Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... de la Cropte de Chantérac a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 13 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées, après avis de la commission des recours des militaires, a rejeté son recours préalable tendant à se voir attribuer une solde affectée de l'indice majoré 425 qu'il détenait dans le corps des ingénieurs des travaux de la ville de Paris à compter de son admission à l'Ecole des commissaires des armées et de son recrutement au grade d'aspirant, de condamner l'Etat à lui verser la somme correspondant à la régularisation de sa solde à compter du 16 août 2016, date de son recrutement et la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.
Par un jugement n° 1800538 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 13 décembre 2017 de la ministre des armées, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. de la Cropte de Chantérac dans le délai de deux mois à compter de la notification de sa décision et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressé.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 septembre 2019, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 juillet 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. de la Cropte de Chantérac devant ce tribunal administratif.
Elle soutient que :
- n'ayant pas intégré l'Ecole des commissaires des armées selon les dispositions des articles 6 et 7 du décret du 5 septembre 2012 mais selon l'article 4 du même décret, l'intéressé ne pouvait bénéficier d'un reclassement durant sa scolarité ;
- il ne saurait se prévaloir des dispositions de l'article 32 de ce même décret relatives au reclassement indiciaire des commissaires aux armées, son recrutement au sens de ces dispositions n'intervenant qu'à l'issue de sa scolarité ;
- la circonstance qu'il était placé en position de détachement pendant la durée de sa scolarité faisait obstacle à son reclassement au cours de cette période.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, M. de la Cropte de Chantérac, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2008-947 du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière ;
- le décret n° 2012-1029 du 5 septembre 2012 portant statut particulier du corps des commissaires des armées ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. de la Cropte de Chantérac, qui appartenait précédemment au corps des fonctionnaires civils des ingénieurs des travaux de la ville de Paris, a été admis par concours sur titre à l'Ecole des commissaires des armées. Il a été placé en position de détachement à compter du 16 août 2016 dans le corps militaire des commissaires des armées, au grade d'aspirant, et classé au premier échelon de l'échelle de solde n° 2 de ce grade correspondant à l'indice majoré 315. A la suite de sa contestation de ce classement devant la commission des recours des militaires, la ministre des armées a, par une décision du 13 décembre 2017, rejeté sa demande tendant à son classement à l'indice majoré 425 qu'il détenait auparavant dans le corps des ingénieurs des travaux de la ville de Paris. A la demande de M. de la Cropte de Chantérac, le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 4 juillet 2019, annulé la décision du 13 décembre 2017 de la ministre des armées, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois à compter de la notification de sa décision et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande qui tendait à la condamnation de l'Etat au versement de la somme correspondant à la régularisation de sa solde à compter de la date de son recrutement et la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral. La ministre des armées relève appel de ce jugement. Elle doit être regardée comme en demandant l'annulation des articles 1er et 2, seuls à lui faire grief et à être critiqués.
Sur la légalité de la décision de la ministre des armées :
2. D'une part, aux termes de l'article R 4131-8 du code de la défense : " Les élèves officiers de carrière sont nommés aspirant : / 1° Dès leur admission dans les écoles militaires d'élèves officiers de carrière (...) ". Selon le second alinéa de l'article R 4131-13 du même code " Dans le cas où la nomination au grade d'aspirant a pour effet d'attribuer aux intéressés un indice inférieur à celui qu'ils détenaient précédemment, ils conservent leur ancien indice à titre personnel jusqu'à ce qu'ils atteignent dans le grade un échelon comportant un indice au moins égal ".
3. Selon l'article 1er du décret du 12 septembre 2008 fixant certaines dispositions applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière, celles-ci " sont applicables aux élèves militaires des écoles militaires d'élèves officiers de carrière, sous réserve des dispositions prévues par les statuts particuliers des corps d'officiers de carrière ". L'article 2 de ce décret dispose que " Les élèves officiers de carrière qui ne sont pas issus des officiers sous contrat sont nommés aspirant dès leur admission en école ". L'article 3 mentionne que " Les agents publics civils qui souscrivent l'engagement prévu à l'article 2 sont placés, pour la durée de la scolarité, en position de détachement, pour les fonctionnaires (...) ". Et le IV de l'article 14 dudit décret précise que " Les élèves officiers de carrière qui n'étaient pas militaires avant leur admission en école sont admis à souscrire, sur demande agréée par le ministre de la défense (...) un engagement au grade d'aspirant. ".
