Vu la procédure suivante :
Par un arrêt n° 17MA03543, 17MA03546 du 17 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 76 518,55 euros la somme que, par jugement n° 1501035 du
8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à
M. A..., a, en outre, condamné le groupement solidaire SARL Antoniotti - SARL Socotra BTP - SARL SRP Prod à garantir la collectivité de Corse à hauteur de 25 % des sommes mises à sa charge, et a enjoint à cette dernière de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires à la cessation des désordres affectant la propriété de M. A..., dans les conditions définies au
point 30 de cet arrêt, dans un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai.
Par des mémoires enregistrés le 8 mars 2021, le 10 juin 2021 et 9 juillet 2021 dans l'instance n° 17MA03546 et aux mêmes dates dans l'instance n° 17MA03543, M. A..., représenté par Me Pintat, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
- de désigner avant-dire droit un expert afin de décrire les travaux envisagés par la collectivité de Corse pour procéder au confortement des talus situés au droit de sa propriété, donner son avis sur les mesures techniques prises par la collectivité en vue d'exécuter l'arrêt de la Cour du 17 décembre 2019 et préciser si elles sont de nature à mettre un terme définitif, dans les meilleures conditions de délai et de coût, aux désordres constatés, le cas échéant, indiquer les travaux nécessaires à cette fin, ou mettre en œuvre une procédure de médiation ;
- de liquider provisoirement, pour un montant de 17 100 euros, l'astreinte prononcée par cet arrêt de la Cour du 17 décembre 2019 et porter le taux de l'astreinte à 1 000 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;
- mettre à la charge de la collectivité de Corse une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux prescrits par l'arrêt du 17 décembre 2019 n'ont pas été exécutés dans le délai fixé par la Cour et les mesures mises en œuvre par la collectivité à cette date ne permettaient pas de réaliser ces travaux dans les meilleurs délais ;
- le retard pris dans la réalisation des travaux, dont la collectivité est seule responsable, justifie que soit prononcée à son encontre une astreinte de 17 000 euros, somme à parfaire ;
- la mauvaise volonté de la collectivité, qui se manifeste en particulier par son refus de recourir à une solution technique moins complexe et coûteuse, à savoir la construction d'un mur de soutènement, qui permettrait une réalisation rapide des travaux, et l'indétermination du calendrier d'exécution des travaux justifie que le taux de l'astreinte soit relevé à 1 000 euros par jour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mai 2021 et le 28 juin 2021, dans les instances nos 17MA03543 et 17MA03546, la collectivité de Corse, représentée par Me Muscatelli, conclut au rejet des conclusions de M. A... tendant à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par l'arrêt de la Cour du 17 décembre 2019, au rejet des conclusions tendant à la réévaluation de ce taux pour l'avenir, et à ce que soit mise à la charge de M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le calendrier de réalisation des travaux a eu à souffrir des confinements décidés dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ;
- la collectivité a entrepris dès le mois de janvier 2020 des démarches afin d'exécuter l'injonction prononcée par la Cour ;
- ces démarches ont consisté successivement en l'élaboration, le lancement et l'attribution d'un marché de maîtrise d'œuvre de conception du volet technique des travaux que la Cour a enjoint à la collectivité de réaliser, qui a donné lieu à un rapport de diagnostic rendu par l'attributaire du marché en novembre 2020 ; en l'élaboration, le lancement et l'attribution d'un marché de repérage géologique " amiante " rendu nécessaire par la nature même des travaux à réaliser sur ce site précis ; la commande des sondages et analyses indispensables confié à un autre prestataire dans le cadre d'un nouveau marché ;
- compte tenu de l'importance des contraintes légales et réglementaires auxquelles elle est soumise, notamment du fait des règles de passation des marchés publics et de la législation sur l'amiante, elle ne sera pas en mesure de connaître le délai d'exécution des travaux avant la fin du mois de septembre 2021, date à laquelle elle pourrait préparer, lancer et attribuer le marché de travaux dans un délai minimal de quatre mois ;
- elle ne peut réaliser les travaux prescrits par la Cour selon le procédé demandé par
M. A... sans méconnaître l'injonction prononcée ;
- elle a engagé au 17 mai 2021 plus de 135 000 euros HT de frais d'études afin d'être en mesure de lancer un marché de travaux répondant pleinement aux prescriptions de la Cour.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'ordonnance n° 306-2020 du 25 mars 2020 ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, modifiée en dernier lieu par la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 ;
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renault,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Pintat, représentant M. A..., de Me Valérian, substituant Me Bliek-Veidig, représentant la SARL Antoniotti et la SARL Socotra BTP, et de Me Costa, substituant Me Muscatelli, représentant la collectivité de Corse.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêt n° 17MA03543, 17MA03546, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 76 518,55 euros la somme que, par jugement n° 1501035 du 8 juin 2017, le tribunal administratif de Bastia a condamné la collectivité de Corse à verser à M. A..., a condamné le groupement solidaire SARL Antoniotti - SARL Socotra BTP - SARL SRP Prod à garantir la collectivité de Corse à hauteur de 25 % des sommes mises à sa charge, et a enjoint à cette dernière de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires à la cessation des désordres affectant la propriété de M. A..., dans un délai d'un an à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai. M. A... soutient que cette mesure d'injonction n'a pas été exécutée par la collectivité de Corse.
