Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Edit Routage Communication a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner l'Etat à lui verser la somme totale de 453 631,00 euros toutes taxes comprises en réparation des préjudices qu'elle soutient avoir subis dans le cadre de l'exécution du lot n° 3 " confection de colis destinés aux mairies et mises sous pli à envoyer aux électeurs " de l'accord-cadre portant sur la fourniture de prestations d'imprimerie et de routage pour le compte des préfectures de département de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour les élections politiques de 2017 à 2021 et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par jugement n° 1804659 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 décembre 2019, la société Edit Routage Communication, représentée par Me Schneider, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 453 631,00 euros toutes taxes comprises ;
3°) condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- pour les élections présidentielles, alors que son dossier de candidature comportait expressément l'obligation de fournir les documents à plat, non pliés, le pouvoir adjudicateur a livré des documents pliés pour les deux tours des élections présidentielles, l'obligeant à engager de la main d'œuvre intérimaire ;
- le pouvoir adjudicateur a ainsi modifié unilatéralement le contrat avant toute exécution du marché ;
- lors du premier tour des élections législatives, de nombreux documents n'avaient pas les caractéristiques minimales pour pouvoir être mécanisés et le mauvais conditionnement des documents et les nombreuses malfaçons ont perturbé gravement le fonctionnement des machines d'assemblage-pliage, entraînant de nombreuses pannes et une baisse de productivité ;
- il appartenait à la préfecture de s'assurer que les imprimeurs prenaient en compte le caractère mécanisable de cette opération et de mettre en adéquation la méthode de production et la fourniture de la matière première ;
- elle n'a pas été en mesure de traiter mécaniquement l'ensemble des documents dans les délais impartis, alors même qu'elle disposait d'une capacité allant bien au-delà des besoins ;
- en outre, la préfecture du Var a exigé, pour le premier tour des élections législatives, que les travaux se poursuivent au-delà de la date limite du 7 juin à minuit, alors même qu'elle savait que les plis étaient produits à perte ;
- le coût des travaux manuels a été alourdi par une erreur de la préfecture du Var, qui a omis de l'informer de manière claire de ne pas joindre une profession de foi qui avait été écartée par la juridiction administrative, générant un surcoût et une perte de moyens pour la réalisation de plis ;
- lors du deuxième tour des élections législatives, la préfecture du Var a choisi de traiter en régie directe les mises sous pli des professions de foi et des bulletins de vote, entraînant une perte de chiffre d'affaires de 60 109,17 euros toutes taxes comprises ;
- sa responsabilité est dégagée en application de l'article 11.2 du cahier des clauses particulières dès lors que les personnels des préfectures du Var et de Vaucluse sont venus sur le site au moment des productions et n'ont pu que constater les nombreux problèmes rencontrés par le prestataire ;
- ces difficultés ont été constatées par la commission électorale comportant le représentant de la préfecture, les sous-traitants pour l'assemblage-pliage, les techniciens des assembleuses-plieuses et le constructeur de la mise sous pli ;
- la préfecture a d'elle-même imposé le recours à la mise sous pli manuelle au regard des difficultés rencontrées ;
- au titre de ses préjudices, elle a droit aux sommes de 283 216,40 euros toutes taxes comprises pour les dépenses supplémentaires en main-d'œuvre intérimaire et technicien, 72 409,14 euros toutes taxes comprises pour la perte du chiffre d'affaires consécutivement à la reprise en régie directe de la préfecture du Var pour le second tour des élections législatives de 2017, 2 196,18 euros toutes taxes comprises pour la perte de film imprimé non utilisé à la suite du retrait du Var pour le second tour des élections législatives et non réutilisable pour le premier tour, 35 809,50 euros toutes taxes comprises au titre de la correction de la facturation pour le premier tour des législatives et des pénalités soustraites au règlement de la facture, 12 299,97 euros toutes taxes comprises au titre de la perte de chiffre d'affaires pour les journées des 8 et 9 juin 2017, lesquelles n'ont pu être consacrées aux commandes courantes, 10 000 euros au titre de l'atteinte à son image de marque dès lors qu'il a dû décaler les commandes de deux autres clients fidèles qui devaient être livrés au plus tard le 9 juin et 50 000 euros au titre de son préjudice moral.
