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14/06/2021 | FRANCE | N°19MA00916

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6eme chambre - formation a 3, 14 juin 2021, 19MA00916


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 19 juin 2015 du département du Var portant ordre de reversement, la décision du 16 septembre 2015 par laquelle lui a été notifiée la décision de la commission permanente du conseil départemental du Var du 14 septembre 2015 et la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Var a rejeté sa demande de remise gracieuse.

Par un jugement n° 1601079 du 27 décembre 201

8, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 19 juin 2015 du département du Var portant ordre de reversement, la décision du 16 septembre 2015 par laquelle lui a été notifiée la décision de la commission permanente du conseil départemental du Var du 14 septembre 2015 et la décision du 20 janvier 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Var a rejeté sa demande de remise gracieuse.

Par un jugement n° 1601079 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 25 février 2019, 11 juin 2020 et 19 juin 2020, M. E..., représenté par Me C... H..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601079 du tribunal administratif de Toulon du 27 décembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision en date du 20 janvier 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Var a rejeté sa demande de remise gracieuse ;

3°) d'annuler la décision du 16 septembre 2015 par laquelle lui a été notifiée la décision de la commission permanente du conseil départemental du Var du 14 septembre 2015 ;

4°) d'annuler la décision en date du 19 juin 2015 du département du Var portant ordre de reversement ;

5°) de mettre à la charge du département du Var, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et du directeur départemental des finances publiques du Var la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours, qui satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est recevable ;

S'agissant de la décision du 20 janvier 2016 :

- le directeur départemental des finances publiques du Var était incompétent pour prendre cette décision ;

- elle est insuffisamment motivée, dans la mesure où l'exonération d'une telle dette revêt le caractère d'un avantage dont l'attribution constitue un droit au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les circonstances de l'affaire ont fait l'objet d'une erreur d'appréciation dans la mesure où il justifie avoir fait le maximum dans le dégagement des sommes ;

- il ne peut être tenu responsable pour les suppléants ;

- la force majeure résultant du cambriolage dans les locaux de la société " Les Cars du Pays de Fayence " étant caractérisée, il aurait dû être exonéré totalement de sa responsabilité ;

- la décision est entachée d'une erreur de qualification juridique des faits, dans la mesure où il n'a commis aucune faute ;

S'agissant de la décision du 16 septembre 2015 :

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- elle ne pouvait être notifiée par le département du Var qui n'était pas compétent, s'agissant d'une décision contraignante relative à une remise gracieuse ;

S'agissant de la décision du 19 juin 2015 :

- elle est illégale dès lors qu'elle lui a été irrégulièrement notifiée ;

- portant ordre de reversement devant être considéré comme une sanction au sens de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, elle est insuffisamment motivée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 18 avril 2019 et 18 juin 2020, la région Provence-Alpes-Côte d'azur, intervenant aux droits du département du Var, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête, qui méconnaît l'article R. 411-1 du code de justice administrative, est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, ainsi que l'a jugé le tribunal, les conclusions aux fins d'annulation des décisions en date des 19 juin 2015 et 16 septembre 2015 sont irrecevables ;

- à titre très subsidiaire, les conclusions aux fins d'annulation des décisions du 19 juin 2015 et du 16 septembre 2015 sont infondées.

La requête et les mémoires de M. E... ainsi que les mémoires de la région Provence-Alpes-Côte d'azur ont été communiqués au directeur départemental des finances publiques du Var, qui n'a pas produit d'observations.

Par ordonnance du 29 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 juillet 2020.

Par une lettre en date du 11 mai 2021, la Cour a demandé aux parties, afin de compléter l'instruction de l'instance, la communication, d'une part, le procès-verbal de remise de service établi entre le régisseur, M. E..., et son suppléant et, d'autre part, une copie lisible des pièces jointes 21 à 23 annexées à la requête d'appel de M. E....

En réponse à cette demande, le directeur départemental des finances publiques du Var a transmis le 17 mai 2021 une copie du procès-verbal de vérification de régie de recettes du 16 novembre 2015 établi par le comptable de paierie départementale attestant de l'absence de remise de service effectuée entre le titulaire et le suppléant, cette situation ne dégageant pas la responsabilité du titulaire pendant son absence.

