Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2100823 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021 sous le n° 21MA02114, M. A..., représenté par Me Le Gars, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;
2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 février 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une carte de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur sa demande dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans cette attente, lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, au profit de son conseil qui s'engage à renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire en se fondant sur des circonstances qui n'avaient pas été débattues par les parties ;
- le jugement est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il considère que M. A... a été muni d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade jusqu'en juillet 2018 et évoque une demande de renouvellement de titre de séjour du 21 décembre 2018 et qu'enfin, il a estimé qu'il était en situation irrégulière du 20 juillet au 21 décembre 2018 ;
- les premiers juges, en le déclarant inopérant, ont omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour du droit d'asile en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- le motif tenant au fait qu'il représente une menace pour l'ordre public est entaché d'erreur de droit, dès lors qu'il a été réhabilité de plein droit ;
- il est également entaché d'erreur d'appréciation ;
- la décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II- Par une requête, enregistrée le 3 juin 2021 sous le n° 21MA02115, M. A..., représenté par Me Le Gars, demande à la Cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 11 mai 2021 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des décisions portant refus de titre et obligation de quitter le territoire ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travailler pendant toute la durée du sursis, dans le délai de huit jour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement emporte des conséquences difficilement réparables, dès lors qu'il est présent de manière continue et habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans et ne bénéficie d'aucun autre revenu que le revenu de solidarité active ;
- il fait état de moyens sérieux d'annulation, dans l'état de l'instruction, de l'arrêté attaqué.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 9 juillet 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 21MA02114 et 21MA02115 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
2. M. A..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 février 2021 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de sa destination et portant interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans.
Sur la régularité du jugement :
3. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis des erreurs de fait, et qu'ils ont retenu à tort l'inopérance du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ont trait au bien-fondé du jugement et sont sans incidence sur sa régularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
4. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni que le préfet des Alpes-Maritimes aurait entendu examiner sa demande sur ce fondement. La circonstance que l'arrêté litigieux examine les conséquences d'un refus de séjour au regard du droit à une vie familiale normale, n'est pas de nature à établir qu'il se serait prononcé sur un droit au séjour à raison des liens privés et familiaux en France de M. A..., tels que prévu au 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade, de se prononcer au regard des conditions de délivrance de ce titre prévues par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du même code. Il suit de là que, saisi d'une demande présentée sur un fondement déterminé, l'autorité compétente n'est pas tenue de rechercher si la demande de titre de séjour aurait pu être satisfaite sur le fondement d'autres dispositions. L'intéressé, ayant sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu d'examiner d'office s'il remplissait les conditions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile comme inopérant.
5. Pour refuser de renouveler la carte de séjour temporaire délivrée à M. A... en qualité d'étranger malade, le préfet des Alpes-Maritimes a constaté que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, mais que son défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il était en état de voyager et qu'il ne faisait état d'aucune impossibilité d'accéder de façon concrète à des soins appropriés ni de circonstances humanitaires exceptionnelles. Ces seuls motifs, non contestés, suffisaient à rejeter la demande de M. A....
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ".
7. M. A... se prévaut de son état de santé, lequel nécessite des traitements médicaux. Toutefois, il ne conteste pas l'avis du collège des médecins de l'OFII rendu le 25 février 2019 aux termes duquel, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. A... ne peut, en tout état de cause, invoquer les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance par la décision attaquée ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France le 8 septembre 2009 au moyen d'un visa " étudiant " et qu'il y a poursuivi des études de lettres à l'Université de Nice jusqu'en 2015. S'il a été titulaire de plusieurs cartes de séjour portant la mention " étudiant " entre 2009 et 2017, celles-ci ne lui donnaient pas vocation à se maintenir sur le territoire après la fin de ses études. Par ailleurs, M. A..., qui est célibataire et sans charge de famille, n'établit pas la réalité des liens dont il se prévaut en France et ne se prévaut pas de liens familiaux sur le territoire. En outre, il rapporte être dépourvu d'emploi et de ressources et établit percevoir le revenu de solidarité active. Enfin, tel qu'il a été dit au point 5, M. A..., qui se prévaut de son état de santé, ne conteste pas qu'un défaut de prise en charge médicale ne serait pas de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par conséquent, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, le préfet des Alpes-Maritimes a fait valoir en première instance qu'il n'y avait plus lieu à statuer sur la requête dès lors qu'il avait délivré une autorisation provisoire de séjour à M. A.... Toutefois, par ordonnance du 8 mars 2021, le tribunal administratif de Nice a suspendu l'exécution de l'arrêté du 3 février 2021 et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du jugement au fond. Dès lors, en se bornant à produire des copies d'écran AGDREF pour justifier de la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, le préfet des Alpes-Maritimes ne démontre pas avoir abrogé ou retiré l'arrêté du 3 février 2021. Ainsi, l'exception de non-lieu à statuer doit être écartée.
11. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; ".
12. M. A... fait valoir qu'il réside régulièrement sur le territoire français depuis plus de dix ans. Il est établi que l'intéressé est entré en France le 8 septembre 2009 au moyen d'un titre de séjour portant la mention " étudiant " et qu'il s'y est maintenu en cette qualité jusqu'en 2015. Par la suite, il a bénéficié d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en tant qu'étranger malade, jusqu'au 19 juillet 2017. Il a, à cette même date, formulé une demande de renouvellement de son titre de séjour sur le même fondement. Il ressort des pièces du dossier qu'entre le 19 juillet 2017 et le 12 avril 2021, M. A... résidait régulièrement sur le territoire national, sous couvert de récépissés de demande de renouvellement de carte de séjour. En outre il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la capture d'écran AGDREF, que M. A... aurait sollicité une demande de renouvellement de son titre le 20 janvier 2018 pour une durée de six mois, et n'aurait été couvert par aucune autorisation de séjour entre le 20 juillet 2018 et le 21 décembre 2018. Par suite, M. A..., qui était présent régulièrement en France depuis plus de dix ans et n'avait pas bénéficié pendant toute cette période d'un titre de séjour portant la mention " étudiant ", ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. L'obligation de quitter le territoire français contestée méconnaît donc les dispositions de l'article L. 511-4 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes délivre un titre de séjour à M. A.... Il implique en revanche, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il réexamine sa situation dans un délai de deux mois et lui délivre sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'à ce que l'autorité administrative se soit prononcée sur sa situation, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette autorisation d'une autorisation de travail, eu égard à la situation dans laquelle l'intéressé se trouve placé par l'effet du présent arrêt, qui rejette ses conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour. Il n'y a pas davantage lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
15. La présente ordonnance statuant sur l'appel présenté contre le jugement du 11 mai 2021, les conclusions de la requête n° 21MA02115 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à Me Le Gars, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21MA02115.
Article 2 : L'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 3 février 2021 est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente une autorisation provisoire de séjour, valable jusqu'à l'intervention de ce réexamen.
Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Le Gars en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête n° 21MA02114 est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et à Me Le Gars.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chazan, président,
M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
M. Quenette, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
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N° 21MA02114, 21MA02115
hw