Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par le jugement n° 2003004 du 18 février 2021, le tribunal administratif de Nice a, dans l'article 1er de ce jugement, annulé l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes en tant qu'il a prononcé à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et, par l'article 2 de ce jugement, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 août 2021, M. B..., représenté par l'AARPI Oloumi § Hmad avocats associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 18 février 2021 du tribunal administratif de Nice;
2°) d'annuler dans son intégralité l'arrêté du 30 juin 2020 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé ce délai, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 juin 2021 du bureau du tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me Ouloumi représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité tunisienne, a déposé le 28 octobre 2019 une demande de titre de séjour auprès du préfet des Alpes-Maritimes portant mention "vie privée et familiale" ou à défaut "salarié". En exécution du jugement n° 1801329 du 27 avril 2018 du tribunal administratif de Nice annulant l'arrêté du 25 mars 2018 du préfet des Alpes-Maritimes refusant d'admettre au séjour le requérant et enjoignant au préfet de réexaminer sa situation, le préfet des Alpes-Maritimes, par l'arrêté en litige du 30 juin 2020, a à nouveau refusé de lui délivrer ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Saisi par le requérant, le tribunal administratif de Nice, par l'article 1er du jugement attaqué, a annulé pour défaut de motivation cet arrêté en tant qu'il porte interdiction de retour sur le territoire français et, par l'article 2, rejeté le surplus des conclusions de sa demande. M. B... relève appel de l'article 2 de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Le requérant déclare sans l'établir être entré en France en 2009 et s'y est continuellement maintenu depuis cette date. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est maintenu irrégulièrement en France malgré deux refus de titre de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français prononcés en 2013 et en 2015 par le préfet des Alpes-Maritimes, dont la légalité a été confirmée par deux jugements du tribunal administratif de Nice. Sa femme qu'il a épousée en Tunisie le 18 août 2005 fait elle aussi l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. La circonstance que les trois enfants des requérants, dont le dernier est né le 4 septembre 2014 en France, soient scolarisés en collège pour l'aîné et en école maternelle et élémentaire pour les deux derniers en France ne fait pas obstacle à ce que la famille se reconstitue dans son pays d'origine et que les enfants poursuivent une scolarité normale en Tunisie. Les dispositions précitées ne consacrent pas un droit aux étrangers de choisir librement le pays où établir leur vie familiale. La circonstance que certains membres de la famille et de la belle-famille du requérant soient de nationalité française ou résident régulièrement en France ne permet pas par elle-même d'établir que M. B... serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu selon ses propres dires jusqu'à l'âge de 28 ans. La circonstance qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier ne suffit pas à établir son insertion socio-professionnelle en France. Dans ces conditions, il n'établit pas avoir fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Par suite, et alors même que le couple subviendrait aux besoins du foyer, le préfet n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, la décision en litige ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
5. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine du requérant et les enfants peuvent poursuivre une scolarité normale en Tunisie. La décision en litige n'a pas pour effet de séparer le requérant de ses enfants, ni ces derniers de leur mère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été écarté à bon droit par les premiers juges.
6. En troisième lieu, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation d'un ressortissant tunisien qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Alpes-Maritimes, qui a estimé qu'eu égard à l'ensemble des éléments produits, le requérant ne justifiait pas d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aurait méconnu, ce faisant, l'étendue de son pouvoir de régularisation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Oloumi.
Copie pour information sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.
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N° 21MA03396