En réponse à cette demande, M. E... a transmis le 18 mai 2021 une nouvelle copie des pièces 21 à 23 jointes à sa requête d'appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 ;

- le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 ;

- l'arrêté du 12 février 2015 portant déconcentration des actes relatifs à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et régisseurs.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... Massé-Degois, rapporteure,

- les conclusions de M. D... Thielé, rapporteur public,

- et les observations de Me G... pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Une note en délibéré présentée par la région Provence-Alpes Côte d'Azur a été enregistrée le 1er juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., employé de la société " Les lignes du Var ", laquelle bénéficiait d'une délégation de service public du département du Var, a été nommé, par un arrêté n° 2009-1466 du 28 août 2009, au poste de régisseur des recettes. Après le rachat de la société " Les lignes du Var " par la société " Les Cars du Pays de Fayence ", M. E... a été maintenu dans ses fonctions de régisseur pour le réseau Varlib Fayence par un arrêté en date du 17 octobre 2013. Le 13 avril 2015, à son retour de congés, M. E... a découvert qu'une somme de 22 018 euros avait été dérobée dans les locaux de la société. Un ordre de reversement en date du 19 juin 2015 lui a alors été adressé à hauteur de cette même somme par le conseil général du Var. M. E... a adressé le 6 juillet 2015 audit conseil général une demande de remise gracieuse sur cette dette dont il a accusé réception le 18 juillet suivant. Par un courrier du président du conseil départemental du Var en date du 16 septembre 2015, M. E... a été informé de l'avis défavorable de la commission permanente du conseil départemental, réunie le 14 septembre précédent, à sa demande de remise gracieuse. Par ailleurs, par une lettre du 20 janvier 2016, le directeur départemental des finances publiques du Var a rejeté la demande de remise gracieuse de M. E.... Ce dernier relève appel du jugement n° 1601079 du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulon a déclaré irrecevables ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 19 juin 2015 et du 16 septembre 2015 et rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 janvier 2016.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur :

2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. (...). ".

3. La requête d'appel présentée par M. E... le 25 février 2019 précise qu'elle interjette appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Toulon le 27 décembre 2018 eu égard au fait que " Les circonstances de l'affaire ont fait l'objet d'une erreur d'appréciation " dans la mesure où il " justifie avoir fait le maximum dans le dégagement des sommes ". Il doit être ainsi regardé comme exposant des conclusions d'appel, alors même qu'il se borne dans la partie conclusive de sa requête à énoncer des conclusions qui auraient pu être présentées en première instance. Par suite, la requête d'appel satisfait aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. La fin de non-recevoir opposée par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur doit, dès lors, être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision du 19 juin 2015 du conseil départemental du Var portant ordre de reversement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et, ce dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que lorsque la notification ne comporte pas les mentions requises, ce délai n'est pas opposable et, d'autre part, que cette notification doit, s'agissant des voies de recours, mentionner, le cas échéant, l'existence d'un recours administratif préalable obligatoire ainsi que l'autorité devant laquelle il doit être porté ou, dans l'hypothèse d'un recours contentieux direct, indiquer si celui-ci doit être formé auprès de la juridiction administrative de droit commun ou devant une juridiction spécialisée et, dans ce dernier cas, préciser laquelle.

5. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 19 juin 2015 du conseil départemental du Var portant ordre de reversement a été adressée en lettre recommandée avec accusé réception à M. E... en sa qualité de régisseur de recettes de la RTI n° 6, à son adresse professionnelle correspondant à celle de la société " Les Cars du Pays de Fayence ", sise 2936 route de Fréjus, quartier le Bas Pascouren, à Fayence. Il est constant que cette lettre, qui se bornait à mentionner que le présent ordre de versement pouvait " faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative compétente dans un délai de deux mois à compter de sa notification " ne comportait pas les mentions requises, s'agissant des voies de recours, par les dispositions citées au point 4. Par suite, le délai de deux mois indiqué dans cette décision n'est pas opposable à M. E.... Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. Dans une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des textes particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Or, il résulte des pièces du dossier que M. E... a adressé une demande de remise gracieuse en date du 6 juillet 2015 sur laquelle le département du Var a émis un avis défavorable le 14 septembre suivant. Le requérant a ainsi eu connaissance de la décision portant ordre de reversement au plus tard le 6 juillet 2015, date de sa demande de remise gracieuse. Par suite, et en tout état de cause, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, ses conclusions en annulation dirigées contre la décision du 19 juin 2015 et enregistrées au greffe du tribunal le 8 avril 2016, n'étaient pas tardives. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont accueilli la fin de non-recevoir opposée en défense et rejeté les conclusions de M. E... comme irrecevables pour tardiveté.

6. En deuxième lieu, si l'absence des mentions requises à l'article R. 421-1 du code de justice administrative a pour conséquence de rendre le délai de recours de deux mois inopposable à M. E..., elle n'entache pas, contrairement à ce qu'il soutient, la légalité de la décision en litige.