Par mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
1°) à titre principal, sur la recevabilité de la requête :
- la société Edit Routage Communication qui a méconnu les dispositions de l'article 12.1.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de fournitures courantes et services (CCAG-FCS) de 2009 aux termes duquel " le mandataire est seul habilité à formuler ou à transmettre les réclamations de membres de groupement ", n'est pas recevable à introduire la présente requête dès lors qu'elle relève d'un groupement d'entreprises dont elle n'est pas le mandataire, alors que les tâches de chacune d'entre elles sont précisées dans l'acte d'engagement et que le groupement constitué par les sociétés Routage Service et Edit Routage a pour mandataire la société Routage Service ;
2°) subsidiairement, sur l'absence de faute de l'Etat liée à l'exécution des prestations relatives aux élections présidentielles de 2017 :
- le format imposé pour les documents électoraux par le code électoral étant le format A4 et aucune stipulation contractuelle n'imposant le format A3, la société requérante ne saurait se prévaloir du fait que les documents qui lui ont été envoyés à traiter n'étaient pas de format A3 à plat et non pliés ;
- la société requérante n'a jamais fait part au pouvoir adjudicateur de ses difficultés et n'a émis aucune réserve sur la qualité des documents livrés ;
- il n'existe aucune obligation de l'Etat de transmettre aux candidats aux élections les contraintes propres au matériel à utiliser ;
- la mise sous pli mécanisé n'a jamais été imposée, le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) disposant en son article 20 que le titulaire du marché s'engage soit à recourir à un traitement automatisé, soit à faire appel à une main d'œuvre qualifiée ;
- la société requérante n'a jamais fait part aux représentants de l'Etat de caractéristiques techniques qu'il conviendrait de transmettre aux imprimeurs ;
- la détection de la mauvaise qualité des documents relève de la responsabilité du titulaire du marché conformément aux articles 11.2 et 22.3 du CCTP ; il lui incombe de contacter les imprimeurs ;
- la requérante n'établit pas que la préfecture aurait imposé une mise sous pli manuelle, ni qu'elle lui aurait imposé d'exécuter sa prestation avec les documents pliés ;
- la requérante a elle-même pris l'initiative de valider la livraison des documents prétendument défectueux auprès du fournisseur sans attendre la réponse de la préfecture, puisqu'elle produit un courriel du 14 février 2017 en ce sens ;
3°) subsidiairement, sur l'absence de faute de l'Etat liée à l'exécution des prestations relatives aux élections législatives de 2017 :
- la requérante n'est pas fondée à se prévaloir des malfaçons affectant les documents, dans la mesure où elle n'a pas respecté les stipulations du cahier des charges lui imposant d'anticiper les éventuelles difficultés liées à la mise sous pli de documents imprimés par des tiers et de déclarer toute anomalie au représentant du pouvoir adjudicateur ;
- la requérante ne démontre aucunement avoir procédé à l'inventaire contradictoire exigé par l'article 22.3 du CCTP ;
- s'il est constant que la date limite de remise des plis pour le premier tour des élections législatives était fixée au 7 juin à minuit et que la société Edit Routage a poursuivi les travaux au-delà de cette date, soit jusqu'au 10 juin, elle ne saurait soutenir que la préfecture du Var lui aurait demandé de réaliser volontairement ces prestations en pure perte ;
- si la requérante prétend que les coûts des travaux manuels ont été alourdis par une erreur de la préfecture du Var, qui aurait omis de l'informer de ne pas joindre une profession de foi écartée par la juridiction administrative, elle ne l'établit aucunement ;
- l'Etat a été contraint de traiter en régie les mises sous pli des professions de foi et des bulletins de vote pour le second tour des législatives prévu le 18 juin 2017, décision qui a fait suite aux nombreux dysfonctionnements constatés par la préfecture du Var ;
- les dépenses supplémentaires nécessaires de main d'œuvre intérimaire et de techniciens constituent des frais réputés compris dans les prix du marché, la main d'œuvre manuelle étant évoquée dans le CCTP ;
- les factures produites ne permettent en aucun cas d'établir que le film imprimé était destiné aux prestations relevant du marché public liant la société Edit Routage à l'Etat ni, comme l'affirme la requérante, qu'il n'a pas été utilisé ; par ailleurs, ces frais sont en principe inclus dans le prix du marché par l'article 7.1 du CCTP ;
- si la requérante soutient que, si les documents avaient été livrés conformes, elle aurait réalisé les prestations dans les délais impartis et n'aurait pas subi de réfactions ni d'application des pénalités, elle a fait l'objet d'une appréciation bienveillante de la part du pouvoir adjudicateur en ce qui concerne l'admission des prestations, certaines prestations n'ayant fait l'objet que de réfactions, alors qu'elles n'auraient dû être ni admises ni réglées ;
- la perte de chiffre d'affaires pour les journées des 8 et 9 juin 2017 n'est étayée par aucune pièce justificative ;
- l'atteinte à l'image de marque est insuffisamment justifiée ; par ailleurs, il n'existe aucun lien de causalité entre les anomalies affectant les documents à mettre sous pli et la mauvaise qualité des prestations destinées aux autres clients de la société Edit Routage ;
- le préjudice moral allégué n'est pas davantage établi.
