Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le certificat d'urbanisme négatif délivré par le maire de la commune de Le Val le 12 janvier 2017 ainsi que l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le même maire a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Par un jugement n° 1702059 1703270 du 22 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier et 29 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Augereau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 novembre 2019 ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif délivré par le maire de la commune de Le Val le 12 janvier 2017 ainsi que l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le même maire a refusé de lui délivrer un permis de construire ;
3°) d'enjoindre au maire de Le Val de reprendre l'instruction des deux dossiers ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Le Val la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à tous les moyens d'illégalité.
En ce qui concerne le certificat d'urbanisme :
- le motif tiré de l'insuffisance des accès est illégal ; le projet dessert déjà quatre autres propriétés ; la lettre du préfet n'a pas d'effet juridique ; la voie communale a désormais une largeur de 4 mètres et ses caractéristiques ne sont pas insuffisantes ; l'avis du SDIS n'est pas défavorable ;
- il est propriétaire d'une seule propriété divisée en deux terrains contiguës, de sorte qu'il n'a pas à justifier d'une servitude de passage sur le canal d'irrigation situé sur sa propriété.
En ce qui concerne le refus de permis de construire :
- le refus est illégal pour les raisons précédemment exposées contre le certificat d'urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2020, la commune de Le Val, représentée par la SELAS LLC et associés, agissant par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les moyens d'appel sont infondés ;
- elle pouvait s'opposer au projet en raison des risques pour la sécurité publique.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Baizet,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Cinelli substituant Me Augereau, représentant M. B... et de Me Faure-Bonaccorsi, de la SELAS LLC et associés, représentant la commune de Le Val.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 22 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa requête tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif délivré par le maire de la commune de Le Val le 12 janvier 2017 ainsi que de l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le même maire de Le Val a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison d'habitation.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Le maire de Le Val a délivré un certificat d'urbanisme négatif et refusé de délivrer une permis de construire une maison d'habitation à M. B... en considérant que le projet méconnaissait les dispositions d'une lettre circulaire du préfet du Var du 7 octobre 2015, les dispositions de l'article UC 3 du plan d'occupation des sols pour le certificat d'urbanisme et les dispositions des articles R. 111-5 et R. 111-6 du code de l'urbanisme pour le refus de permis, au motif que l'opération consistait à utiliser deux unités foncières distinctes pour la construction de la maison et que la voie publique d'accès à la parcelle était strictement inférieure à 4 mètres.
3. En premier lieu, aux termes de termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ". Aux termes de l'article R. 111-6 du code de l'urbanisme : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable peut imposer la réalisation de voies privées ou de tous autres aménagements particuliers nécessaires au respect des conditions de sécurité mentionnées au deuxième alinéa de l'article R. 111-5. ". Aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune de Le Val : " Pour être constructible, un terrain doit comporter un accès à une voie publique ou privée, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un passage aménagé sur fonds voisins ou éventuellement obtenu par application de l'article 682 du Code civil, leurs caractéristiques techniques doivent être adaptées aux usages qu'ils supportent et aux opérations qu'ils desservent (défense contre l'incendie, sécurité civile, service de nettoiement...), et dans tous les cas les accès doivent être aménagés de telle manière qu'une visibilité, vers la voie, convenable à la sécurité et tenant compte de la circulation soit assurée... ". L'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie.
4. En outre, une unité foncière est un îlot de propriété d'un seul tenant composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à une même indivision.
5. En l'espèce, d'une part, la " lettre circulaire " du préfet, relatant l'état de la jurisprudence administrative en matière d'accès dans une optique de sécurisation juridiques des autorisations et refus de construire, n'a aucun caractère impératif et ne contient pas de ligne directrice. En outre cette lettre n'impose nullement que les voies d'accès aux terrains présentent une largeur minimale de 4 mètres. Dans ces conditions le maire ne pouvait se fonder sur cette lettre pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif et refuser le permis en litige en considérant que la voie d'accès ne faisait pas 4 mètres de large.
