de personnes admis dans la zone ZPE, soulignant que la mise en place de telles restrictions était justifiée par un souci de " protection des populations riveraines contre les conséquences dramatiques d'un éventuel accident mettant en cause le rejet de quantités suffisantes d'énergie ou de gaz toxiques ".
8 Le projet autorisé par le permis de construire en litige consiste en la réalisation d'un bâtiment de 1478 m² dans la zone de protection rapprochée (ZPR) dite BLEVE Z1 BP comprenant des ateliers et magasins destinés à accueillir des équipements de manutention appartenant à des sociétés opérant sur le port ainsi que des surfaces de bureaux affectées à des sociétés de transit et de manutention portuaires, à des sociétés de contrôle d'opération de chargement et de déchargement, ainsi qu'au concessionnaire du port. Selon la notice explicative jointe au dossier de demande de permis de construire, le projet prévoyait l'aménagement de cinq locaux à usage de bureau au rez-de-chaussée et de quatre à l'étage.
9. En l'espèce, il appartenait au préfet, en l'absence à la date de délivrance du permis de construire d'un plan de prévention des risques technologiques approuvé ou rendu opposable, d'apprécier l'existence de tels risques au regard des données alors disponibles et notamment des études de danger existantes et des avis émis par les services de la DRIRE. Il résulte tant des éléments mentionnés au point 7, que de l'avis émis le 7 juillet 2004 par les services de la DRIRE sur la demande de permis de construire, que les risques liés à la proximité des installations de la société Frangaz étaient connus de l'autorité administrative tout comme la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisaient. Les services de la DRIRE demandaient d'ailleurs dans cet avis du 7 juillet 2004 qu'il soit tenu compte des recommandations émises par le courrier précité du 10 mai 2001 s'agissant d'une implantation située dans une zone où pouvaient apparaître des effets irréversibles pour la santé. S'il est soutenu que le " bâtiment prestataires " n'était destiné qu'à abriter du personnel déjà présent dans la zone sans en augmenter le nombre et que ces bureaux n'avaient pas vocation à être occupés en continu par du personnel administratif, ces circonstances sont étrangères à l'existence d'un risque vital pour les personnes amenées à y exercer habituellement leur activité au nombre d'une trentaine environ. Par ailleurs, la circonstance qu'aucune interdiction de construire n'ait été prescrite en zone de protection rapprochée ne dispensait pas l'autorité administrative, lors de l'examen de la demande de permis de construire, d'apprécier l'existence de tels risques pour les occupants du bâtiment. Enfin, si le permis de construire a été assorti d'une prescription spéciale en matière de risques technologiques prévoyant que le demandeur serait tenu de s'assurer du respect de la règlementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement notamment en raison des activités projetées dans les locaux construits et qu'il serait tenu de vérifier la compatibilité de ces activités projetées avec les zones de risques technologiques dans le secteur, cette prescription n'avait ni pour objet ni pour effet de restreindre l'usage du bâtiment de manière à limiter les risques pour ses occupants. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, la société Frangaz est fondée à soutenir que le préfet de l'Aude a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code l'urbanisme en délivrant l'autorisation en cause et qu'il a ainsi commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude :
10. Il ne résulte pas de l'instruction que lors du dépôt de la demande de permis de construire du " bâtiment prestataires ", la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne ait entendu tromper les services de la préfecture par une présentation parcellaire de son projet ou des formulations ambiguës, ni qu'elle ait manifesté une intention frauduleuse en sollicitant l'autorisation en litige. Notamment, il n'est nullement établi qu'elle aurait tenté de dissimuler le nombre de personnes susceptibles d'être présentes dans la partie " bureaux " du projet. Il ne saurait, par suite, lui être reprochée une faute à ce titre.
11. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de délivrance du permis de construire le 15 septembre 2004 : " Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année ".
12. En l'espèce, aucune des pièces produites ne permet d'établir la date à laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne a reçu notification du permis de construire qui qui lui a été délivré le 15 septembre 2004. Par suite, le délai de péremption du permis de construire, qui est de deux ans en application des dispositions de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme, n'a pu commencer à courir. Dès lors, la société Frangaz n'est pas fondée à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne a commis une faute en construisant le bâtiment en litige sur le fondement d'un permis de construire périmé.
