Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 1er août 2017 par lequel le maire de la commune de Saint-Alexandre a refusé de lui délivrer un permis de construire pour édifier une maison individuelle d'une surface de plancher de 148 m² sur un terrain situé en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune et d'enjoindre à la commune de lui délivrer ce permis.
Par un jugement n° 1703920 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 1er août 2017 du maire de Saint-Alexandre et a enjoint au maire de délivrer à M. B... ce permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 1er août 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 10 novembre 2021, la commune de Saint-Alexandre, représentée par la SELARL d'avocats Gil-cros, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) de rejeter la demande de M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 500 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé s'agissant de sa réponse au moyen tiré de la nécessité de la présence permanente de l'exploitant, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- les premiers juges n'ont pas épuisé leur pouvoir juridictionnel en écartant sa demande de substitution de motifs sans s'assurer de la conformité du projet avec les exigences de l'article A13 du règlement du PLU de la commune ;
- la construction de la maison d'habitation litigieuse méconnaît l'article A2 de ce règlement dès lors que la présence permanente de l'exploitant n'est pas indispensable à l'exploitation agricole ;
- les autres motifs du refus litigieux sont surabondants et pourront être écartés ;
- en tout état de cause, la viabilité du projet n'est pas démontrée ;
- elle demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs tirée de ce que le projet litigieux méconnaît l'article A13 du règlement du plan local d'urbanisme relatif au nombre d'arbres à haut jet à planter sur le terrain d'assiette du projet et qu'il porte atteinte à la sécurité publique en méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense enregistrés les 13 octobre et 3 décembre 2021, M. B..., représenté par la Selarl d'avocats HCPL de Chivré-Lelu, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Saint-Alexandre la somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- la demande de substitution de motifs de la commune est irrecevable en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme et en tout état de cause, ces motifs ne peuvent pas fonder le refus en litige.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carassic,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Crespy représentant la commune de Saint-Alexandre et de Me Dechivré représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... s'est vu délivrer le 24 février 2016 par le maire de la commune de Saint-Alexandre un permis de construire pour réaliser un hangar de 115 m² destiné à abriter un laboratoire et des parcs d'élevage d'escargots pour son exploitation hélicicole sur un terrain cadastré C n° 332 et 333, situé chemin Serre de l'Expert, en zone agricole du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Alexandre. Sa demande du 9 mai 2017 de permis de construire pour édifier sur ce même terrain une maison individuelle de 148 m² a été refusée par l'arrêté en litige du 1er août 2017 du maire de Saint-Alexandre. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 1er août 2017 du maire de Saint-Alexandre et a enjoint au maire de délivrer à M. B... ce permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La commune de Saint-Alexandre relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. B..., le maire de Saint-Alexandre s'est fondé sur trois motifs tirés de ce que l'intéressé, en sa qualité de cotisant solidaire à la Mutualité Sociale Agricole (MSA), ne pouvait pas être assimilé à un exploitant agricole, de ce que l'exploitation hélicicole de M. B... ne justifiait pas sa présence permanente sur le lieu d'exploitation au sens de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme et de ce que la viabilité économique de son exploitation agricole n'était pas établie. Les premiers juges ont estimé qu'aucun de ces motifs ne pouvait légalement fonder le refus de permis de construire en litige. En appel, la commune soutient que le premier et le troisième motif de la décision en litige sont surabondants.
