Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2108902 du 15 octobre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 novembre 2021, M. B... représenté par Me Dogo-Bery, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 octobre 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " ou " vie privée et familiale " à défaut, de procéder à l'examen de sa demande de titre de séjour présentée le 12 août 2020, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 9 juillet 2021 du tribunal administratif de Nice, devenu définitif, annulant un précédent arrêté du 21 avril 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai au motif que pour fonder cet arrêté, le préfet avait retenu qu'il s'était maintenu sur le territoire français au-delà de la validité de son titre de séjour sans en demander le renouvellement, alors qu'il avait bien sollicité son changement de statut pour motif professionnel, par courrier reçu en préfecture le 12 août 2020 ;
- le préfet fonde l'arrêté en litige sur le même motif, alors qu'il ne fait aucune mention de sa demande de titre de séjour et ne s'est pas prononcé sur son droit au séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2022, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, né le 9 juillet 1991, relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail. Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4°. ".
3. M. B... fait valoir que l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise à son égard dès lors que le préfet ne fait aucune mention de la demande de changement de statut pour motif professionnel qu'il avait adressée à la préfecture. Il doit ainsi être regardé comme invoquant l'insuffisante motivation de l'arrêté en litige. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué d'une part, que le préfet se borne à viser l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans préciser l'alinéa de cet article sur lequel est fondée la mesure d'éloignement contestée, et d'autre part, qu'il ne se réfère pas à la situation du requérant permettant de déduire l'alinéa sur lequel il a entendu se fonder pour prendre à son encontre la mesure d'éloignement. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français, en l'absence de toute motivation en droit et en fait, doit être annulée, ainsi que par voie de conséquence les décisions subséquentes contenues dans l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
5. L'exécution du présent arrêt n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à M. B.... L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet des Alpes-Maritimes, conformément aux dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, procède au réexamen de la situation de M. B... et munisse l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 15 octobre 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 11 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre sans délai une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
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N° 21MA04369