13. En revanche, il résulte de l'instruction que la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne, qui exploitait le port de commerce depuis 1948, connaissait parfaitement, lors du dépôt de la demande de permis de construire, l'état du site et l'existence de risques industriels liés à la proximité des installations exploitées par la société Frangaz, ainsi que le périmètre de cette zone de risque tel qu'il était défini en 2004. D'ailleurs, la notice explicative relative à la prise en compte des risques industriels annexée à sa demande de permis de construire fait état de ce que les personnes qui sont appelées à travailler sur le site " sont informées, sensibilisées et formées sur la nature des différents produits manutentionnés et stockés sur la zone et possèdent une bonne culture des risques industriels ". Elle ne pouvait ainsi ignorer que le terrain choisi pour l'implantation du " bâtiment prestataires " correspondait à une zone d'accident avec conséquences mortelles pour les personnes présentes. En décidant néanmoins la réalisation de son projet dans cette zone, alors même qu'il aurait été justifié par les besoins de l'exploitation portuaire, elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
14. Il résulte de ce qui précède que la société Frangaz est également fondée à rechercher la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude à raison de ces agissements.
En ce qui concerne le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice allégué de la société Frangaz :
15. Aux termes de l'article L. 515-19 du code de l'environnement dans sa rédaction applicable au litige : : " I.- L'Etat, les exploitants des installations à l'origine du risque et les collectivités territoriales compétentes ou leurs groupements compétents, dès lors qu'ils perçoivent la contribution économique territoriale dans le périmètre couvert par le plan, assurent le financement des mesures prises en application du II et du III de l'article L. 515-16 et de l'article L. 515-16-1ainsi que des dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future. A cet effet, ils concluent une convention fixant leurs contributions respectives. / Lorsque le coût des mesures prises en application des II et III des mêmes articles L. 515-16 et L. 515-16-1, additionné au montant des dépenses liées à la limitation de l'accès et à la démolition éventuelle des biens exposés afin d'en empêcher toute occupation future, est inférieur ou égal à trente millions d'euros et que la convention qui prévoit le financement de ces mesures n'est pas signée dans un délai de douze mois après l'approbation du plan, ce délai pouvant être prolongé de quatre mois par décision motivée du préfet en ce sens, les contributions de chacun, par rapport au coût total, sont les suivantes : a) L'Etat contribue à hauteur d'un tiers ; b) Les collectivités territoriales ou leurs groupements compétents percevant la contribution économique territoriale contribuent à hauteur d'un tiers, au prorata de la contribution économique territoriale qu'ils perçoivent des exploitants des installations à l'origine du risque ; c) Les exploitants des installations à l'origine du risque contribuent à hauteur d'un tiers, selon une répartition que le préfet fixe par arrêté lorsque plusieurs exploitants figurent dans le périmètre couvert par le plan. (...) ".
16. Il résulte de l'instruction que le plan de prévention des risques technologiques approuvé par arrêté préfectoral du 19 novembre 2014 prévoit au titre des mesures foncières mentionnées au III de l'article L. 515-16 du code de l'environnement l'expropriation pour cause d'utilité publique de deux immeubles dits bâtiment " outillage " et bâtiment "prestataires " au motif qu'ils sont soumis à des risques importants d'accident à cinétique rapide présentant un danger très grave pour la vie humaine. En l'absence d'accord sur le financement de ces mesures et après avoir constaté que la convention qui prévoit leur financement n'avait pas été signée dans le délai mentionné à l'article L. 515-19 du code de l'environnement, le préfet de l'Aude a, par un arrêté du 28 décembre 2015, fixé en application de ces dispositions leur coût global à 1 900 000 euros et le montant de la participation financière de la société Frangaz à ces mesures à 633 333 euros, soit 33,33 % de ce montant total. La société Frangaz estimant ne pas devoir payer la contribution qui lui est demandée au motif que le " bâtiment prestataires " a été édifié en vertu d'un permis de construire illégal, demande le versement par l'Etat d'une indemnité de 1 300 000 euros à raisons de la faute commise à l'occasion de la délivrance de ce permis et le versement par la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude d'une indemnité de 633 333 euros à raison de ses agissements fautifs.
