Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 16 janvier 2019 de la directrice adjointe du centre hospitalier (CH) de Menton la déclarant apte à la reprise de ses fonctions d'aide-soignante sans qu'il y ait lieu de la reclasser sur un poste administratif, d'enjoindre au directeur de l'établissement de soins de statuer à nouveau sur sa situation et de prévoir un aménagement de son poste de travail excluant le port de charges supérieures à cinq kilogrammes, dans le mois de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise.
Par un jugement n° 1900679 du 9 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision du 16 janvier 2019, d'autre part, enjoint au CH de Menton, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de statuer à nouveau sur la situation de Mme A... en procédant à son affectation à un poste de travail correspondant à son grade, sans port de charges de plus de cinq kilogrammes, sans station debout prolongée, sans posture contraignante pour le dos et à horaires réguliers dans la journée et, enfin, mis à la charge du centre hospitalier les frais de l'expertise judiciaire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 22 juillet, 20 octobre et 9 décembre 2020, le CH de Menton, représenté par la SCP Braunstein et Associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 9 juin 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nice ;
3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de Mme A... ;
4°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'agent est apte à l'exercice des fonctions d'aide-soignante ;
- l'avis du 8 janvier 2019 du comité médical a émis un avis défavorable au reclassement professionnel sur un poste administratif ;
- l'agent n'a pas saisi le comité médical pour contester cet avis ;
- les documents en sa possession à la date de la décision ne lui permettaient pas de déclarer Mme A... définitivement inapte à ses fonctions ;
- le harcèlement moral n'est pas établi ;
- les frais de l'expertise doivent être mis à la charge de l'agent.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 août, 9 novembre et 20 décembre 2020, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'assurer l'exécution du jugement attaqué ;
3°) de mettre à la charge du CH de Menton la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas apte à l'exercice des fonctions d'aide-soignante ;
- elle est victime de harcèlement ;
- les moyens soulevés par le CH de Menton ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de Mme A... tendant à ce que la cour assure l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 9 juin 2020, dès lors qu'une telle procédure spécifique ne peut être mise en oeuvre dans le cadre de l'appel principal formé par le CH de Menton aux fins d'annulation de ce jugement.
Des réponses à la communication de ce moyen d'ordre public ont été enregistrées le 9 février 2021 pour Mme A... et le 10 mars 2021 pour le CH de Menton et communiquées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a désigné Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant le CH de Menton.
Considérant ce qui suit :
1. Le CH de Menton relève appel du jugement du 9 juin 2020 par le lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision de sa directrice adjointe du 16 janvier 2019 ayant déclaré Mme A..., aide-soignante hospitalière titulaire de classe supérieure exerçant en son sein depuis le 1er août 1986, apte à la reprise de ses fonctions sans qu'il y ait lieu de la reclasser sur un poste administratif, d'autre part, lui a enjoint, dans un délai d'un mois à compter de sa notification, de statuer à nouveau sur la situation de Mme A... en procédant à son affectation à un poste de travail correspondant à son grade, sans port de charges de plus de cinq kilogrammes, sans station debout prolongée, sans posture contraignante pour le dos et à horaires réguliers dans la journée et, enfin, a mis à sa charge les frais d'expertise.
Sur la recevabilité des conclusions de Mme A... relatives à l'exécution du jugement attaqué :
2. Les conclusions de Mme A... tendant à ce que l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 9 juin 2020 soit assurée doivent être rejetées, dès lors qu'elles relèvent de la procédure spécifique prévue à l'article L. 911-4 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. (...) ". L'article 1er du décret du 8 juin 1989 pris pour l'application de la loi du 9 janvier 1986 et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé dispose que " Lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, et si les nécessités du service ne permettent pas un aménagement des conditions de travail, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avis du médecin du travail, dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire n'a pas nécessité l'octroi d'un congé de maladie, ou du comité médical, si un tel congé a été accordé, peut affecter ce fonctionnaire dans un poste de travail correspondant à son grade dans lequel les conditions de service sont de nature à permettre à l'intéressé d'assurer ses fonctions ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps. / L'autorité investie du pouvoir de nomination recueille l'avis du comité médical départemental ".
4. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire n'est plus en mesure d'exercer ses fonctions, de façon temporaire ou permanente, par suite de l'altération de son état de santé, il incombe à l'administration, après avis du comité médical dans l'hypothèse où l'état du fonctionnaire a nécessité l'octroi d'un congé de maladie, de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire peut être adapté à son état ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé.
5. Il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Nice, que Mme A... est apte aux fonctions d'aide-soignante sur un poste aménagé sans port de charges lourdes supérieures à cinq kilogrammes, sans station debout prolongée, sans posture contraignante pour le dos et à horaires réguliers en journée. Les conclusions de cette expertise sont venues confirmer les avis, antérieurs à la décision contestée, du comité médical départemental des 19 janvier 2016 et 6 septembre 2016, qui font état de la nécessité d'adapter le poste de travail de l'agent pour éviter qu'elle ne porte du poids, et sont également corroborées par deux avis de médecins rhumatologues qui suivent l'intéressée, la fiche de visite du médecin de prévention du 5 mars 2020 ainsi que par les avis du médecin agréé des 13 janvier 2020 et 16 juillet 2020. L'avis du comité médical départemental du 8 janvier 2019 déclarant l'intéressée apte à ses fonctions et émettant un avis défavorable au reclassement professionnel sur un poste administratif dont se prévaut le CH de Menton n'est pas de nature à remettre en cause l'ensemble de ces pièces concordantes, alors au surplus que le compte-rendu de l'expertise du médecin agréé du 21 novembre 2018 au vu duquel le comité devait se prononcer sur la situation de l'agent proscrivait aussi le port de charge supérieures à cinq kilogrammes et préconisait un aménagement de poste. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le CH de Menton, d'une part, cet avis du médecin-expert peut être retenu à titre d'information, dès lors qu'il a été versé au dossier et soumis, de ce fait, au débat contradictoire des parties et, d'autre part, si certains de ces documents, dont l'expertise judiciaire, sont postérieurs à la décision en litige, ils permettent néanmoins d'apporter un éclairage sur l'état de santé de Mme A... au jour de la décision contestée dès lors que son état n'a pas évolué depuis le début, en 2015, de ses problèmes lombaires avec une sciatique droite sur une discopathie dégénérative des 3 derniers espaces lombaires. Enfin, la circonstance que l'agent n'a pas saisi le comité médical supérieur pour contester l'avis défavorable du comité médical du 8 janvier 2019 ne lui n'interdit pas de demander l'annulation de la décision d'aptitude qui lui fait suite, dès lors qu'une telle saisine n'est pas obligatoire. Il suit de là qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, en déclarant Mme A... apte à la reprise de ses fonctions sans qu'il y ait lieu de la reclasser sur un poste administratif, la directrice adjointe du CH de Menton a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quant à l'état de santé de l'intéressée.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le CH de Menton n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé sa décision du 16 janvier 2019 et lui a enjoint de statuer à nouveau sur la situation de Mme A....
Sur les dépens :
7. Le CH de Menton reste en appel la partie perdante. Il suit de là qu'il y a lieu de laisser les frais et honoraires de l'expertise liquidés et taxés à la somme de 989,81 euros par l'ordonnance du 12 août 2019 de la présidente du tribunal administratif de Nice, ainsi que l'a fait ce tribunal, à la charge de l'établissement de soins.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens, la somme dont le CH de Menton demande le versement. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du CH de Menton une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du CH de Menton est rejetée.
Article 2 : Le CH de Menton versera à Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Menton et à Mme D... A....
Délibéré après l'audience du 3 juin 2021 où siégeaient :
- Mme Jorda-Lecroq, présidente-assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme E..., première conseillère,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2021.
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N° 20MA02366