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13/04/2021 | FRANCE | N°19MA01830

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 13 avril 2021, 19MA01830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1808668 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2019, Mme B..., représentée par Me E..., dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 par lequel le préfet des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par le jugement n° 1808668 du 4 mars 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 avril 2019, Mme B..., représentée par Me E..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 mars 2019 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2018 du préfet des Hautes-Alpes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande sous la même condition de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 la somme de 1 500 euros, qui sera versée à Me E... en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur un moyen soulevé avant la clôture d'instruction, tiré du défaut d'examen particulier de sa demande ;

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

- sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'a pas été examinée ;

- ce défaut d'examen particulier révèle une erreur de droit ;

- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle justifie de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- par la voie de l'exception, cette décision d'éloignement est dépourvue de base légale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne le pays de renvoi :

- par la voie de l'exception, cette décision est dépourvue de base légale ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 février 2020, le préfet des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas irrégulier ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité tunisienne, a demandé le 25 janvier 2018 au préfet des Hautes-Alpes la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par l'arrêté du 24 septembre 2018 en litige, le préfet des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. ". Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a fait parvenir au tribunal administratif de Marseille un mémoire contenant un moyen nouveau le 3 février 2019, soit avant la date de la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant l'audience fixée au 8 février 2019, dès lors que la clôture de l'instruction fixée initialement au 18 janvier 2019 a été rouverte par ordonnance du 21 janvier 2019 et qu'une nouvelle date de clôture n'a pas été arrêtée. Il ressort des visas du jugement attaqué que ce mémoire, dont le contenu n'a d'ailleurs pas été analysé, n'a pas été communiqué. Les premiers juges n'ont pas statué sur ce nouveau moyen qui n'était pas inopérant. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité pour ce motif et à en demander l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Marseille.

Sur la légalité de l'arrêté du 24 septembre 2018 :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

5. En premier lieu, il ressort des termes de la décision en litige, qui vise l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui mentionne que Mme B... a présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale, que le préfet a procédé à un examen particulier de sa demande présentée sur le double fondement des articles L. 313-11-7 7° et L. 313-14° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa demande et qu'il aurait ainsi commis une erreur de droit doivent être rejetés.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. La requérante, née en France et qui déclare sans l'établir y avoir vécu jusqu'à l'âge huit ans, soit jusqu'à son départ en Tunisie, est revenue en France le 14 août 2017 avec ses deux enfants mineurs sous couvert d'un visa valable du 3 août au 3 septembre 2017 ne l'autorisant pas à séjourner durablement en France. Elle a épousé le 28 juillet 2007, en Tunisie, un compatriote. Deux enfants sont nés en 2008 et 2013 en Tunisie de leur union. Si Mme B... soutient qu'elle est séparée de son mari et qu'elle a dû fuir la Tunisie en raison des violences qu'elle aurait subies de son époux, le seul certificat médical établi le 17 janvier 2017 par un médecin tunisien rapportant les déclarations de l'intéressée selon lesquelles elle aurait été agressée ce même jour par violence, sans précision au demeurant de l'identité de l'auteur de ces violences, n'établit pas la réalité de ses dires, alors que la requérante n'a pas déposé plainte contre son mari et qu'elle n'a pas entamé de procédure de divorce. La circonstance que ses deux enfants soient scolarisés en France ne lui confère aucun droit au séjour. Mme B... ne fait valoir aucune intégration socio-professionnelle en France. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu selon ses propres déclarations jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où vivent son mari, une de ses soeurs et ses grands-parents. Par suite, et alors même qu'elle est hébergée en France chez ses parents qui ont acquis la nationalité française en 2012 par naturalisation, la requérante n'établit pas avoir ainsi fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dès lors, eu égard notamment à la brièveté de son séjour en France à la date de la décision en litige, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le refus de titre de séjour en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En troisième lieu, en se bornant à invoquer les violences non établies subies de la part de son époux, la requérante n'établit pas justifier de considérations humanitaires ou d'un motif exceptionnel pour être admise exceptionnellement au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions de cet article en refusant de régulariser sa situation sur ce fondement.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents de cet arrêt qu'en l'absence d'illégalité du refus de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.

10. Les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans certains cas limitativement énumérés, et notamment, par le 3° de cet article, lorsque, comme en l'espèce, la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à l'étranger. Le refus de titre de séjour en litige, qui vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est suffisamment motivé en fait et en droit. Par suite, la requérante ne peut utilement soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige serait insuffisamment motivée.

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. La requérante n'établit pas que ses enfants, eu égard notamment à leur jeune âge, ne pourraient pas suivre en Tunisie une scolarité normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents de cet arrêt qu'en l'absence d'illégalité du refus de l'obligation de quitter le territoire français, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas dépourvue de base légale.

14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. En se bornant à soutenir qu'un retour en Tunisie l'exposerait à nouveau aux violences non établies de son époux, la requérante n'établit pas que la décision en litige méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2018 du préfet des Hautes-Alpes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 4 mars 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande de Mme B... et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... épouse B..., au ministre de l'intérieur, à Me E... et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2021, où siégeaient :

- M. Chazan, président de chambre,

- Mme Simon, président assesseur,

- Mme D..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2021.

2

N° 19MA1830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01830
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : DJERMOUNE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-13;19ma01830 ?
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