17. En l'espèce, l'illégalité commise par l'Etat présente un lien de causalité direct avec le préjudice résultant de l'obligation mise à la charge de la société Frangaz de financer les mesures foncières liées au bâtiment " prestataires ", au motif que si le préfet s'était abstenu, comme il le devait, de délivrer le permis de construire ce bâtiment, sa construction n'aurait pas été rendue possible et aucune mesure foncière n'aurait été à prévoir à ce titre. Cette construction et les mesures foncières qu'elle nécessite trouvent également leur origine directe dans l'imprudence fautive de la chambre de commerce et d'industrie de Narbonne qui, nonobstant les éléments dont elle avait connaissance et la faculté qu'elle avait de rechercher une autre implantation du bâtiment dans la zone portuaire en sa qualité de gestionnaire du port, a décidé de poursuivre son projet d'aménagement dans un secteur particulièrement exposé aux dangers pour les personnes amenées à y exercer leur activité. Cette faute a ainsi directement concouru à la réalisation du préjudice subi par la société Frangaz[0]. Il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des circonstances de l'espèce en mettant les conséquences dommageables de l'implantation du " bâtiment prestataires " pour moitié à la charge de l'Etat et pour moitié à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude.
18. Il résulte de l'instruction que, sur le fondement des dispositions de l'article L. 515-16-6 du code de l'environnement, issu de l'ordonnance n° 2015-1324 du 22 octobre 2015, le préfet de l'Aude a, par un premier arrêté du 29 avril 2019, modifié l'arrêté du 28 décembre 2015 et retiré le " bâtiment outillage " du secteur qui faisait l'objet des mesures foncières. Il a corrélativement modifié le montant de ces mesures désormais limitées au seul " bâtiment prestataire ". Leur coût a été évalué à 1 420 000 euros, correspondant à la valeur vénale actualisée en 2018 de ce bâtiment, somme à laquelle il convient d'ajouter les dépenses ultérieures de démolition et de sécurisation. La société Frangaz a été appelée à contribuer à hauteur d'un tiers à l'ensemble de ces dépenses. Puis, par un second arrêté du 30 avril 2019, le préfet a adopté une mesure alternative, imposant le départ sous trois mois des activités exercées dans le bâtiment prestataire et mis le coût de cette mesure, fixé à 1 293 000 euros, à la charge conjointe de l'Etat, des collectivités compétentes et de la société Frangaz selon la même clé de répartition. Il en résulte que le coût mis à la charge de la société Frangaz ne s'élève plus à ce titre qu'à la somme de 431 000 euros dont elle s'est acquittée à la suite de la mise en demeure qui lui a été adressée le 10 juin 2020 par le préfet de l'Aude. Il résulte de ce qui précède que la société Frangaz est seulement fondée à demander, en réparation de son préjudice, le versement de la somme de 431 000 euros.
19. Compte tenu du partage de responsabilité fixé ci-dessus, il y a lieu de condamner l'Etat, d'une part, et la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude, d'autre part, à verser chacun à la société Frangaz la somme de 215 500 euros.
En ce qui concerne les intérêts :
20. La société Frangaz avait demandé, devant le tribunal administratif de Montpellier, que la somme due par l'Etat porte intérêt. Elle a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 215 500 euros due par l'Etat à compter du 13 juillet 2016, date de réception de sa demande par le préfet de l'Aude.
Sur les frais liés au litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et de la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude chacun la somme de 1 000 euros à verser à la société Frangaz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Frangaz qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 janvier 2019 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la société Frangaz la somme de 215 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2016.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de l'Aude est condamnée à verser à la société Frangaz la somme de 215 500 euros.
Article 4 : L'Etat et la chambre de commerce et d'industrie de l'Aude verseront chacun la somme de 1 000 euros à la société Frangaz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus de la demande présentée par la société Frangaz devant le tribunal administratif de Montpellier ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie l'Aude au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Frangaz, à la ministre de la transition écologique et à la chambre de commerce et de l'industrie de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
2
N° 19MA01356
bb