3. Aux termes de l'article R. 151-23 du code de l'urbanisme : " En zone A peuvent seules être autorisées : - les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ; - les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs ou à des services publics, dès lors qu'elles ne sont pas incompatibles avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière dans l'unité foncière où elles sont implantées et qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. ". L'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune approuvé le 12 juillet 2011 autorise notamment en zone A les constructions et installations liées et nécessaires au fonctionnement des projets d'exploitation agricole. L'article A1 de ce règlement interdit toutes les formes d'utilisation et d'occupation du sol non mentionnées à l'article A2 du règlement. Ces dispositions autorisent en zone agricole A les constructions à usage d'habitation, sous réserve qu'elles soient liées et nécessaires au fonctionnement de l'exploitation agricole. Le lien de nécessité, qui doit faire l'objet d'un examen au cas par cas, s'apprécie entre, d'une part, la nature et le fonctionnement des activités de l'exploitation agricole, d'autre part, la destination de la construction projetée.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la demande le 9 mai 2017 du permis de construire en litige, M. B..., exploitant agricole depuis le 1er février 2016, élève un cheptel important de 300 000 escargots petits et gros gris sur une superficie de parcs d'élevage d'engraissement de 1 000 m² et produit sur place du caviar d'œufs d'escargots et de la chair d'escargots destinés à être commercialisés en direct sur les marchés hors de son exploitation. Son logement actuel se situe à moins de 10 kms, soit à 15 mn en voiture, de son siège d'exploitation. Il ressort des pièces de sa demande de permis de construire que son activité d'héliciculteur repose sur trois phases d'élevage qui justifient selon lui la nécessité de sa présence permanente sur son lieu d'élevage. M. B... affirme que, pendant la phase d'engraissement des escargots de mai à septembre, la surveillance des pannes d'alimentation électrique des clôtures des parcs d'élevage est nécessaire pour éviter que les escargots ne s'échappent et que les stocks de produits transformés soient détériorés dans les chambres froides du fait de la rupture de la chaîne du froid. Toutefois, il n'établit ni la fréquence de ces supposées pannes électriques, ni que la vitesse de déplacement des escargots fugueurs, évaluée par l'exploitant à 4 mètres à l'heure, et à supposer même qu'ils franchissent les clôtures des parcs tous en même temps, exigerait sa présence permanente pour les ramasser et les remettre en parcs sans subir une perte considérable de son cheptel, eu égard notamment à la proximité de son domicile actuel et à la possibilité de mettre en place un dispositif d'alarme à distance en cas de panne. S'il soutient aussi que, pendant la phase de reproduction qui s'étend de février à mars, les œufs d'escargots sont ramassés de jour comme de nuit 7 jours sur 7, afin de les recueillir dans un état de grande fraîcheur impliquant ainsi une présence quotidienne et une amplitude journalière de travail étendue, il n'établit pas que les conditions de cette récolte, qui peut être planifiée, suffisent à justifier que l'exploitant soit logé sur le site même de l'exploitation. M. B... n'établit pas que, malgré le nombre d'heures de travail à effectuer, sa présence permanente sur le site d'exploitation serait requise pendant la dernière phase de décoquillage, de beurrage et de transformation des escargots en produits commercialisés d'octobre à décembre. Enfin, si M. B... fait état de risques de vols et de vandalisme, il n'établit pas que seule l'installation de son habitation sur son lieu d'exploitation serait de nature à assurer la sécurité et le bon fonctionnement de son exploitation. Par suite, et alors même que la chambre d'agriculture de Lorraine a indiqué que l'activité d'héliciculture est très consommatrice en main d'œuvre sans se prononcer sur la nécessité pour l'exploitant de résider sur place, le maire de la commune de Saint-Alexandre a pu légalement estimer que le projet de construction d'une habitation individuelle n'était pas nécessaire à l'exercice de l'activité hélicicole de M. B... au sens de l'article A2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune. Dès lors, le maire était fondé, pour ce seul motif, à refuser le permis de construire sollicité. Il résulte de l'instruction que le maire aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif.
5. Il résulte de ce qui précède, en l'absence d'autres moyens en premier instance et en appel que ceux relatifs au bien-fondé des motifs du refus de permis de construire, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, ni sur la demande de substitution de motifs de la commune, que la commune de Saint-Alexandre est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé l'arrêté du 1er août 2017 du maire et a enjoint au maire de réexaminer la demande de M. B.... Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes.
Sur les frais liés au litige :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Alexandre, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme à verser à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Saint-Alexandre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 18 juin 2019 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nîmes est rejetée.
Article 3: M. B... versera la somme de 2 000 euros à la commune de Saint-Alexandre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Alexandre et à M. C... B....
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- Mme A..., première coneillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2022.
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N° 19MA03635