Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 février 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination et en interdisant son retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte en lui délivrant, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Par un jugement n° 2002359 du 21 août 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 31 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Marzak, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 août 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 février 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Marzak au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle souffre d'une insuffisance de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des articles L. 312-1 et L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne l'admettant pas au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 ;
- elle méconnaît l'article 6-1° de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît l'article 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences du refus de séjour contesté sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision portant refus de séjour étant illégale, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est illégale par voie de conséquence ;
- elle est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle souffre d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît les articles 6-1° et 6-5° de l'accord franco-algérien ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français étant illégale, la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence ;
- elle est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle souffre d'une insuffisance de motivation ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans :
- la décision fixant le pays de renvoi étant illégale, la décision portant interdiction de retour pendant une durée de deux ans est illégale par voie de conséquence ;
- elle est entachée d'un vice d'incompétence ;
- elle souffre d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle omet de préciser que sa durée courra à compter de son départ et de porter à sa connaissance les dispositions de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces omissions le privant nécessairement de garanties ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 6 janvier 2021 au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 18 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 avril 2021.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massé-Degois a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, né le 1er avril 1960, a sollicité le 3 janvier 2019 son admission au séjour au titre de la vie privée et familiale. Il relève appel du jugement du 21 août 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 5 février 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination et interdiction de retour pour une durée de deux ans.
2. M. B... soutient qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté contesté et que le préfet des Bouches-du-Rhône, en conséquence, se devait de lui délivrer le certificat de résidence prévu à l'article 6-1° de l'accord franco-algérien.
3. Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il ressort des pièces du dossier que l'appelant justifie, par la production de nombreux documents, suffisamment probants pour la plupart d'entre eux, résider habituellement en France depuis au moins la fin de l'année 2009, d'abord rue Pisancon dans le 1er arrondissement de Marseille puis, de 2014 à 2017, rue Plumier dans le 2ème arrondissement de Marseille et, enfin, à compter de l'année 2018, rue du Musée dans le 1er arrondissement de Marseille. Parmi ces documents figurent notamment un nombre conséquent de pièces émanant de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, en particulier les relevés détaillés des versements le concernant ainsi que des courriers des services de l'aide médicale d'Etat et un nombre très important d'ordonnances de médecine de ville, de résultats d'examens médicaux auxquels il s'est soumis et divers courriers émanant de praticiens hospitaliers faisant état de soins reçus en France et de délivrance de médicaments en pharmacie également en France, couvrant sans discontinuité la période de décembre 2009 à février 2020. De même, ont été versés au dossier divers documents d'une société de téléphonie, quelques factures d'achats mentionnant son identité et son adresse, deux avis d'amendes forfaitaires en date de février 2012 et de février 2017, un avis de contravention de la régie des transports marseillais du mois d'août 2017, des relevés de la banque Postale à compter de l'année 2016 faisait état de versements en espèces et de retraits d'espèces réguliers dans différentes agences de la ville de Marseille ainsi que dix avis d'impôt de 2010 à 2019 correspondant aux revenus des années 2009 à 2018 incluses.
4. M. B... qui, ainsi qu'il vient d'être dit, démontre résider sur le territoire national depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué, établit remplir les conditions fixées par les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa requête, M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 10 juillet 2020 ainsi que celle de l'arrêté contesté du préfet des Bouches-du-Rhône.
5. Il y a lieu, eu égard au motif d'annulation énoncé ci-dessus et en l'absence de tout changement intervenu dans la situation de M. B..., d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sans qu'il soit nécessaire, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée.
6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Marzak renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à sa mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à celle-ci de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2002359 du tribunal administratif de Marseille du 21 août 2020 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 février 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à Me Marzak la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Marzak.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Sanson, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 octobre 2021.
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N° 20MA04874