7. En troisième lieu, la décision portant ordre de reversement est, contrairement à ce qui est allégué, suffisamment motivée dès lors que, d'une part, elle se réfère aux dispositions de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 et du décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs et, d'autre part, expose les faits sur lesquels le conseil général du Var se fonde pour réclamer à l'intéressé la somme de 22 018 euros, en l'occurrence le vol de recettes survenu dans la nuit du 12 au 13 avril 2015 dans les locaux de la société " Les Cars du Pays de France " et la mise en jeu de sa responsabilité personnelle et pécuniaire en sa qualité de régisseur en fonction à la date des faits. Par suite, le moyen doit être écarté, à supposer même applicable au litige les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 19 juin 2015 du conseil départemental du Var portant ordre de reversement.

En ce qui concerne la décision du 16 septembre 2015 du président du conseil départemental portant notification de l'avis défavorable de la commission permanente du conseil départemental du Var en date du 14 septembre 2015 :

9. Aux termes de l'article 12 du décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 abrogeant et remplaçant le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs : " Le régisseur mis en débet peut demander au ministre chargé du budget la remise gracieuse des sommes mises à sa charge, intérêts compris. ". Et, selon l'article 13 du même décret : " I. _ Le ministre chargé du budget statue sur la demande en remise gracieuse, après avis de l'ordonnateur de l'organisme public intéressé et du comptable public assignataire. (...). ".

10. D'une part, la commission permanente du département du Var, à qui le conseil départemental du Var avait donné délégation pour accorder les remises gracieuses de dettes par une délibération en date du 17 avril 2015, a émis un avis le 14 septembre 2015 sur la demande gracieuse de M. E.... D'autre part, le département du Var a transmis à ce dernier, par lettre du 16 septembre 2015, ledit avis de la commission permanente à laquelle il avait délégué sa compétence en la matière, lequel n'est pas un avis conforme et constitue un acte préparatoire insusceptible de recours en application des dispositions citées au point précédent, dès lors que la décision de rejet ou d'octroi de la remise gracieuse incombe au ministre après avis de l'ordonnateur de l'organisme public et du comptable public assignataire. Par suite, et ainsi que l'a jugé le tribunal, la circonstance que la lettre de notification de cet avis ait mentionné de manière erronée que lui était notifiée une décision n'est pas de nature à donner à l'avis susvisé le caractère d'une décision faisant grief.

11. Dès lors, M. E..., qui n'établit aucunement l'existence d'un détournement de pouvoir, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre la lettre du 16 septembre 2015 par laquelle le conseil départemental du Var lui a notifié l'avis du 14 septembre 2015 de la commission permanente du département du Var en réponse à sa demande de remise gracieuse du 6 juillet 2015.

En ce qui concerne la décision du 20 janvier 2016 du directeur départemental des finances publiques du Var :

12. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 12 février 2015 portant déconcentration des actes relatifs à la constatation et à l'apurement des débets des comptables publics et des régisseurs dans sa version en vigueur à la date des faits : " En application de l'article 19 du décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 susvisé et de l'article 434 de l'annexe III au code général des impôts, est délégué aux directeurs des finances publiques régionaux, départementaux ou chargés d'une direction locale ou à compétence nationale ou spécialisée le pouvoir de se prononcer sur les demandes en remise gracieuse des sommes qu'ils ont mises à la charge des comptables secondaires au titre du recouvrement des produits fiscaux, lorsque ces sommes sont inférieures à 15 000 euros. ". Aux termes de l'article 6 de ce même arrêté : " En application de l'article 20 du décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 susvisé, sauf en cas de déficits consécutifs à des détournements de fonds, est délégué aux directeurs des finances publiques régionaux, départementaux et locaux le pouvoir de se prononcer sur les demandes de remise gracieuse des sommes mises à la charge des régisseurs des collectivités et de leurs établissements publics locaux ainsi que des régisseurs des établissements publics locaux d'enseignement, lorsque ces sommes sont inférieures à 200 000 euros. ".

13. Il est constant que M. E..., nommé régisseur par l'arrêté AI 2009-1466 du 28 août 2009 du président du conseil général du Var puis par l'arrêté AI 2013-1728 du 17 octobre 2013 du même président, ne peut se prévaloir de l'article 3 de l'arrêté du 12 février 2015 susvisé et de son seuil de 15 000 euros, ces dispositions concernant uniquement les comptables publics secondaires de l'administration fiscale. En revanche, il y a lieu d'appliquer, en l'espèce, les dispositions de l'article 6 de ce même arrêté. Il ressort des pièces du dossier que le montant du déficit constaté, et non contesté, qui s'élève à 22 018 euros est inférieur au seuil de 200 000 euros fixé par les dispositions précitées de l'article 6 et n'est pas consécutif à un détournement de fonds. Par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le directeur départemental des finances publiques du Var était incompétent pour connaître de sa demande de remise gracieuse.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; 2° Infligent une sanction ; 3° Subordonnent l'octroi d'une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ; 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; 7° Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourrait être de nature à porter atteinte à l'un des secrets ou intérêts protégés par les dispositions du a au f du 2° de l'article L. 311-5 ; 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire. ".

