Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon, qui a renvoyé sa demande au tribunal administratif de C... sur le fondement de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône en date du 17 novembre 2020 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2009439 du 15 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... a annulé la décision du 17 novembre 2020 prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête n° 20MA02212, enregistrée le 7 juin 2021, M. B..., représenté par Me Quinson, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 15 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai et de la décision fixant le pays de sa destination ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2020 du préfet du Rhône en tant qu'il lui fait obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il fixe le pays de sa destination ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence mention " vie privée et familiale " lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, ou à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le premier juge a méconnu l'étendue de ses compétences en n'ayant pas retenu qu'il entrait dans la catégorie des étrangers protégés contre l'éloignement en application des dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreurs de fait pour avoir considéré qu'il ne détenait pas de documents d'identité et de voyage, qu'il n'avait pas effectué de démarches personnelles en vue de la régularisation de sa situation, qu'il était entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il ne disposait d'aucune garantie de représentation ;
- elle méconnaît, par la voie de l'exception d'illégalité, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de la règle de l'examen particulier des circonstances ;
- elle méconnaît son droit à être entendu ;
- elle méconnaît l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le préfet aurait dû saisir le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
II. Par une requête, n° 21MA02289, enregistrée le 11 juin 2021, M. B..., représenté par Me Quinson, demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 15 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... ;
2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que l'exécution du jugement attaqué aurait des conséquences difficilement réparables et qu'il soulève des moyens sérieux de nature à entraîner sa réformation.
La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de C... a constaté la caducité des demandes d'aide juridictionnelle de M. B... par décisions du 23 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Chazan a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes de M. B..., enregistrées sous les nos 21MA02212 et 21MA02289 tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par la même décision.
2. M. B..., de nationalité algérienne, a fait l'objet d'un arrêté du 17 novembre 2020 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. M. B... relève appel du jugement du 15 janvier 2021 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... a uniquement accueilli ses conclusions aux fins d'annulation de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français précitée, et demande en outre le sursis à l'exécution de ce même jugement.
Sur la requête n° 21MA02212 :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation du jugement du 15 janvier 2021 :
3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au cas d'espèce : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
4. M. B..., ressortissant algérien, né le 4 avril 2002 à Ben Badis, soutient être entré en France avec son père au cours de l'année 2013, alors qu'il était âgé de onze ans, pour subir une intervention chirurgicale à l'œil droit. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a suivi sa scolarité à C..., où il a été inscrit, du 2 décembre 2014 au 4 mars 2016 au collège Edmond Rostand en classe de 6ème et 5ème, puis du 7 mars 2016 au 31 août 2018 au collège Anatole France où il a terminé sa classe de 5ème avant d'être inscrit en 4ème puis en 3ème. En outre, M. B... a fait l'objet d'ordonnances de placement provisoire successives du tribunal pour enfants D... C..., à compter du 26 novembre 2017. Il a été incarcéré en détention provisoire au sein du quartier pour mineurs du centre pénitencier de Luynes du 3 mars 2020 au 2 juillet 2020 pour des faits d'association de malfaiteurs avec extorsion d'arme à feu sur un représentant de l'ordre public. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence en France de M. B... depuis qu'il y est entré. Par une nouvelle ordonnance de placement provisoire du 2 octobre 2020, renouvelée le 6 novembre 2020, M. B... a été confié au foyer Calendal à C... à compter du 5 octobre 2020 et ce jusqu'au 7 mai 2021. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la maison départementale des personnes handicapées lui a délivré une carte de priorité valable pour la période du 16 septembre 2016 au 31 octobre 2019, et a évalué son handicap à un taux compris entre 50 et 79 %. Ainsi, eu égard aux pièces produites, M. B... établit résider habituellement en France au moins depuis le 2 décembre 2014, date à laquelle il était âgé de douze ans et huit mois, jusqu'au 17 novembre 2020, date de l'arrêté contesté. Par suite, M. B..., qui remplissait les conditions posées par le 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le préfet du Rhône, en édictant l'arrêté contesté, a par conséquent méconnu ces dispositions du 2° de l'article L. 511-4.
5. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 17 novembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Il appartient à la cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par le préfet du Rhône en première instance.
6. L'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
7. Le préfet du Rhône a fait valoir en première instance que M. B... était déjà très défavorablement connu des services de police, " cumulant déjà treize mentions à son fichier automatisé des empreintes digitales ", et doit ainsi être regardé comme ayant sollicité une substitution de motif sur le fondement de la menace à l'ordre public que représente l'intéressé. Toutefois, dès lors que M. B... fait partie de la catégorie des étrangers protégés contre une mesure d'éloignement en application du 2° de l'article L. 511-4 ainsi qu'il a été dit précédemment au point 4, et que les dispositions de cet article ne prévoient aucune réserve relative à la menace pour l'ordre public, la demande de substitution de motif ne peut qu'être écartée.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2020 du préfet du Rhône en tant qu'il l'a obligé à quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence, des décisions le privant de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date du présent arrêt : " Si la décision portant l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".
10. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet compétent délivre un titre de séjour à M. B.... En revanche, l'annulation de l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français implique nécessairement qu'il soit muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur sa situation. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône compétent à raison du lieu de résidence de l'intéressé, de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, après lui avoir délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur la requête n° 21MA02289 :
11. Dès lors que le présent arrêt statue sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... du 15 janvier 2021, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
En ce qui concerne les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21MA02289 de M. B....
Article 2 : L'arrêté du 17 mars 2020 du préfet du Rhône est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai et qu'il fixe le pays de destination.
Article 3 : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de C... du 15 janvier 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de C....
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021 où siégeaient :
- M. Chazan, président de chambre,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à dispositions au greffe le 17 décembre 2021
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N° 21MA02212,21MA02289
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