2. D'une part, l'article L. 911-4 du code de justice administrative prévoit que : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". L'article L. 911-7 du même code dispose en outre que : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / (...) / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ". Enfin, aux termes de l'article L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. ". Si le juge de l'exécution saisi, sur le fondement des dispositions citées plus haut de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, aux fins de liquidation d'une astreinte précédemment prononcée peut la modérer ou la supprimer, même en cas d'inexécution constatée, compte tenu notamment des diligences accomplies par l'administration en vue de procéder à l'exécution de la chose jugée, il n'a pas le pouvoir de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée.
3. D'autre part, aux termes de l'article 1 de l'ordonnance n° 306-2020 du
25 mars 2020 modifiée par l'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 fixant les délais applicables à diverses procédures pendant la période d'urgence sanitaire : " Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et
le 23 juin 2020 inclus ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 de l'ordonnance du
25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période : " La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période. ".
4. L'arrêt de la Cour du 17 décembre 2019 a fixé le point de départ de l'astreinte à un an à compter de sa notification et a été notifié à la collectivité de Corse, ainsi qu'il ressort des mentions apposées sur le volet de réception de l'envoi, le 30 décembre 2019. En application de l'article 4 de l'ordonnance du 25 mars 2020, l'astreinte ne pouvait prendre cours que 104 jours après le délai initialement fixé, soit le 13 avril 2021. Il résulte de l'instruction qu'à cette date, les travaux prescrits par la Cour, consistant en un confortement des talus afin de les rendre résistants à la surcharge d'une construction, en la délimitation claire et sûre de la propriété de M. A... par la réalisation d'un mur de couronnement au-dessus de la paroi en béton projeté, et en une végétalisation du talus grâce à la création d'un mur-poids en béton d'une hauteur de 1,5 mètre, avec finition en pierre apparente sur sa façade externe et le remblaiement en terre végétale sur un mètre de hauteur, avec plantations appropriées, n'étaient pas réalisés. Toutefois, dès le premier semestre 2020, la collectivité de Corse avait conclu avec la société Arcadis un marché de maîtrise d'œuvre, aux fins de réalisation d'une mission de conception des phases de diagnostic, avant-projet, projet et assistance pour la passation de contrats de travaux pour la réalisation des ouvrages prescrits par l'arrêt de la Cour, et cette société avait remis le 9 novembre 2020 un rapport de diagnostic. Dans ce document, la société Arcadis mettait en évidence la nécessité de réalisation d'un repérage amiante afin de pallier les risques d'exposition à l'amiante lors des travaux concernant les tirants d'ancrage supplémentaires et les terrassements en pied et en tête de paroi, et de rendre ainsi les travaux réalisés conformes à la réglementation relative au risque amiante.
La collectivité a par suite confié au bureau d'études GDA, le 23 février 2021, au terme du lancement d'une nouvelle procédure de marché, la réalisation d'un programme d'échantillonnage permettant de déterminer la localisation et le nombre d'échantillons à prélever afin de s'assurer de la présence ou non de fibres d'amiante asbestiforme, avant la remise d'un rapport de repérage. Dans son " rapport intermédiaire de repérage " remis le 15 mars 2021, le bureau d'études a proposé un programme d'échantillonnage, dont la réalisation a été confiée à la société Ginger CEBTP par lettre de mission du 13 avril 2021, au terme d'une nouvelle procédure de marché.
5. D'une part, M. A... soutient que le choix de conforter la paroi de béton projeté recouvrant les talus, plutôt que d'édifier un mur de soutènement, lequel n'exposait pas à un risque amiante, a eu pour effet de retarder la réalisation des travaux alors qu'il ne se serait pas opposé à la construction d'un mur de soutènement. Il ressort des termes de l'arrêt de la Cour du
17 décembre 2019 que les travaux prescrits consistaient en un confortement du talus par un renforcement de la portée de la couverture du talus en béton projeté. Si M. A... soutient que l'adoption d'un autre procédé de construction permettrait une exécution plus rapide de l'injonction prononcée par la Cour, il ne relève pas de l'office du juge de l'exécution, ainsi qu'il a été dit au point 2, de remettre en cause les mesures décidées par le dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution est demandée. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin de procéder à une nouvelle expertise, la circonstance que la collectivité de Corse n'a pas envisagé de procéder à un moyen alternatif pour réaliser l'injonction ne saurait être regardée comme un manque de diligence de sa part. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que les diligences accomplies par la collectivité, dès le premier semestre 2020, n'auraient pas été nécessaires à la réalisation des travaux prescrits ou mises en oeuvre trop lentement.
6. Il résulte de ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte pour la période comprise entre le 13 avril 2021, date à laquelle le délai imparti par la Cour a expiré, et le 5 octobre 2021, date à laquelle le présent arrêt a été mis à disposition du greffe pour qu'il soit notifié. Pour les mêmes motifs, alors que M. A... ne démontre aucune opposition persistante de la collectivité de Corse à l'exécution de l'arrêt, il n'est pas fondé à demander que le taux de l'astreinte soit augmenté pour l'avenir.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de la collectivité de Corse la somme demandée par M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la collectivité de Corse sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : Les conclusions de M. A... tendant à la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par l'arrêt n° 17MA03543, 17MA03546 du 17 décembre 2019, à ce que soit relevé pour l'avenir le taux de cette astreinte et présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par la collectivité de Corse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la collectivité de Corse, à la SARL Antoniotti, à la SARL Socotrap BTP et à Me Jean-Loup Matelli.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, où siégeaient :
' M. Badie, président,
' M. Revert, président assesseur,
' Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 octobre 2021.
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N° 17MA03543, 17MA03546