15. A supposer même les dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration applicables à la situation de M. E..., les décisions rendues par l'administration sur les demandes de remise gracieuse dont elle est saisie n'entrent en tout état de cause dans aucune des catégories d'actes administratifs soumis à l'obligation de motivation. Aucune autre disposition légale ou réglementaire n'impose à l'administration de motiver les décisions par lesquelles elle rejette une demande de remise gracieuse et M. E... n'en fait valoir aucune. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 20 janvier 2016 ne peut qu'être écarté.

16. En troisième lieu, en application de l'article 1er du décret n° 2008-227 du 5 mars 2008 abrogeant et remplaçant le décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs : " Les régisseurs chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement (régisseurs de recettes) ou de paiement (régisseurs d'avances) sont personnellement et pécuniairement responsables de la garde et de la conservation des fonds et valeurs qu'ils recueillent ou qui leur sont avancés par les comptables publics, du maniement des fonds et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives ainsi que de la tenue de la comptabilité des opérations. La responsabilité pécuniaire des régisseurs s'étend à toutes les opérations de la régie depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions. ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " La responsabilité d'un régisseur se trouve engagée dès lors qu'un déficit en monnaie ou en valeurs a été constaté, qu'une dépense a été irrégulièrement payée ou que, par le fait du régisseur, une recette n'a pas été encaissée ou une indemnité a dû être versée par l'organisme public à un tiers ou à un autre organisme public. ". Aux termes de l'article 5 de ce décret : " En application des V et X de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisé, l'autorité administrative compétente pour mettre en débet le comptable public assignataire constate au bénéfice du régisseur l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, sur saisine de celui-ci, de l'ordonnateur ou du comptable public assignataire, par arrêté ou décision. ". Aux termes de l'article R. 1617-5-2 du code général des collectivités territoriales : " I. - Le régisseur titulaire ou intérimaire peut percevoir une indemnité de responsabilité dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget. / II. - Le régisseur est assisté de mandataires. L'acte constitutif de la régie prévoit le recours à des mandataires. Ceux-ci sont nommés par l'ordonnateur sur avis conforme du comptable et du régisseur. / Le régisseur est responsable personnellement et pécuniairement des opérations réalisées en son nom et pour son compte par les mandataires. Les mandataires sont dispensés de cautionnement et ne perçoivent pas d'indemnité de responsabilité. Toutefois, lorsque le mandataire assure le remplacement du régisseur absent pour une durée ne pouvant excéder deux mois, il est responsable personnellement et pécuniairement des opérations de la régie et peut percevoir une indemnité de responsabilité pendant la durée effective où il exerce la fonction de régisseur dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé du budget. / III. - Une remise de service est obligatoire entre le régisseur sortant ou son mandataire et le régisseur entrant ou son mandataire. Le régisseur entrant ou son mandataire ou le régisseur sortant ou son mandataire peuvent donner mandat pour accomplir cette formalité. ".

17. Il résulte des dispositions citées au point précédent que la responsabilité pécuniaire du régisseur est personnellement engagée, même en l'absence de faute, dès lors qu'un déficit en deniers ou en valeur est constaté. Par ailleurs, l'octroi d'une remise gracieuse n'est qu'une simple faculté pour l'administration. La décision refusant une remise gracieuse ne peut être utilement déférée au juge de l'excès de pouvoir que si elle est entachée d'une erreur de fait ou d'une erreur de droit ou si elle repose sur une appréciation manifestement erronée des circonstances de l'affaire.

18. M. E... soutient devant la Cour que " les circonstances de l'affaire ont fait l'objet d'une erreur d'appréciation " et qu'il justifie avoir " fait le maximum dans le dégagement des sommes " qu'il devait rembourser.