La société Edit Routage Communication a présenté un mémoire enregistré le 28 octobre 2021 qui n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2021 à 12 h 00.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'ordonnance n° 2015-899 du 13 juillet 2015 ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. B... Thielé, rapporteur public,
- et les observations de M. C... pour le ministre de l'intérieur.
Considérant ce qui suit :
1. Par avis de marché public publié le 3 octobre 2016 au bulletin officiel des annonces des marchés publics, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a lancé une procédure d'appel d'offres en vue de la passation d'un accord-cadre à bons de commande sans minimum ni maximum pour le compte des six départements de la région portant, d'une part, sur l'impression, le conditionnement, la livraison et le colisage aux mairies des bulletins de vote et des imprimés officiels électoraux et, d'autre part, sur la mise sous pli ou sous film des documents de propagande à destination des électeurs pour toutes les élections politiques organisées par l'Etat dans la région PACA de 2017 à 2021. Cet accord-cadre tenant lieu de cahier des clauses techniques particulières qui comporte quatre lots techniques a été conclu pour une année reconductible tacitement dans la limite de trois reconductions.
2. Par acte d'engagement du 2 février 2017, le préfet de la région PACA a confié au groupement Edit Routage Communication et Routage Service l'exécution du lot n° 3 de l'accord-cadre comportant le colisage des bulletins de vote des imprimés destinés aux bureaux de vote ainsi que la mise sous pli de la propagande électorale destinées aux électeurs.
3. A la suite des difficultés rencontrées par la société Edit Routage dans l'exécution de son contrat lors des élections présidentielles et législatives de 2017 ayant conduit à la mise en régie partielle des prestations par la préfecture du Var, la société Edit Routage Communication a, par un mémoire en réclamation du 1er août 2017, sollicité du préfet de région une indemnité d'un montant total de 368 325,05 euros, faisant valoir que lors des élections présidentielles et des élections législatives de 2017, le mauvais conditionnement des documents et de nombreuses malfaçons les concernant ont entraîné de nombreuses pannes empêchant de traiter mécaniquement l'ensemble des documents dans les délais impartis et l'ayant contrainte à engager des frais supplémentaires pour exécuter ses prestations en faisant appel à de la main d'œuvre intérimaire pour respecter les délais de livraison. Sa réclamation a été implicitement rejetée. La saisine par la société requérante du médiateur des entreprises n'ayant pas permis de parvenir à un accord, la clôture de la médiation a été prononcée par courrier du 9 juillet 2018.
4. La société Edit Routage Communication relève appel du jugement n° 1804659 du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête indemnitaire.
5. Aux termes de l'article 12.1.4 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de Fournitures Courantes et de Services, dans son édition de 2009, qui figure au nombre des pièces contractuelles : " Le mandataire est seul habilité à formuler ou à transmettre les réclamations de membres du groupement ".
6. En l'espèce, il ressort de l'acte d'engagement que le groupement est un groupement conjoint dont le mandataire est la société Routage Service, représentée par son directeur général, et non la société Edit Routage Communication. Dès lors, la société Edit Routage Communication n'était pas recevable à saisir le juge administratif, faute pour la société Routage Service d'avoir préalablement formulé la réclamation de la société Edit Routage Communication auprès du pouvoir adjudicateur. La circonstance, invoquée par la société Edit Routage Communication, qu'elle aurait informé la société Routage Service de sa démarche est sans incidence sur la recevabilité de sa requête qui devait, par suite, être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur son bien-fondé.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Edit Routage Communication n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête. Par suite, ses conclusions présentées, en outre, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Edit Routage Communication est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Edit Routage Communication et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2021, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. A... Taormina, président assesseur,
- M. Olivier Guillaumont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 décembre 2021.
N° 19MA05670 3