6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... est propriétaire d'une unité foncière composée de deux parcelles cadastrées D 639 et D 1206, lesquelles se rejoignent sur une portion de quelques mètres. La circonstance que ces parcelles sont traversées par un canal d'irrigation busé, institué selon les déclarations non contestées de M. B... avant 1959 entre les propriétaires riverains pour l'irrigation des parcelles anciennement agricoles, ne retire pas aux parcelles de M. B... leur caractère contigu, la commune n'établissant pas, ni d'ailleurs n'alléguant, qu'elle ou une autre personne publique serait propriétaire de l'emprise du canal d'irrigation et que celle-ci n'appartiendrait donc pas, sur la portion en litige, à M. B.... La matérialisation de ce canal sur les relevés cadastraux n'a aucune incidence sur sa propriété effective. Les deux parcelles contiguës constituant le terrain d'assiette appartenant au même propriétaire forment ainsi une seule unité foncière, sur laquelle porte le projet de M. B..., ce qui permet donc une desserte effective de l'ensemble du projet, même en sa partie nord.
7. Enfin, à supposer que le maire de Le Val ait entendu également opposer l'insuffisance de la desserte sur le fondement des dispositions précitées, en raison de la largeur alléguée de 4 mètres de la voie d'accès, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de géomètre établi à la demande de M. B... lors de la période août 2016- mai 2017 qu'à la date de la demande, la largeur de la voie d'accès variait de 3,82 à 5 mètres de large. Il ne ressort pas des autres pièces du dossier que la voie d'accès, qui se prolonge ensuite par une voie interne sur la parcelle D 1206 puis la parcelle D 639, serait insuffisante pour accueillir un projet de construction d'une simple maison individuelle, les services du SDIS n'ayant d'ailleurs émis aucune remarque sur ce sujet. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir que les motifs fondant le certificat d'urbanisme négatif et le refus de permis de construire opposés par le maire de Le Val sont illégaux.
8. En deuxième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
9. Aux termes des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.
10. La commune fait valoir qu'elle pouvait s'opposer au projet en raison des risques pour la sécurité publique du fait de l'étroitesse de la voie de desserte. Toutefois, comme il a été indiqué précédemment, la largeur de la voie était à la date de la demande, selon le constat de géomètre produit, d'au minimum 3,80 mètres, et non de 2,50 à 2,80 mètres comme allégué. En outre, le projet ne vise qu'à desservir une seule construction à usage d'habitation, par une voie qui dessert déjà d'autres constructions dans le quartier. La commune n'établit pas les difficultés alléguées d'accès au projet par les véhicules de secours, alors que le SDIS, consulté sur les deux demandes en litige, n'a émis aucune remarque sur la voie de desserte. Dans ces conditions, la commune n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques existant, ni par suite, que le projet serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique. Sa demande de substitution de motif ne peut donc qu'être rejetée.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du certificat d'urbanisme négatif délivré par le maire de la commune de Le Val le 12 janvier 2017 ainsi que de l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le maire de Le Val a refusé de lui délivrer un permis de construire.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique que le maire réexamine les demandes de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Le Val de réexaminer les demandes de certificat d'urbanisme et de permis de construire dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
13. D'une part, M. B... n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune de Le Val sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la commune de Le Val la somme de 2 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon est annulé.
Article 2 : Le certificat d'urbanisme négatif délivré par le maire de la commune de Le Val le 12 janvier 2017 ainsi que l'arrêté du 12 avril 2017 par lequel le maire de Le Val a refusé de délivrer à M. B... un permis de construire sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Le Val de réexaminer les demandes de certificat d'urbanisme et de permis de construire de M. B... dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : La commune de Le Val versera à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Le Val.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 où siégeaient :
- M. d'Izarn-de-Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2022.
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N° 20MA00302
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