19. La responsabilité de M. E... a été mise en jeu à la suite d'un vol des fonds commis dans les locaux de la société " Les Cars du Pays de Fayence " constaté le 13 avril 2015. Il résulte de l'instruction que les fonds volés, d'un montant de 22 018 euros, dépassaient le montant maximum de l'encaisse fixé à 20 000 euros par l'article 3 de l'arrêté n° A2I 2013-1724 du 17 octobre 2013 modifiant l'acte constitutif de la régie de recettes des transports interurbains " RTI n° 6 - cars du pays de Fayence - dépôt de Fayence ". Si, dans ses écritures, M. E..., qui ne conteste pas que le montant de l'encaisse ne devait pas dépasser le montant de 20 000 euros, soutient qu'il aurait cependant opéré le 26 mars 2015 un dégagement de 12 630 euros en pièces et billets et qu'il aurait également adressé le 27 mars 2015 au centre de traitement des chèques de Créteil, la totalité des chèques en sa possession pour un montant total de 593 euros, il ne le démontre pas plus en appel qu'il ne l'avait fait en première instance, en se bornant à verser à l'appui de ses écritures, d'une part, deux tableaux récapitulatifs qu'il a lui-même établis et, d'autre part, la copie d'un " mandat-compte " sur lequel est mentionnée la somme de 212 630 euros dépourvu de toute date d'envoi, même sur la copie des pièces transmises 18 mai 2021, cette absence de date empêchant la Cour de vérifier que ces versements en espèces ont bien été effectués avant la date de son départ en congés, en l'occurrence le soir du 27 mars 2015, et, enfin, la copie du bordereau de remise de chèques sur lequel n'est apposé aucun tampon de la paierie départementale. D'autre part, il ressort des pièces versées par le directeur départemental des finances publiques du Var transmises le 17 mai 2021 et notamment d'une copie du procès-verbal de vérification de régie de recettes du 16 novembre 2015 établi par le comptable de paierie départementale qu'aucune remise de service n'a été effectuée entre le titulaire et le suppléant. Alors que ces pièces lui ont été communiquées le 18 mai 2021 et qu'il a ainsi disposé d'un temps utile pour les contester, M. E... ne conteste aucunement cette absence de remise de service effectuée entre lui et son remplaçant, pourtant expressément prévue par les dispositions du III de l'article R. 1617-5-2 du code général des collectivités territoriales citées au point 16, et n'apporte aucune explication sur les motifs du non-respect de cette procédure. Dès lors, cette situation ne permet pas de dégager la responsabilité de M. E... pendant la durée de son absence, ce dernier ne justifiant pas que le montant maximum de l'encaisse fixé à 20 000 euros par l'article 3 de l'arrêté n° A2I 2013-1724 du 17 octobre 2013 modifiant l'acte constitutif de la régie de recettes des transports interurbains " RTI n° 6 - cars du pays de Fayence - dépôt de Fayence " n'était pas atteint le 27 mars 2015 avant son départ en congés.

20. En outre, le requérant ne saurait se prévaloir de ce qu'il n'aurait pas été en mesure d'opérer des dégagements, le département du Var ne lui ayant pas fourni des sacs scellés requis par la nouvelle procédure mise en oeuvre à compter du 30 mars 2015 avec La Poste et la direction générale des finances publiques, dans la mesure où il est constant que l'intéressé a pris ses congés à partir du 27 mars 2015 au soir, soit dès avant la mise en oeuvre de la nouvelle procédure. Ainsi, le vol qui a été constaté le 13 avril 2015 ne saurait être qualifié d'événement présentant un caractère irrésistible. Il suit de là que M. E..., ainsi que l'a jugé le tribunal, n'est pas fondé à se prévaloir de la force majeure ni à faire valoir que la décision attaquée serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation ou encore d'une erreur dans la qualification juridique des faits, et il ne ressort en outre ni de la décision elle-même ni des écritures exposées devant la Cour que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de fait ou que l'administration aurait fondé cette décision sur des faits matériellement inexacts. Les moyens de légalité interne sus analysés ne peuvent en conséquence qu'être écartés.

Sur les frais liés au litige :

21. L'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur, le département des Bouches du Rhône et la direction départementale des finances publiques du Var qui ne sont pas, dans l'instance présente, les parties perdantes, versent à M. E... la somme qu'il demande sur le fondement de ces dispositions. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros à verser à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : M. E... versera à la région Provence-Alpes-Côte d'azur la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la direction départementale des finances publiques du Var.

Copie en sera adressée au département du Var.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2021, où siégeaient :

- M. Guy Fédou président,

- Mme F... Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Philippe Grimaud, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2021.

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N° 19MA00916

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 19MA00916
Date de la décision : 14/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

18-01-03 Comptabilité publique et budget. Régime juridique des ordonnateurs et des comptables. Responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. FEDOU
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : AARPI BARON AIDENBAUM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-14;19ma00916 ?
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