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07/06/2022 | FRANCE | N°21MA04166

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 07 juin 2022, 21MA04166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa dema

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Par un jugement n° 2009463 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 6 juillet 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, et a pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 2009463 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021, M. B..., représenté par

Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 6 juillet 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, à défaut de réexaminer sa situation, et dans cette attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois assortie d'une autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie de 10 ans de présence en France ;

- les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sont méconnus ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est disproportionnée au regard de ses conséquences sur sa vie privée et familiale, outre qu'elle est entachée d'erreur d'appréciation de sa situation personnelle au regard de l'ancienneté des mesures d'éloignement et alors qu'il ne trouble pas l'ordre public ; elle est illégale au regard des circonstances humanitaires qu'il invoque ;

- la décision fixant le Nigéria comme pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de celles du refus de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 septembre 2021.

Une ordonnance du 24 février 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 25 avril 2022,

à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian, né le 10 janvier 1984, a demandé le

17 décembre 2010 son admission au séjour en qualité de réfugié, et il a été débouté d'asile par décisions successives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale de droit d'asile (CNDA) du 16 janvier et du 9 juillet 2012. Il a fait l'objet le

14 août 2012 d'un arrêté préfectoral de refus d'admission au séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, qui a fixé le pays de destination.

Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement n° 1206086 du 22 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille. M. B... a de nouveau sollicité son admission au séjour. Par une décision du 23 décembre 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination. Cette décision a été confirmée par un jugement n° 1606254 du 17 octobre 2016 du tribunal administratif de Marseille. M. B... relève appel du jugement n° 2009463 du 31 mai 2021 du tribunal administratif Marseille qui rejette sa requête contre une nouvelle décision du

6 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône qui rejette sa demande de titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, avec interdiction de retour pendant une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7°/ A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

3. Par ailleurs, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

4. D'une part, M. B... soutient qu'il justifie de sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé démontre sa présence en France de la fin de l'année 2010, date où il a bénéficié du dispositif de soutien aux réfugiés jusqu'au mois de novembre 2012, date à laquelle il n'a plus été hébergé dans le cadre de sa demande d'asile. Ensuite, il a conclu un bail d'habitation pour une studette à Marseille à compter du mois de décembre 2012, jusqu'en mars 2017, ce dont il justifie par la production de quittances de loyer sur la période considérée, pour ensuite faire valoir une autre adresse à Marseille à compter du mois d'avril 2017. Pour justifier de sa présence continue en France de l'année 2017 à la date de l'arrêté attaqué, il produit des factures d'énergie à son nom, des quittances de loyers, des relevés de compte postal, des déclarations de revenus et des avis d'imposition ne comportant aucune ressource, des factures de téléphonie, et son affiliation à l'aide médicale d'Etat. Cependant, de tels éléments ne sont de nature à établir qu'une présence ponctuelle en France, dès lors qu'il n'apporte aucun élément sur son lieu de vie entre avril 2017 et l'année 2020, faute de produire des éléments probants de sa résidence sur cette période. Ainsi, et alors qu'en tout état de cause, M. B... n'est au mieux en France que depuis le

11 décembre 2010, il n'établit pas sa présence permanente en France depuis au moins 10 ans à la date de la décision litigieuse du 6 juillet 2020.

5. D'autre part, M. B... est célibataire et sans enfant. S'il fait valoir qu'il vit maritalement avec une compatriote depuis l'année 2019, en situation irrégulière en France et mère d'un enfant français, la vie commune dont il se prévaut est très récente, puisqu'au plus égale à une année à la date de l'arrêté attaqué, et il ne démontre pas une insertion particulière en France. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux aurait, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Pour les mêmes motifs, il ne résulte d'aucune circonstance invoquée par l'intéressé qu'en ne régularisant pas sa situation par la délivrance du titre de séjour sollicité, l'autorité administrative aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En deuxième lieu, les éléments d'ordre personnel que M. B... invoque ne sont pas de nature à établir, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte des points précédents qu'aucun des moyens invoqués à l'encontre de la décision portant refus de séjour n'est fondé. Dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

8. D'une part, l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour et d'éloignement opposées à M. B... n'est pas établie ainsi qu'il vient d'être dit. Dès lors, le moyen invoqué par voie d'exception et tiré de cette illégalité à l'appui des conclusions dirigées contre le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

9. D'autre part, si M. B... fait valoir qu'un retour au Nigéria l'exposerait au risque d'être violenté au motif que sa région d'origine est qualifiée de zone de grande criminalité, selon un document du 3 décembre 2020 du ministère de l'Europe et des affaires étrangères relatif à la situation sécuritaire au Nigéria, cet élément ne permet pas de tenir pour établi le caractère actuel et personnel des risques allégués en cas de retour dans son pays d'origine. La demande d'asile de l'intéressé a d'ailleurs été rejetée par une décision de l'OFPRA du 16 janvier 2012, confirmée par une décision du 9 février 2012 de la CNDA. Par suite, les moyens tirés de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation de sa situation personnelle et des conséquences de la décision contestée sur celle-ci doivent être écartés.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Il ressort des termes mêmes des dispositions du quatrième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'autorité compétente, pour fixer la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire, doit tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que certains d'entre eux.

11. Comme il a été dit au points 4 et 5, M. B... ne possède pas de liens intenses et stables en France, et il a déjà fait l'objet de deux obligations de quitter le territoire français qu'il ne soutient pas avoir exécutées. Dans ces conditions, et quand bien même il ne représente pas une menace pour l'ordre public, le préfet, qui a pris soin d'examiner si des circonstances humanitaires pouvaient faire obstacle au prononcé d'une telle mesure, ce qu'au demeurant, l'appelant n'établit pas eu égard à ce qui a été dit au point 9, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du 31 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille et de l'arrêté du 6 juillet 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à Me Decaux et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.

N° 21MA041662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04166
Date de la décision : 07/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-07;21ma04166 ?
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