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31/12/2021 | FRANCE | N°20MA01047

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 31 décembre 2021, 20MA01047


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 12 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 30 000 euros au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 13 septembre 2018 rejetant son recours gracieux

Par un jugement n° 1801173 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif d

e Bastia a annulé les décisions des 12 juin 2018 et 13 septembre 2018 mettant à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 12 juin 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la somme de 30 000 euros au titre de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ainsi que la décision du 13 septembre 2018 rejetant son recours gracieux

Par un jugement n° 1801173 du 16 janvier 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions des 12 juin 2018 et 13 septembre 2018 mettant à la charge de M. B... la somme de 30 000 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 mars 2020 et le 3 février 2021, l'OFII, représenté par Me Schegin, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 16 janvier 2020 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'OFII soutient que :

- le tribunal administratif a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait ;

- la matérialité des faits est pas établie et la circonstance que le tribunal correctionnel de Bastia et la Cour d'appel de Bastia ont relaxé M. D... B... pour emploi d'étranger non muni d'une autorisation de travail ne prive pas l'OFII de sa capacité d'infliger les contributions spéciale et forfaitaire, dès lors qu'il ressort des pièces qui lui ont été transmises que la matérialité des faits est établie ;

- la circonstance que les salariés en cause n'auraient pas fait l'objet d'un réacheminement vers leur pays d'origine est sans incidence sur l'application de la contribution représentative des frais de réacheminement, qui présente un caractère forfaitaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2021, M. B..., représenté par Me Marinacce, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'OFII ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Virginie Ciréfice, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Prieto,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 mars 2017, les services de l'inspection du travail, assistés des services de gendarmerie ont constaté la présence en action de travail sur le chantier de réhabilitation d'une maison individuelle située à Lucciana (Haute-Corse), dont le propriétaire est M. D... B..., et ont dressé un procès-verbal à l'encontre de M. B... pour l'emploi irrégulier de deux ouvriers travaillant sur le chantier non munis d'un titre les autorisant à travailler en France.

2. Par une décision du 12 juin 2018, l'OFII a mis à la charge de M. B... une contribution spéciale d'un montant de 35 400 euros ainsi qu'une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 2 124 euros, montant ramené à la somme de 30 000 euros par application de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un courrier du 8 août 2018, M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision que l'OFII a rejeté le 13 septembre 2018.

3. L'OFII relève appel du jugement du 16 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions des 12 juin 2018 et 13 septembre 2018 mettant à la charge de M. B... la somme de 30 000 euros.

Sur la régularité du jugement :

4. Si l'OFII soutient que le jugement serait entaché d'une contradiction de motifs, un tel moyen, en tout état de cause, relève du bien-fondé du jugement en appel et, à supposer la contradiction de motif établie, celle-ci n'est pas de nature à annuler le jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 de ce code : " (...) / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ". Enfin, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) ".

6. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

7. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail et de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que les contributions qu'ils prévoient ont pour objet de sanctionner les faits d'emploi d'un travailleur étranger séjournant irrégulièrement sur le territoire français ou démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée, sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement.

8. Enfin, en principe, l'autorité de la chose jugée au pénal ne s'impose à l'administration comme au juge administratif qu'en ce qui concerne les constatations de fait que les juges répressifs ont retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d'un jugement devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative d'apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application d'une sanction administrative.

9. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations du procès-verbal établi le 10 mars 2017, que si le beau-frère de M. B..., M. A... C... et M. E... contribuaient de manière effective aux travaux du chantier, ils n'ont reçu aucune rémunération en échange de cette contribution. S'il ressort, par ailleurs, également des énonciations du procès-verbal que M. A... C... était présent depuis plusieurs jours sur le chantier pour y effectuer des travaux avec le matériel et les outils fournis par M. B... et selon les instructions de ce dernier, et qu'il lui avait, à cette occasion, fourni de la nourriture et un hébergement, ces seuls éléments ne sont pas de nature à établir que M. A... C..., qui a affirmé, comme M. B..., qu'il avait apporté bénévolement son aide à son beau-frère dans le cadre d'une entraide familiale, aurait ainsi effectué ce travail en échange d'une rémunération, ni donc qu'il était engagé au service de M. B..., dans un lien de subordination avec celui-ci. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que M. X. Mustapha, qui a pris la fuite lors du contrôle et dont ni l'identité ni la nationalité n'ont pu être établies, aurait été placé dans une situation salariale vis-à-vis de M. B... alors que ce dernier a toujours affirmé que M. X. Mustapha intervenait à titre bénévole et de manière occasionnelle. Compte tenu de ces éléments, l'OFII ne pouvait légalement mettre à la charge de M. B..., qui ne saurait être regardé comme étant l'employeur de M. A... C..., et de M. X. Mustapha, une somme au titre des contributions spéciale et forfaitaire prévues par les articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions en litige et rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B... qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à l'OFII une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

12. L'Etat n'étant pas partie au litige ne saurait, en tout état de cause, être condamné à verser à M. B... la somme que celui-ci demande au titre de l'article L 761 1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'OFII est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2021, où siégeaient :

- Mme Ciréfice, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 décembre 2021.

N° 20MA01047 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01047
Date de la décision : 31/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme CIREFICE
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : CABINET SCHEGIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-12-31;20ma01047 ?
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