4. Enfin, aux termes de l'article 1er du décret du 5 septembre 2012 portant statut particulier du corps des commissaires des armées : " Les commissaires des armées constituent le corps d'officiers de carrière chargé de l'encadrement supérieur de l'administration générale et des soutiens communs des armées et formations rattachées du ministère de la défense ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Les commissaires des armées sont recrutés au grade de commissaire de 2e classe parmi les élèves de l'Ecole des commissaires des armées ayant satisfait aux conditions de scolarité définies par arrêté du ministre de la défense ". Selon l'article 4 du même décret : " Les élèves de l'Ecole des commissaires des armées y sont admis par : (...) 3° Concours sur titres, parmi les candidats titulaires d'un diplôme universitaire conférant le grade de master ou d'un diplôme d'ingénieur, figurant sur une liste établie par arrêté du ministre de la défense et âgés de vingt-sept ans au plus ". L'article 32 dudit décret énonce que " Lors des recrutements prévus aux articles 4 et 5 et lors des avancements de grade, les commissaires des armées sont classés au premier échelon de leur nouveau grade (...) / Lorsque les classements prévus au présent article ont pour effet d'attribuer aux commissaires des armées un indice inférieur à celui qu'ils détenaient précédemment, ils conservent leur ancien indice jusqu'à ce qu'ils atteignent dans le corps un échelon comportant un indice au moins égal ".
5. D'une part, contrairement à ce que soutient la ministre des armées, les dispositions du dernier alinéa de l'article 32 précité du décret du 5 septembre 2012 fixant les conditions requises pour bénéficier du maintien de l'ancienneté d'échelon acquise dans l'emploi d'origine, lues à la lumière de celles de l'article R 4131-13 du code de la défense dont elles ont pour objet de faire application dans le cas des élèves officiers de carrière admis à l'Ecole des commissaires des armées, s'appliquent non aux seuls commissaires des armées lorsqu'ils sont recrutés au grade de commissaire de 2ème classe parmi les élèves de l'Ecole des commissaires des armées ou encore aux recrutements directs aux grades de commissaire de 1ère classe, commissaire principal et commissaire en chef de deuxième classe, mais également aux élèves officiers lorsqu'il sont admis dans cette école et nommés au grade d'aspirant. Au demeurant, l'article 32 renvoie expressément à l'article 4 qui ne vise que le seul recrutement des élèves de l'Ecole des commissaires des armées, à l'exclusion du recrutement des commissaires de 2ème classe régi par l'article 3 du même décret et celui des commissaires de 1ère classe, commissaires principaux et commissaires en chef de deuxième classe envisagés par ses articles 6 et 7.
6. D'autre part, il résulte des articles 3 et 14 du décret du 12 septembre 2008 que les élèves officiers de carrière qui étaient fonctionnaires civils avant leur admission à l'Ecole des commissaires des armées sont placés en position de détachement pour la durée de leur scolarité. Toutefois cette circonstance n'a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle à ce que ces fonctionnaires, lorsqu'ils sont recrutés par concours sur titre, soient reclassés à l'indice égal ou immédiatement supérieur à celui qu'ils détenaient antérieurement dans leurs corps d'origine. La circonstance qu'ils continuent à bénéficier dans ce corps de leurs droits à l'avancement et qu'ils sont rémunérés pendant la durée de leur détachement par le ministère de armées est sans incidence sur l'application de cette règle de reclassement. Par suite, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que les dispositions du dernier alinéa de l'article 32 précité du décret du 5 septembre 2012 ne sauraient s'appliquer à des fonctionnaires civils en détachement dans le corps des commissaires des armées.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. de la Cropte de Chantérac était titulaire, à la date de son détachement à compter du 16 août 2016 dans le corps des commissaires des armées, au grade d'aspirant, d'un indice majoré de 425. Il devait ainsi se voir attribuer un échelon qui comportait un indice égal ou immédiatement supérieur à l'indice dont il bénéficiait dans son corps d'origine. Il suit de là que la décision du 13 décembre 2017 de la ministre des armées qui a prévu que l'intéressé percevrait la solde correspondant au 1er échelon de l'échelle de solde n° 2 du grade d'aspirant doté de l'indice majoré de 315 est entaché d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 13 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par M. de la Cropte de Chantérac et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. de la Cropte de Chantérac la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... de la Cropte de Chantérac.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juillet 2021.
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N° 19MA04264
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